Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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vivaient avec leur mère chrétienne. Un automne, ils lui annoncèrent que sa fin était venue. Ils lui préparèrent du feu; lui laissèrent un peu de viande desséchée, ainsi qu’un grelot de collier de chien et un tambourin, qu’elle avait demandés comme dernière faveur; et, s’éloignant, lui promirent qu’ils reviendraient lorsque les neiges seraient fondues, pour lui rendre les derniers devoirs.

      Sept mois après, ils revinrent en effet.

      Leur canot amarré, ils s’avancent dans la forêt, avec les prostrations et les lamentations d’usage, dans le rite païen des funérailles. Comme ils abordent le «tas de bois», quelle n’est pas leur stupeur d’entendre s’en échapper un gémissement, tout faible, presque imperceptible. Un squelette, à peine respirant, se dégage peu à peu… Leur mère! Ils veulent fuir. Mais, de ses mains décharnées, elle les supplie de l’écouter. Haletante, et comme si elle en demandait pardon, elle leur raconte comment il se fait qu’elle vive encore… Elle avait ménagé, et ménagé, sa petite provision. Ensuite, elle avait mangé des racines, puis des écorces, puis ses mocassins, enfin sa robe. Longtemps elle avait réussi à conserver le feu, pour éloigner les loups, qui hurlaient tout autour. Afin de ne dépenser ses forces que le moins possible, elle allait, marchant doucement sur ses mains et ses genoux, chercher des branches mortes. Avec les lanières de ses mocassins, elle s’attelait au petit fagot et le traînait, dans la neige, jusqu’au foyer… Un jour, il n’y eut plus de branches mortes, et le feu s’éteignit. Les loups accoururent. Elle les empêcha encore quelque temps de la mordre, en agitant sa clochette et en frappant son tambourin… A la fin, n’ayant plus rien à manger, elle s’était mise sous les troncs d’arbres, pour mourir…

      Les jeunes gens ne purent se défendre d’un mouvement de pitié. Ils firent un brancard, portèrent leur mère au canot, et la conduisirent, à 300 kilomètres de là, chez de braves chrétiens, Boniface et Madeleine Laferté, qui nous ont eux-mêmes raconté ce trait.

      La vieille Indienne vécut encore deux ans dans leur maisonnette, revit le missionnaire, reçut le saint Viatique, et mourut tout heureuse.

      Tel était le peuple sauvage que la Croix vint aborder, en 1844, et sur lequel elle rayonne aujourd’hui.

      Quel fut le chemin de cette Croix pour les missionnaires, appelés par Dieu à l’honneur de la planter dans les glaces les plus lointaines? Quels furent ces apôtres, évêques, prêtres, frères convers et religieuses? Quelles déceptions et quelles consolations les accompagnèrent?

      C’est ce que voudrait raconter le reste de ce livre.

      CHAPITRE III

      L’HIVER

      Caractère de l’apostolat dans l’Athabaska-Mackenzie. – Linceul de neige et de nuit. – Une âme par 250 kilomètres carrés. – Le fort et la mission. – Traîneaux et chiens. – Les chemins du Nord. – Bordillons, crevasses, poudrerie. – En détresse sur le Grand Lac des Esclaves. – Carrosse épiscopal. – Les raquettes. – La soif. – Le Père Laity.

      Les missionnaires sont les soldats des postes avancés. Mais combien diffèrent leurs champs de bataille, des sables de l’équateur aux neiges du pôle, des anthropophages océaniques aux Peaux-Rouges arctiques!

      L’effort soutenu par les missionnaires de l’Athabaska-Mackenzie ne peut se comparer. Ce n’est pas dans la lutte corps à corps avec le paganisme qu’ils eurent à s’épuiser: le paganisme des Dénés s’avoua vaincu d’avance. Ce n’est pas contre la persécution violente: ces timides peuplades n’ont point de mandarins sanguinaires. Ce n’est pas contre l’inertie spirituelle des néophytes: la ferveur des convertis confondrait souvent la nôtre. Les âmes à conquérir dans l’Athabaska-Mackenzie n’étaient que des captives, soupirant du fond de leur exil.

