Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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style="font-size:15px;">      – Je ne comprends pas, je ne comprends pas!

      Déconcerté, le missionnaire appela une femme métisse parlant français et montagnais:

      – Viens donc à mon secours. Ma grand’mère me comprend pour tout, excepté pour une chose: Je lui dis que je la préparerai pour sa première communion, et elle me dit toujours qu’elle ne me comprend pas.

      Après les explications de l’interprète, la grand’mère reprit:

      – Ah! oui, je comprenais! Mais je supposais que mon petit-fils, l’homme de la prière, se trompait, en me disant ce qu’il ne voulait pas dire. Qui aurait pu supposer qu’une pauvre vieille sauvagesse pût être admise à la sainte communion?

      Un sauvage du lac Athabaska vint un jour trouver le même missionnaire, après une instruction qui l’avait touché:

      – Père, je comprends maintenant que les femmes ont une âme comme nous.

      – Mais je n’en ai pas parlé.

      – Oh! Père, lorsque tu nous as dit que le Fils de Dieu avait pris une mère parmi les femmes de la terre, j’ai bien compris que les femmes ont une âme et un ciel, comme les hommes!

      La Très Sainte Vierge Marie, prêchée par la religion catholique fut donc la divine main qui refit à la femme, méprisée du paganisme, cette auréole de vénération et d’affection, que nous ne trouvons jamais trop belle au front de nos mères chrétiennes. La sauvagesse, enfin réhabilitée, bénit, dans la forêt, Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme Le bénissent les femmes de notre civilisation, qui n’ont point oublié quelles tristes choses elles seraient encore, s’Il n’était venu lever l’anathème originel: «Je multiplierai tes douleurs», et les replacer, par la prédication de ses apôtres, sur le trône de leur dignité humaine.

      L’enfant, chez les Dénés païens, partagea le sort de sa mère.

      Louis Veuillot écrivait, en 1866:

      Le genre humain est doué d’une sorte de goût à tuer les enfants… Il n’y a guère que le christianisme qui combatte efficacement cette singulière coutume; et là où le christianisme baisse, la coutume, vaincue par lui, reprend son meurtrier empire… Quand il n’y aura plus de christianisme, comment le progrès fera-t-il pour conserver les hommes?

      Les Dénés respectèrent, à tout le moins, les lois de la nature, et ne mirent pas à «tuer les enfants» les raffinements que l’on connaît ailleurs. Ils les laissèrent naître.

      Les garçons étaient ordinairement les bienvenus, sauf les infirmes, en qualité de futurs chasseurs. Dès que le petit avait tué son premier oiseau, son premier lièvre, on lui faisait des fêtes. Au premier renne, ou au premier orignal, l’autorité paternelle n’avait plus qu’à décliner. Le fils, meilleur chasseur que son père, devenait le maître de la loge, et réglait tout à sa volonté.

      Mais malheur aux petites filles! Aujourd’hui encore, les mères se diront fières de leurs garçons, et les présenteront à tout venant: «C’est un dénéyou, celui-ci! un petit homme!» Quant à leurs filles, elles n’en parlent que le moins possible.

      Aux temps païens, la mort attendait les petites filles naissant au delà du nombre requis pour les besoins de la race et des travaux. Condamnées d’avance, elles étaient exécutées sur-le-champ. La mère elle-même se chargeait de les étouffer, car l’homme se fût trop avili, à si vulgaire besogne. Si l’enfant était épargnée, son martyre commençait avec sa vie. Elle grandissait et se préparait à son rôle d’épouse et de mère, en partageant, avec les chiens, la nourriture et les coups. Durant les famines, lorsque les parents se décidaient à manger leurs enfants, c’est par les filles qu’ils commençaient. L’homme désignait à la femme la victime du jour, en lui remettant le couteau.

      Pour l’orphelin, quel que fût son sexe, il était abandonné aux loups, dans les bois; ou bien, si quelque parent le laissait suivre le campement, sa condition était si misérable qu’il eût préféré la mort.

      Un spectacle qui n’a point fini de s’offrir péniblement à nous, lorsque nous visitons les sauvages christianisés, nous révèle, par la résistance des abus à tant d’efforts du missionnaire, quelle dut être, autrefois, l’infortune des vieillards.

      Qu’ils sont loin encore, nos convertis, de savoir la chaude tendresse qui enveloppe, au meilleur coin du foyer familial, les derniers jours de nos grands-pères à l’indulgent sourire et de nos grand’mères au long chapelet!

      Leur place, aux patriarches des tribus dénées, c’est la dernière, à l’entrée de la loge, sur le passage des gens, des chiens et de la bise. Si on les écoute avec une apparente attention, c’est parce que ce qu’ils vont dire sera peut-être leur parole suprême, et que, selon l’ancienne croyance, les volontés d’un mourant sont sacrées. Mais, en dehors de cet égard, la dérision accueille souvent les réflexions des vieillards. Un missionnaire du Grand Lac des Esclaves prêtait dernièrement l’oreille à une conversation tenue par des jeunes gens, au sujet de la chasse. Le père de l’un d’eux, qui avait été le plus adroit chasseur de la région, voulut intervenir en faveur de son fils. Mais celui-ci le rabroua:

      – Toi, ferme ta… bouche (le mot était plus grossier). Tu es trop vieux, pour être capable de discuter avec des jeunes gens!

      Une famille sera à table – c’est-à-dire à terre – mains et bouches pleines, le grand-père surviendra:

      – Berullé, pas de viande pour toi!

      Ils lui donneront cependant les restes du repas; et le vieux, qui se souvient d’avoir traité son propre père plus durement encore, s’en trouvera heureux. Que de fois n’entendra-t-il pas aussi un souhait de cette nature:

      – Tu ferais bien mieux de mourir, que de nous embarrasser! Que peut-on faire de toi?

      L’Evangile a dû créer, pour ainsi dire, dans ces cœurs sauvages, l’amour conjugal, l’amour maternel, l’amour filial.

      La mort, non par meurtre brutal, mais par abandon, était jadis la destinée du vieillard. Il le savait, et, le jour arrivé, il se soumettait sans récriminer.

      Peut-être serait-il injuste toutefois d’accuser toujours les Dénés nomades de cruauté voulue, à l’endroit des vieillards impotents. Pour juger ces actes, il faut avoir vu les Indiens du Nord dans la réalité de leur misère. Les vivres sont épuisés depuis longtemps. Le renne et l’orignal fuient toujours. La faim torture le camp. Il est nécessaire de partir afin de rejoindre le gibier errant. Que faire alors du pauvre perclus, que l’on ne peut porter? Toute la famille va-t-elle se condamner à mourir avec lui, ou bien l’abandonnera-t-elle à son sort fatal? Seul, le christianisme pouvait trancher, en faveur des faibles et des petits, ce poignant problème, en envoyant au vieillard, au malade, à l’orphelin le missionnaire et la sœur de charité.

      Le jour où il ne pouvait plus suivre la caravane, le vieillard était prévenu. On lui faisait un petit feu; on lui laissait les dernières provisions; et chacun de lui toucher la main, en lui recommandant de se glisser sous un tas de bois, préparé à cet effet, quand il se sentirait mourir, afin que ses restes ne fussent pas dévorés par les bêtes de la forêt:

      – Lorsque nous repasserons, dans les lunes de l’été, nous ensevelirons tes os, et ton esprit sera en paix.

      C’était l’adieu.

      Bien

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