Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre
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Читать онлайн книгу Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre страница 35
– En effet, dit d'Artagnan, voilà une belle maxime, qui n'est pas toujours mise en pratique.
– C'est pour cela que je la trouvai d'autant plus étonnante, surtout lorsqu'il la développa.
– Ah! Il développa cette maxime?
– Parbleu!
– Voyons le développement.
« – Attendu, continua-t-il, que l'on peut, dans une circonstance difficile, ou dans une situation gênante, avoir son habit sur l'épaule, et désirer ne pas ôter son habit…»
– C'est vrai, dit d'Artagnan.
« – Ainsi», continua M. Volière…
– Molière!
– Molière, oui. «Ainsi continua M. Molière, vous avez besoin de tirer l'épée, monsieur, et vous avez votre habit sur le dos. Comment faites-vous?
« – Je l'ôte, répondis-je.
« – Eh bien, non, répondit-il à son tour.
« – Comment! non?
« – Je dis qu'il faut que l'habit soit si bien fait, qu'il ne vous gêne aucunement, même pour tirer l'épée.
« – Ah! ah!
« – Mettez-vous en garde», poursuivit-il. J'y tombai avec un si merveilleux aplomb, que deux carreaux de la fenêtre en sautèrent. «Ce n'est rien, ce n'est rien, dit-il, restez comme cela.» Je levai le bras gauche en l'air, l'avant-bras plié gracieusement, la manchette rabattue et le poignet circonflexe, tandis que le bras droit à demi étendu garantissait la ceinture avec le coude, et la poitrine avec le poignet.
– Oui, dit d'Artagnan, la vraie garde, la garde académique.
– Vous avez dit le mot, cher ami. Pendant ce temps, Volière…
– Molière!
– Tenez, décidément, mon cher ami, j'aime mieux l'appeler…
Comment avez-vous dit son autre nom?
– Poquelin.
– J'aime mieux l'appeler Poquelin.
– Et comment vous souviendrez-vous mieux de ce nom que de l'autre?
– Vous comprenez… Il s'appelle Poquelin, n'est-ce pas?
– Oui.
– Je me rappellerai madame Coquenard.
– Bon.
– Je changerai Coque en Poque, nard en lin, et au lieu de
Coquenard, j'aurai Poquelin.
– C'est merveilleux! s'écria d'Artagnan abasourdi… Allez, mon ami, je vous écoute avec admiration.
– Ce Coquelin esquissa donc mon bras sur le miroir.
– Poquelin. Pardon.
– Comment ai-je donc dit?
– Vous avez dit Coquelin.
– Ah! c'est juste. Ce Poquelin esquissa donc mon bras sur le miroir; mais il y mit le temps; il me regardait beaucoup; le fait est que j'étais très beau. «Cela vous fatigue? demanda-t-il. – Un peu, répondis-je en pliant sur les jarrets; cependant le peux tenir encore une heure. – Non, non, je ne le souffrirai pas! Nous avons ici des garçons complaisants qui se feront un devoir de vous soutenir les bras, comme autrefois on soutenait ceux des prophètes quand ils invoquaient le Seigneur. – Très bien! répondis-je. – Cela ne vous humiliera pas? – Mon ami, lui dis-je, il y a, je le crois, une grande différence entre être soutenu et être mesuré.»
– La distinction est pleine de sens, interrompit d'Artagnan.
– Alors, continua Porthos, il fit un signe; deux garçons s'approchèrent; l'un me soutint le bras gauche, tandis que l'autre, avec infiniment d'adresse, me soutenait le bras droit.
« – Un troisième garçon! dit-il.
«Un troisième garçon s'approcha.
« – Soutenez les reins de monsieur, dit-il.
«Le garçon me soutint les reins.»
– De sorte que vous posiez? demanda d'Artagnan.
– Absolument, et Poquenard me dessinait sur la glace.
– Poquelin, mon ami.
– Poquelin, vous avez raison. Tenez, décidément, j'aime encore mieux l'appeler Volière.
– Oui, et que ce soit fini, n'est-ce pas?
– Pendant ce temps-là, Volière me dessinait sur la glace.
– C'était galant.
– J'aime fort cette méthode: elle est respectueuse et met chacun à sa place.
– Et cela se termina?..
– Sans que personne m'eût touché, mon ami.
– Excepté les trois garçons qui vous soutenaient?
– Sans doute; mais je vous ai déjà exposé, je crois, la différence qu'il y a entre soutenir et mesurer.
– C'est vrai, répondit d'Artagnan, qui se dit ensuite à lui-même: Ma foi! ou je me trompe fort, ou j'ai valu là une bonne aubaine à ce coquin de Molière, et nous en verrons bien certainement la scène tirée au naturel dans quelque comédie.
Porthos souriait.
– Quelle chose vous fait rire? lui demanda d'Artagnan.
– Faut-il vous l'avouer? Eh bien, je ris de ce que j'ai tant de bonheur.
– Oh! cela, c'est vrai; je ne connais pas d'homme plus heureux que vous. Mais quel est le nouveau bonheur qui vous arrive?
– Eh bien, mon cher, félicitez-moi.
– Je ne demande pas mieux.
– Il paraît que je suis le premier à qui l'on ait pris mesure de cette façon-là.
– Vous en êtes sûr?
– À peu près. Certains signes d'intelligence échangés entre
Volière et les autres garçons me l'ont bien indiqué.
– Eh