      La vie des missionnaires s’est usée à les atteindre, par delà deux barrières qui paraissaient d’abord infranchissables: les distances et la pauvreté. Les distances reculées jusqu’aux confins du globe. La pauvreté entretenant une disproportion énorme entre les immensités et les moyens de les parcourir.

      Ainsi donc, les longs voyages, les durs ouvrages matériels, qui furent les soucis secondaires des missionnaires de l’Asie orientale sont devenus les travaux apostoliques de première importance dans l’Extrême-Nord de l’Amérique.

      Dire par quel courage furent domptés ces obstacles serait raconter presque toute l’histoire de la conquête des Dénés au royaume de Dieu.

      Pendant que le missionnaire des tribus Ceylanaises ne se déplace que pour jeter continuellement ses larges filets, à sa droite et à sa gauche, parmi des masses assemblées, mesurant son labeur par le chiffre des âmes qu’il a sauvées, le missionnaire voyageur du Mackenzie compte les lieues qu’il a parcourues, les jours de disette qu’il a traversés, et dit: «Voilà mon apostolat!» Au bout de ces tournées douloureuses, il inscrit quelques baptêmes, quelques communions, une mort sanctifiée par sa présence sous la hutte indienne, et son rôle est rempli. A lui la consolation de ressembler à Notre-Seigneur cheminant trois pénibles années, à travers les campagnes de la Palestine, et ne s’attachant que de rares fidèles. A ses confrères des pays plus fortunés, la joie des apôtres convertissant les foules et les nations.

      Devant le missionnaire, forcé de dire adieu aux chemins de fer, dès le seuil de l’Athabaska-Mackenzie, les distances revêtent deux aspects, entraînant des difficultés totalement diverses: l’aspect d’un hiver très long, et l’aspect d’un été très court.

      Nous suivrons d’abord l’apôtre-voyageur aux prises avec l’hiver.

      L’hiver de l’Athabaska-Mackenzie est le plus froid des hivers continentaux.

      On sait que le climat d’un pays ne se règle pas uniquement sur sa longitude et sa latitude, ni même sur l’abondance de son insolation. Le relief et l’élévation du sol, l’humidité, la sécheresse, la température des courants atmosphériques et marins en varient beaucoup les conditions.

      Exception faite de la Colombie Britannique, abritée par ses montagnes contre le Nord et caressée par les brises du Pacifique, le climat du Canada est, dans son ensemble, très rigoureux. Il le doit particulièrement aux glaciers polaires, providentiels condensateurs de la surabondante humidité du globe, et aux flottes de banquises qui parcourent l’océan Arctique et la profonde baie d’Hudson. L’océan Arctique et la baie d’Hudson, ces réfrigérants naturels de la zone torride par la conductibilité de la terre, dégagent aussi les aquilons qui balayent librement la surface de l’Amérique septentrionale, sans rencontrer, pour s’y attiédir, les chauds effluves d’un gulf-stream.

      Ottawa, la capitale de la Puissance, qui, de par sa latitude, aurait droit au climat de Venise, compte cinq mois d’un hiver sibérien. L’Ouest canadien fut longtemps réputé inabordable à la culture, tant il y gelait, jusqu’au milieu des étés. Le défrichement, l’ameublissement du sol ont modifié le climat de la prairie; mais les hivers de Winnipeg, – latitude de Paris, – restent néanmoins plus rudes que ceux de Pétrograd.

      Plus haut, dans les forêts de l’Athabaska-Mackenzie, le printemps et l’automne, déjà abrégés dans la prairie, se réduisent davantage. Au Grand Lac des Esclaves, les saisons intermédiaires ne comptent plus. Au Cercle polaire, elles sont englobées par l’hiver, qui empiète sur l’été lui-même.

      Les missionnaires du Fort Good-Hope ont dressé la table climatologique suivante. Les noms des quatre saisons y sont conservés; mais les parenthèses apposées expliquent ce qu’on en doit penser:

      Printemps:

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