Christine. Enault Louis

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Christine - Enault Louis

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entendu!

      – Rien de plus facile. Nous avons ici notre Café de Paris, ainsi nommé parce qu'il est tenu par un Allemand et fréquenté par des Anglais. Il est dans la rue de la Reine, non loin du palais de la belle; car nous avons un palais, mon cher comte!

      – Eh bien! chevalier, je vous invite à souper.

      – J'accepte.

      – A la seule condition que nous ne parlerons pas d'elle.

      – J'aurai soin de vous désobéir.

      – Andiamo!»

      Les deux jeunes gens descendirent gaiement l'escalier d'honneur, garni d'un tapis rouge et planté de petits sapins auxquels on avait mis des fleurs de serre dans les branches, pour leur donner une apparence de végétation exotique.

      «Enveloppez-vous, dit Axel au moment où son groom ouvrait la porte du vestibule; il est une heure après minuit, nous allons passer les ponts, il fait trente degrés de froid à l'ombre, et mon traîneau est découvert!

      – Andiamo!» répéta Georges en modulant la délicieuse phrase que Mozart a mise dans la bouche de Zerline et de Mazetto. Et il se jeta au fond de la petite voiture basse, découverte comme le chevalier l'avait dit.

      Les chevaux, sans bruit, comme des fantômes, emportèrent le traîneau rapide, qui glissait sur la neige durcie. De chaque côté, les maisons noires semblaient courir; la lune riait dans le ciel, toute blanche, entre les nuages gris. Un coup de vent froid avertit les voyageurs qu'ils franchissaient la petite rivière de Norrstrom et les bains de Rosen. Ils entrèrent bientôt dans la longue rue de Drottninggatan (la rue de la Reine). Au bout de cinq minutes, les chevaux fumants s'arrêtaient devant la taverne de Hans-Bamberg, éclairée a giorno. Hans-Bamberg est honoré de la confiance de toute la jeunesse élégante, et il ne ferme jamais son café les nuits de bal. Les deux jeunes gens traversèrent, entre deux rangées de torches résineuses fixées au mur dans des anneaux ne fer, un petit vestibule garni d'arbres aux verts rameaux, et franchissant les vingt marches d'un escalier de bois, ils se trouvèrent à la porte de la salle commune.

      «Norra! un cabinet, dit Axel en prenant par le menton une grande et belle fille qui était venue à sa rencontre: c'est possible, j'espère? ajouta-t-il en lui tapant familièrement sur la joue.

      – Tout est possible à monsieur le chevalier.

      – Même de t'empêcher d'avoir des amoureux?

      – Cela plus que tout le reste! dit Norra en faisant une belle révérence.

      – Je te préviens, friponne, que je n'en crois pas un mot!.. Mais n'importe… c'est ton affaire; à souper!

      – Que veut monsieur le chevalier?

      – Ce que tu as… des huîtres.

      – Monsieur le chevalier veut rire… Il y a trois mois qu'elles sont gelées au fond de la mer.

      – C'est juste! Eh bien! ce que tu voudras, et du champagne Cliquot! Vous verrez, mon cher comte, qu'il faut venir en Suède pour boire des vins de France.

      – Il n'est pas encore frappé, monsieur le chevalier.

      – Eh bien! ma belle, ouvre la fenêtre, et ce sera fait tout de suite.»

      Norra descendit pour aller commander le souper.

      «Savez-vous, mon cher Axel, dit Georges en s'asseyant, que je vous trouve assez Sybarites de vous faire servir à table par de jolies filles?

      – Que voulez-vous, mon cher comte? nous aimons mieux cela que des garçons, comme chez vous; rien ne nous déplaît comme le service des hommes; celui des femmes est meilleur: leur main est plus légère; elles ont tout à la fois plus de prévenance, plus de douceur et plus de délicatesse. Je suis toujours tenté de rire de vos valets de pied, robustes gaillards qui portent à bras tendus… une assiette de porcelaine ou un verre mousseline. Et puis j'avoue que j'aime assez, comme coup d'œil, voir passer et repasser devant moi ces jolies créatures en jupon court, en corset de couleur, le petit bonnet sur l'oreille, – un rien ce bonnet, un morceau de velours, et un bout de dentelle chiffonné sur le chignon, – et l'œil éveillé! Oui, j'aime mieux cela que vos laquais solennels, empesés dans leur cravate.»

      Axel eût peut-être continué longtemps sur ce ton, mais il fut interrompu par deux petits coups frappés à la porte.

      C'était Norra qui revenait accompagnée d'une seconde piga (c'est le nom qu'on donne à ces jeunes filles1), portant les flacons et les plateaux. On eût dit deux jolis lutins échappés à cette fraîche province du Bléking, où le sang rose coule sous la peau satinée. En deux minutes le souper fut servi.

      «Plaise à Votre Honneur, si quelque chose manque, deux coups sur le verre… et bon appétit!..»

      Les deux pigas sortirent en faisant force révérences.

      Axel découpa lestement un jerper, sorte de gibier de la taille d'un fort pigeon, à la chair blanche et savoureuse, dont le fumet délicat excite l'appétit et donne soif. Georges fit sauter le bouchon cerclé de fer d'une bouteille à fine encolure.

      «Et maintenant, dit le chevalier en choquant les verres, à la santé de vos amours.

      – Attendez donc!

      – Quoi!

      – La seconde bouteille!

      – Alors, dépêchons de boire la première.»

      Le souper fût très-gai, plein de verve: les deux jeunes gens étaient de joyeux compagnons. Cependant Georges versait plus qu'il ne buvait, en homme qui veut se taire et écouter. Axel ne demandait qu'à parler: il n'attendit pas le troisième verre pour commencer ses confidences.

      «Pardieu! dit-il, vous croyez que je ne vous vois pas venir? Vous n'osez pas m'interroger et vous brûlez d'envie de m'en tendre… Ne soyez donc pas boutonné comme cela jusqu'au menton: vous apportez partout un air de chancellerie; nous ne sommes pas ici dans un congrès.

      – Je n'interroge jamais! dit Georges.

      – Mais vous écoutez toujours.

      – C'est un peu mon métier.

      – Vous vous arrangez de façon à cumuler le bénéfice du silence et de l'indiscrétion.

      – Et vous, comptez-vous donc pour rien le plaisir de parler?

      – Au fait, que voulez-vous savoir?

      – Tout ce qu'il vous plaira de m'apprendre.

      – Eh bien, sachez donc que la comtesse – car c'est de la comtesse qu'il s'agit, j'imagine!..

      – Eh oui, bourreau! pourquoi me retournez-vous ainsi sur les charbons?

      – Enfin, voilà un cri du cœur, et il vous comptera plus auprès de moi que deux bouteilles de Cliquot. Sachez donc que la comtesse est un ange.

      – Prenez garde, chevalier, vous allez tomber dans le lieu commun.

      – La comtesse

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<p>1</p>

Piga vient de l'adjectif pig, qui veut dire mutin, éveillé. Les jeunes filles de Stockholm ont mérité d'en faire le substantif qui les désigne.