Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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vous jouez toujours de l'épée?

      – Je crois que oui, mais seulement quand on m'y force. Faites-moi donc le plaisir d'appeler François.

      – Vous avez du vin là.

      – Ce n'est pas pour du vin, c'est parce qu'il fait chaud ici et que la fenêtre est close.

      – Je ferme les fenêtres en soupant pour ne pas entendre les rondes ou les arrivées des courriers.

      – Ah! oui… On les entend quand la fenêtre est ouverte?

      – Trop bien, et cela dérange. Vous comprenez.

      – Cependant on étouffe. François!

      François entra.

      – Ouvrez, je vous prie, maître François, dit Aramis. Vous permettez, cher monsieur Baisemeaux?

      – Monseigneur est ici chez lui, répondit le gouverneur.

      La fenêtre fut ouverte.

      – Savez-vous, dit M. Baisemeaux, que vous allez vous trouver bien esseulé, maintenant que M. de La Fère a regagné ses pénates de Blois? C'est un bien ancien ami, n'est-ce pas?

      – Vous le savez comme moi, Baisemeaux, puisque vous avez été aux mousquetaires avec nous.

      – Bah! avec mes amis, je ne compte ni les bouteilles ni les années.

      – Et vous avez raison. Mais je fais plus qu'aimer M. de La Fère, cher monsieur Baisemeaux, je le vénère.

      – Eh bien, moi, c'est singulier, dit le gouverneur, je lui préfère M. d'Artagnan. Voilà un homme qui boit bien et longtemps! Ces gens-là laissent voir leur pensée, au moins.

      – Baisemeaux, enivrez-moi ce soir, faisons la débauche comme autrefois; et, si j'ai une peine au fond du coeur, je vous promets que vous la verrez comme vous verriez un diamant au fond de votre verre.

      – Bravo! dit Baisemeaux.

      Et il se versa un grand coup de vin, et l'avala en frémissant de joie d'être pour quelque chose dans un péché capital d'archevêque.

      Tandis qu'il buvait il ne voyait pas avec quelle attention Aramis observait les bruits de la grande cour.

      Un courrier entra vers huit heures, à la cinquième bouteille apportée par François sur la table, et, quoique ce courrier fît grand bruit, Baisemeaux n'entendit rien.

      – Le diable l'emporte! fit Aramis.

      – Quoi donc? Qui donc? demanda Baisemeaux. J'espère que ce n'est pas le vin que vous buvez, ni celui qui vous le fait boire?

      – Non; c'est un cheval qui fait, à lui seul autant de bruit dans la cour que pourrait en faire un escadron tout entier.

      – Bon! Quelque courrier, répliqua le gouverneur en redoublant force rasades. Oui, le diable l'emporte! et si vite, que nous n'en entendions plus parler! Hourra! hourra!

      – Vous m'oubliez, Baisemeaux! Mon verre est vide, dit Aramis en montrant un cristal éblouissant.

      – D'honneur, vous m'enchantez… François, du vin!

      François entra.

      – Du vin, maraud, et du meilleur!

      – Oui, monsieur; mais… c'est un courrier.

      – Au diable! ai-je dit.

      – Monsieur, cependant…

      – Qu'il laisse au greffe; nous verrons demain. Demain, il sera temps; demain, il fera jour, dit Baisemeaux en chantonnant ces deux dernières phrases.

      – Ah! monsieur, grommela le soldat François, bien malgré lui, monsieur…

      – Prenez garde, dit Aramis, prenez garde.

      – À quoi, cher monsieur d'Herblay? dit Baisemeaux à moitié ivre.

      – La lettre par courrier, qui arrive aux gouverneurs de citadelle c'est quelquefois un ordre.

      – Presque toujours.

      – Les ordres ne viennent-ils pas des ministres?

      – Oui sans doute; mais…

      – Et ces ministres ne font-ils pas que contresigner le seing du roi?

      – Vous avez peut-être raison. Cependant, c'est bien ennuyeux quand on est en face d'une bonne table en tête à tête avec un ami! Ah! pardon, monsieur, j'oublie que c'est moi qui vous donne à souper, et que je parle à un futur cardinal.

      – Laissons tout cela, cher Baisemeaux, et revenons à votre soldat, à François.

      – Eh bien, qu'a-t-il fait, François?

      – Il a murmuré.

      – Il a eu tort.

      – Cependant, il a murmuré, vous comprenez; c'est qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire. Ce pourrait bien n'être pas François qui aurait tort de murmurer, mais vous qui auriez tort de ne pas l'entendre.

      – Tort? Moi, avoir tort devant François? Cela me paraît dur.

      – Un tort d'irrégularité. Pardon! mais j'ai cru devoir vous faire une observation que je juge importante.

      – Oh! vous avez raison, peut-être, bégaya Baisemeaux. Ordre du roi c'est sacré! Mais les ordres qui viennent quand on soupe, je le répète, que le diable…

      – Si vous eussiez fait cela au grand cardinal, hein! mon cher

      Baisemeaux, et que cet ordre eût eu quelque importance…

      – Je le fais pour ne pas déranger un évêque; ne suis-je pas excusable, morbleu?

      – N'oubliez pas, Baisemeaux, que j'ai porté la casaque, et j'ai l'habitude de voir partout des consignes.

      – Vous voulez donc?..

      – Je veux que vous fassiez votre devoir, mon ami. Oui, je vous en prie, au moins devant ce soldat.

      – C'est mathématique, fit Baisemeaux.

      François attendait toujours.

      – Qu'on me monte cet ordre du roi, dit Baisemeaux en se redressant. Et il ajouta tout bas: Savez-vous ce que c'est? Je vais vous le dire quelque chose d'intéressant comme ceci: «Prenez garde au feu dans les environs de la poudrière»; ou bien: «Veillez sur un tel, qui est un adroit fuyard.» Ah! si vous saviez, Monseigneur, combien de fois j'ai été réveillé en sursaut au plus doux, au plus profond de mon sommeil, par des ordonnances arrivant au galop pour me dire, ou plutôt pour m'apporter un pli contenant ces mots: «Monsieur Baisemeaux, qu'y a-t-il de nouveau?» On voit bien que ceux qui perdent leur temps à écrire de pareils ordres n'ont jamais couché à la Bastille. Ils connaîtraient mieux l'épaisseur de mes murailles, la vigilance de mes officiers, la multiplicité de mes rondes. Enfin, que voulez-vous, Monseigneur! leur métier

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