Christine. Enault Louis

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Christine - Enault Louis

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grâce, et cette grâce, elle la portait en toute chose. La valse semblait faite pour lui donner l'occasion de déployer à la fois et de mettre dans leur jour éclatant toutes ces beautés de la femme, que, dans le repos, on pouvait seulement soupçonner. Le jeune homme l'enveloppait d'un long regard, et il admirait tour à tour cette taille élégante et souple qui ployait sous son bras; cette main un peu longue, mais si fine, qu'elle disparaissait dans la sienne; ces belles épaules que le mouvement de la valse tantôt noyait dans l'ombre et tantôt ramenait toutes frémissantes sous l'éclatante lumière. Cependant peu à peu la musique pénétrante, l'éblouissement des bougies, l'enivrement du tourbillon, le contact de ce beau corps contre sa poitrine, le vague parfum exhalé des cheveux, tout contribuait à jeter dans l'âme de Georges un trouble que depuis longtemps il ne connaissait plus.

      Depuis qu'il s'était engagé avec elle dans le cercle mouvant, il n'avait point adressé la parole à Christine. Il voulut rompre ce silence, qui devenait embarrassant pour tous deux, et il regarda son visage. L'animation de la danse l'avait en quelque sorte transfigurée. Un demi-sourire errait sur ses lèvres, légèrement, comme un oiseau qui voltige sans se poser; sa joue, naturellement pâle, se teintait d'un carmin délicat, comme si la rose de la jeunesse s'était épanouie en elle tout à coup. Elle sentit le regard qui s'arrêtait sur elle, et, relevant ses paupières brunes, elle tourna vers Georges ses grands yeux, qui semblaient nager dans la joie divine de l'extase. Elle était vraiment au-dessus de toute banalité plus ou moins élégamment tournée: un compliment vulgaire devait sonner comme une fausse note à son oreille. Georges le comprit, et il se tut.

      Comme il la reconduisait:

      «Weber est un grand et noble génie, lui dit-il, et nul, à mon gré, n'a mieux interprété les sentiments du cœur. Sa musique est comme le soupir de l'âme.

      – C'est pour cela que vous ne parlez point quand on la joue?

      – Oui, dit-il à son tour, c'est précisément parce qu'elle exprime si bien ce que je sens que je me garde de l'interrompre.»

      Christine se rassit.

      «On assure, fit-elle en lui jetant un coup d'œil rapide, que les Français parlent un peu légèrement des choses sérieuses.

      – Je ne sais pas, répondit-il; il y a fort longtemps que je vis à l'étranger.»

      Quelques amis de Christine s'étaient rapprochés d'elle. Georges la salua profondément et rentra dans le salon où l'on dansait.

      «En vérité, comtesse, dit un homme d'une quarantaine d'années qui venait de prendre la main de Mme de Rudden à l'instant même où M. de Simiane s'éloignait d'elle, je ne vous ai jamais vue comme ce soir. Vous devenez d'une beauté inquiétante.

      – Pour qui?

      – Pour moi!

      – Il y a si longtemps que vous êtes inquiet!

      – Hélas!

      – Et sans raison… Je ne suis pas coquette, vous le savez bien…

      – Par malheur.

      – Pourquoi?

      – Parce qu'alors vous auriez un défaut.

      – Monsieur le baron, vous devenez bien… français.

      – Est-ce un compliment ou une épigramme?

      – Je ne fais pas d'épigrammes et je n'aime pas les compliments.

      – Je ne vous en faisais point en vous disant que jamais vous n'avez été plus belle.

      – Eh bien! tant mieux! dit-elle en riant, je veux l'être…

      – Ah! comtesse, il ne fait que d'arriver!

      – Fou! dit Christine en cachant derrière son éventail une rougeur furtive.

      – Ma pauvre amie, reprit le causeur avec une nuance de mélancolie, vous ne savez pas encore mentir.

      – Cela viendra peut-être, dit-elle en riant, mais sans le regarder. En attendant, soyez assez bon pour faire demander mon traîneau.

      – Savez-vous, mon cher, disait de son côté le chevalier de Valborg en passant son bras sous celui du jeune homme, que vous faites rapidement vos conquêtes?

      – Je ne comprends pas…

      – Dissimulé!

      – Étourdi!

      – Enfin, mon cher, il y a trois ans qu'elle n'avait valsé…

      – Voilà une preuve!

      – Évidente!

      – Si elle ne danse point, c'est que vous ne l'invitiez pas…

      – Elle nous refuse!

      – C'est votre faute.

      – Et une demi-heure de tête-à-tête!

      – En plein bal!

      – La faveur n'en était que plus précieuse.

      – Que n'en preniez-vous votre part?

      – Et l'hospitalité! je m'en serais bien gardé: la comtesse, d'ailleurs, ne me l'aurait jamais pardonné, ni vous non plus… Mais, vrai, comment la trouvez-vous?

      – Charmante!

      – Adorable, mon cher, un diamant sans tache!

      – Non: une perle; elle en a les douces lueurs.

      – Soit! mais dites-le plus bas, car la voici.»

      La comtesse, en effet, traversait le salon au bras de l'homme qui venait de demander son traîneau.

      «Qui donc est avec elle? fit Georges au chevalier.

      – C'est le major baron de Vendel: cinquante ans, mais le cœur jeune; un peu gros, mais parfaitement distingué; l'ami de la maison.

      – Ah?

      – Non pas comme vous l'entendez.

      – Un cousin?

      – Point. Un soupirant, mais pour le bon motif, comme vous dites en France; du reste, un vrai héros de roman… une âme délicate et chevaleresque. Il se jetterait au feu ou à l'eau pour la comtesse. En attendant, il vient de faire la campagne des Duchés, où il a gagné de la gloire, deux blessures et une décoration, en se battant comme volontaire pour le Danemark.»

      La comtesse en ce moment passait devant les deux jeunes gens, qui causaient dans l'embrasure d'une fenêtre. Ils s'inclinèrent devant elle. Le major salua, non sans hauteur; Georges se redressa vivement sous son regard. Mais les yeux de Christine s'arrêtèrent sur les siens, et il ne vit plus qu'elle. Elle sourit doucement au chevalier de Valborg.

      «Voilà, dit Axel, un sourire qui a eu soin de se tromper d'adresse. Tout va bien; décidément, vous êtes né sous une heureuse étoile.

      – Je n'en sais rien, dit Georges; mais je ne fais jamais de sentiment après

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