Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre страница 41

Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

Скачать книгу

l'évêque, dont le regard, soutenu, commandait malgré cette caresse.

      François rentra. Baisemeaux prit de ses mains l'ordre envoyé du ministère. Il le décacheta lentement et le lut de même. Aramis feignit de boire pour observer son hôte au travers du cristal. Puis, Baisemeaux ayant lu:

      – Que disais-je tout à l'heure? fit-il.

      – Quoi donc? demanda l'évêque.

      – Un ordre d'élargissement. Je vous demande un peu, la belle nouvelle pour nous déranger!

      – Belle nouvelle pour celui qu'elle concerne, vous en conviendrez, au moins, mon cher gouverneur.

      – Et à huit heures du soir!

      – C'est de la charité.

      – De la charité, je le veux bien; mais elle est pour ce drôle-là qui s'ennuie, et non pas pour moi qui m'amuse! dit Baisemeaux exaspéré.

      – Est-ce une perte que vous faites, et le prisonnier qui vous est enlevé était il aux grands contrôles?

      – Ah bien, oui! Un pleutre, un rat, à cinq francs!

      – Faites voir, demanda M. d'Herblay. Est-ce indiscret?

      – Non pas; lisez.

      – Il y a pressé sur la feuille. Vous avez vu, n'est-ce pas.

      – C'est admirable! Pressé!… un homme qui est ici depuis dix ans! On est pressé de le mettre dehors, aujourd'hui, ce soir même, à huit heures!

      Et Baisemeaux, haussant les épaules avec un air de superbe dédain, jeta l'ordre sur la table et se remit à manger.

      – Ils ont de ces mouvements-là, dit-il la bouche pleine, ils prennent un homme un beau jour, ils le nourrissent pendant dix ans et vous écrivent: Veillez bien sur le drôle! ou bien: Tenez-le rigoureusement! Et puis, quand on s'est accoutumé à regarder le détenu comme un homme dangereux tout à coup, sans cause, sans précédent, ils vous écrivent: Mettez en liberté. Et ils ajoutent à leur missive: Pressé! Vous avouerez, Monseigneur que c'est à faire lever les épaules.

      – Que voulez-vous! on crie comme cela, dit Aramis, et on exécute l'ordre.

      – Bon! bon! l'on exécute!.. Oh! patience!.. Il ne faudrait pas vous figurer que je suis un esclave.

      – Mon Dieu, très cher monsieur Baisemeaux, qui vous dit cela? on connaît votre indépendance.

      – Dieu merci!

      – Mais on connaît aussi votre bon coeur.

      – Ah! parlons-en!

      – Et votre obéissance à vos supérieurs. Quand on a été soldat, voyez-vous, Baisemeaux, c'est pour la vie.

      – Aussi, obéirai-je strictement, et demain matin, au point du jour, le détenu désigné sera élargi.

      – Demain?

      – Au jour.

      – Pourquoi pas ce soir, puisque la lettre de cachet porte sur la suscription et à l'intérieur: Pressé?

      – Parce que ce soir nous soupons et que nous sommes pressés, nous aussi.

      – Cher Baisemeaux, tout botté que je suis, je me sens prêtre, et la charité m'est un devoir plus impérieux que la faim et la soif. Ce malheureux a souffert assez longtemps, puisque vous venez de me dire que, depuis dix ans, il est votre pensionnaire. Abrégez-lui la souffrance. Une bonne minute l'attend, donnez-la-lui bien vite. Dieu vous la rendra dans son paradis en années de félicité.

      – Vous le voulez?

      – Je vous en prie.

      – Comme cela, tout au travers du repas.

      – Je vous en supplie; cette action vaudra dix Benedicite.

      – Qu'il soit fait comme vous le désirez. Seulement, nous mangerons froid.

      – Oh! qu'à cela ne tienne!

      Baisemeaux se pencha en arrière pour sonner François, et, par un mouvement tout naturel, il se retourna vers la porte.

      L'ordre était resté sur la table. Aramis profita du moment où Baisemeaux ne regardait pas pour échanger ce papier contre un autre, plié de la même façon, et qu'il tira de sa poche.

      – François, dit le gouverneur, que l'on fasse monter ici M. le major avec les guichetiers de la Bertaudière.

      François sortit en s'inclinant, et les deux convives se retrouvèrent seuls.

      Chapitre CCXIV – Le général de l'ordre

      Il se fit, entre les deux convives, un instant de silence pendant lequel Aramis ne perdit pas de vue le gouverneur. Celui-ci ne semblait qu'à moitié résolu à se déranger ainsi au milieu de son souper, et il était évident qu'il cherchait une raison quelconque, bonne ou mauvaise, pour retarder au moins jusqu'après le dessert. Cette raison, il parut tout à coup l'avoir trouvée.

      – Eh! mais, s'écria-t-il, c'est impossible!

      – Comment, impossible? dit Aramis. Voyons un peu, cher ami, ce qui est impossible.

      – Il est impossible de mettre le prisonnier en liberté à une pareille heure. Où ira-t-il, lui qui ne connaît pas Paris?

      – Il ira où il pourra.

      – Vous voyez bien, autant vaudrait délivrer un aveugle.

      – J'ai un carrosse, je le conduirai là où il voudra que je le mène.

      – Vous avez réponse à tout… François, qu'on dise à M. le major d'aller ouvrir la prison de M. Seldon, № 3, Bertaudière.

      – Seldon? fit Aramis très simplement. Vous avez dit Seldon, je crois?

      – J'ai dit Seldon. C'est le nom de celui qu'on élargit.

      – Oh! vous voulez dire Marchiali, dit Aramis.

      – Marchiali? Ah bien! oui! Non, non, Seldon.

      – Je pense que vous faites erreur, monsieur Baisemeaux.

      – J'ai lu l'ordre.

      – Moi aussi.

      – Et j'ai vu Seldon en lettres grosses comme cela.

      Et M. de Baisemeaux montrait son doigt.

      – Moi, j'ai lu Marchiali en caractères gros comme ceci.

      Et Aramis montrait les deux doigts.

      – Au fait, éclaircissons le cas, dit Baisemeaux, sûr de lui. Le papier est là, et il suffira de le lire.

      – Je lis: Marchiali, reprit Aramis en déployant le papier. Tenez!

      Baisemeaux

Скачать книгу