Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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de voix charmant.

      – Oui, oui, dit tout haut d'Artagnan. Puis tout bas: Si je suis ta dupe, double jésuite, je ne veux pas être ton complice, au moins, et, pour ne pas être ton complice, il est temps que je sorte d'ici. Adieu, Aramis, ajouta-t-il tout haut; adieu, je vais rejoindre Porthos.

      – Alors attendez-moi, fit Aramis en empochant les échantillons, car j'ai fini, et je ne serai pas fâché de dire un dernier mot à notre ami.

      Le Brun plia bagage, Percerin rentra ses habits dans l'armoire, Aramis pressa sa poche de la main pour s'assurer que les échantillons y étaient bien renfermés, et tous sortirent du cabinet.

      Chapitre CCXI – Où Molière prit peut-être sa première idée du Bourgeois gentilhomme

      D'Artagnan retrouva Porthos dans la salle voisine; non plus Porthos irrité, non plus Porthos désappointé, mais Porthos épanoui, radieux, charmant, et causant avec Molière, qui le regardait avec une sorte d'idolâtrie et comme un homme qui, non seulement n'a jamais rien vu de mieux, mais qui encore n'a jamais rien vu de pareil.

      Aramis alla droit à Porthos, lui présenta sa main fine et blanche, qui alla s'engloutir dans la main gigantesque de son vieil ami, opération qu'Aramis ne risquait jamais sans une espèce d'inquiétude. Mais, la pression amicale s'étant accomplie sans trop de souffrance, l'évêque de Vannes se retourna du côté de Molière.

      – Eh bien, monsieur, lui dit-il, viendrez-vous avec moi à Saint-

      Mandé?

      – J'irai partout où vous voudrez, Monseigneur, répondit Molière.

      – À Saint-Mandé! s'écria Porthos, surpris de voir ainsi le fier évêque de Vannes en familiarité avec un garçon tailleur. Quoi! Aramis, vous emmenez monsieur à Saint-Mandé?

      – Oui, dit Aramis en souriant, le temps presse.

      – Et puis mon cher Porthos, continua d'Artagnan, M. Molière n'est pas tout à fait ce qu'il paraît être.

      – Comment? demanda Porthos.

      – Oui, monsieur est un des premiers commis de maître Percerin, il est attendu à Saint-Mandé pour essayer aux épicuriens les habits de fête qui ont été commandés par M. Fouquet.

      – C'est justement cela, dit Molière. Oui, monsieur.

      – Venez donc, mon cher monsieur Molière, dit Aramis, si toutefois vous avez fini avec M. du Vallon.

      – Nous avons fini, répliqua Porthos.

      – Et vous êtes satisfait? demanda d'Artagnan.

      – Complètement satisfait, répondit Porthos.

      Molière prit congé de Porthos avec force saluts et serra la main que lui tendit furtivement le capitaine des mousquetaires.

      – Monsieur, acheva Porthos en minaudant, monsieur, soyez exact, surtout.

      – Vous aurez votre habit dès demain, monsieur le baron, répondit

      Molière.

      Et il partit avec Aramis.

      Alors d'Artagnan, prenant le bras de Porthos:

      – Que vous a donc fait ce tailleur, mon cher Porthos, demanda-t- il, pour que vous soyez si content de lui?

      – Ce qu'il m'a fait, mon ami! Ce qu'il m'a fait! s'écria Porthos avec enthousiasme.

      – Oui, je vous demande ce qu'il vous a fait.

      – Mon ami, il a su faire ce qu'aucun tailleur n'avait jamais fait: il m'a pris mesure sans me toucher.

      – Ah bah! Contez-moi cela, mon ami.

      – D'abord, mon ami, on a été chercher je ne sais où une suite de mannequins de toutes les tailles espérant qu'il s'en trouverait un de la mienne, mais le plus grand, qui était celui du tambour-major des Suisses, était de deux pouces trop court et d'un demi-pied trop maigre.

      – Ah! vraiment?

      – C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire mon cher d'Artagnan. Mais c'est un grand homme ou tout au moins un grand tailleur que ce M. Molière; il n'a pas été le moins du monde embarrassé pour cela.

      – Et qu'a-t-il fait?

      – Oh! une chose bien simple. C'est inouï, par ma foi! Comment! on est assez grossier pour n'avoir pas trouvé tout de suite ce moyen? Que de peines et d'humiliations on m'eût épargnées!

      – Sans compter les habits, mon cher Porthos.

      – Oui, trente habits.

      – Eh bien, mon cher Porthos, voyons, dites-moi la méthode de

      M. Molière.

      – Molière? vous l'appelez ainsi, n'est-ce pas? Je tiens à me rappeler son nom.

      – Oui, ou Poquelin, si vous l'aimez mieux.

      – Non, j'aime mieux Molière. Quand je voudrai me rappeler son nom, je penserai à volière, et, comme j'en ai une à Pierrefonds…

      – À merveille, mon ami. Et sa méthode, à ce M. Molière?

      – La voici. Au lieu de me démembrer comme font tous ces bélîtres, de me faire courber les reins, de me faire plier les articulations, toutes pratiques déshonorantes et basses…

      D'Artagnan fit un signe approbatif de la tête.

      – «Monsieur, m'a-t-il dit, un galant homme doit se mesurer lui- même. Faites-moi le plaisir de vous approcher de ce miroir.» Alors je me suis approché du miroir. Je dois avouer que je ne comprenais pas parfaitement ce que ce brave M. Volière voulait de moi.

      – Molière.

      – Ah! oui, Molière, Molière. Et, comme la peur d'être mesuré me tenait toujours: «Prenez garde, lui ai-je dit, à ce que vous m'allez faire; je suis fort chatouilleux, je vous en préviens.» Mais lui, de sa voix douce car c'est un garçon courtois, mon ami, il faut en convenir, mais lui, de sa voix douce: «Monsieur, dit- il, pour que l'habit aille bien, il faut qu'il soit fait à votre image. Votre image est exactement réfléchie par le miroir. Nous allons prendre mesure sur votre image.»

      – En effet, dit d'Artagnan, vous vous voyiez au miroir; mais comment a-t on trouvé un miroir où vous pussiez vous voir tout entier?

      – Mon cher, c'est le propre miroir où le roi se regarde.

      – Oui; mais le roi a un pied et demi de moins que vous.

      – Eh bien, je ne sais pas comment cela se fait c'était sans doute une manière de flatter le roi, mais le miroir était trop grand pour moi. Il est vrai que sa hauteur était faite de trois glaces de Venise superposées et sa largeur des mêmes glaces juxtaposées.

      – Oh! mon ami, les admirables mots que vous possédez là! Où diable en avez-vous fait collection?

      – À Belle-Île. Aramis les expliquait à l'architecte.

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