Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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vais à Paris, quand vous m'aurez donné une lettre.

      – Une lettre pour qui?

      – Une lettre pour M. de Lyonne.

      – Et que lui voulez-vous, à Lyonne?

      – Je veux lui faire signer une lettre de cachet.

      – Une lettre de cachet! Vous voulez faire mettre quelqu'un à la

      Bastille?

      – Non, au contraire, j'en veux faire sortir quelqu'un.

      – Ah! Et qui cela?

      – Un pauvre diable, un jeune homme, un enfant, qui est embastillé, voilà tantôt dix ans, pour deux vers latins qu'il a faits contre les jésuites.

      – Pour deux vers latins! Et, pour deux vers latins, il est en prison depuis dix ans, le malheureux?

      – Oui.

      – Et il n'a pas commis d'autre crime?

      – À part ces deux vers, il est innocent comme vous et moi.

      – Votre parole?

      – Sur l'honneur!

      – Et il se nomme?..

      – Seldon.

      – Ah! c'est trop fort, par exemple! Et vous saviez cela, et vous ne me l'avez pas dit?

      – Ce n'est qu'hier que sa mère s'est adressée à moi, Monseigneur.

      – Et cette femme est pauvre?

      – Dans la misère la plus profonde.

      – Mon Dieu! dit Fouquet, vous permettez parfois de telles injustices, que je comprends qu'il y ait des malheureux qui doutent de vous! Tenez, monsieur d'Herblay.

      Et Fouquet, prenant une plume, écrivit rapidement quelques lignes à son collègue Lyonne.

      Aramis prit la lettre et s'apprêta à sortir.

      – Attendez, dit Fouquet.

      Il ouvrit son tiroir et lui remit dix billets de caisse qui s'y trouvaient. Chaque billet était de mille livres.

      – Tenez, dit-il, faites sortir le fils, et remettez ceci à la mère; mais surtout ne lui dites pas…

      – Quoi, Monseigneur?

      – Qu'elle est de dix mille livres plus riche que moi; elle dirait que je suis un triste surintendant. Allez, et j'espère que Dieu bénira ceux qui pensent à ses pauvres.

      – C'est ce que j'espère aussi, répliqua Aramis en baisant la main de Fouquet.

      Et il sortit rapidement, emportant la lettre pour Lyonne, les bons de caisse pour la mère de Seldon et emmenant Molière, qui commençait à s'impatienter.

      Chapitre CCXIII – Encore un souper à la Bastille

      Sept heures du soir sonnaient au grand cadran de la Bastille, à ce fameux cadran qui, pareil à tous les accessoires de la prison d'État, dont l'usage est une torture, rappelait aux prisonniers la destination de chacune des heures de leur supplice. Le cadran de la Bastille, orné de figures comme la plupart des horloges de ce temps, représentait saint Pierre aux Liens.

      C'était l'heure du souper des pauvres captifs. Les portes, grondant sur leurs énormes gonds, ouvraient passage aux plateaux et aux paniers chargés de mets, dont la délicatesse, comme M. Baisemeaux nous l'a appris lui-même, s'appropriait à la condition du détenu.

      Nous savons là-dessus les théories de M. Baisemeaux, souverain dispensateur des délices gastronomiques, cuisinier en chef de la forteresse royale, dont les paniers pleins montaient les raides escaliers, portant quelque consolation aux prisonniers, dans le fond des bouteilles honnêtement remplies.

      Cette même heure était celle du souper de M. le gouverneur. Il avait un convive ce jour-là, et la broche tournait plus lourde que d'habitude.

      Les perdreaux rôtis, flanqués de cailles et flanquant un levraut piqué; les poules dans le bouillon, le jambon frit et arrosé de vin blanc, les cardons de Guipuzcoa et la bisque d'écrevisses; voilà, outre les soupes et les hors d'oeuvre, quel était le menu de M. le gouverneur.

      Baisemeaux, attablé, se frottait les mains en regardant M. l'évêque de Vannes, qui, botté comme un cavalier, habillé de gris, l'épée au flanc, ne cessait de parler de sa faim et témoignait la plus vive impatience.

      M. Baisemeaux de Montlezun n'était pas accoutumé aux familiarités de Sa Grandeur Monseigneur de Vannes, et, ce soir-là, Aramis, devenu guilleret, faisait confidences sur confidences. Le prélat était redevenu tant soit peu mousquetaire. L'évêque frisait la gaillardise. Quant à M. Baisemeaux, avec cette facilité des gens vulgaires, il se livrait tout entier sur ce quart d'abandon de son convive.

      – Monsieur, dit-il, car, en vérité, ce soir, je n'ose vous appeler Monseigneur…

      – Non pas, dit Aramis, appelez-moi monsieur, j'ai des bottes.

      – Eh bien, monsieur, savez-vous qui vous me rappelez ce soir?

      – Non, ma foi! dit Aramis en se versant à boire, mais j'espère que je vous rappelle un bon convive.

      – Vous m'en rappelez deux. Monsieur François, mon ami, fermez cette fenêtre: le vent pourrait incommoder Sa Grandeur.

      – Et qu'il sorte! ajouta Aramis. Le souper est complètement servi, nous le mangerons bien sans laquais. J'aime fort, quand je suis en petit comité, quand je suis avec un ami…

      Baisemeaux s'inclina respectueusement.

      – J'aime fort, continua Aramis, à me servir moi-même.

      – François, sortez! cria Baisemeaux. Je disais donc que Votre Grandeur me rappelle deux personnes: l'une bien illustre, c'est feu M. le cardinal, le grand cardinal, celui de La Rochelle, celui qui avait des bottes comme vous. Est-ce vrai?

      – Oui, ma foi! dit Aramis. Et l'autre?

      – L'autre, c'est un certain mousquetaire, très joli, très brave, très hardi, très heureux, qui, d'abbé, se fit mousquetaire, et, de mousquetaire, abbé.

      Aramis daigna sourire.

      – D'abbé, continua Baisemeaux enhardi par le sourire de Sa

      Grandeur, d'abbé, évêque, et, d'évêque…

      – Ah! arrêtons-nous, par grâce! fit Aramis.

      – Je vous dis, monsieur, que vous me faites l'effet d'un cardinal.

      – Cessons, mon cher monsieur Baisemeaux. Vous l'avez dit, j'ai les bottes d'un cavalier, mais je ne veux pas, même ce soir, me brouiller, malgré cela, avec l'Église.

      – Vous avez des intentions mauvaises, cependant, Monseigneur.

      – Oh! je l'avoue, mauvaises comme tout ce qui est mondain.

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