Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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non, non, par exemple! je veux bien vous laisser dire Volière à vous; mais je continuerai, moi, à dire Molière. Eh bien, cela, disais-je donc, ne m'étonne point de la part de Molière qui est un garçon ingénieux, et à qui vous avez inspiré cette belle idée.

      – Elle lui servira plus tard, j'en suis sûr.

      – Comment donc, si elle lui servira! Je le crois bien, qu'elle lui servira, et même beaucoup! Car, voyez-vous, mon ami, Molière est, de tous nos tailleurs connus, celui qui habille le mieux nos barons, nos comtes et nos marquis… à leur mesure.

      Sur ce mot, dont nous ne discuterons ni l'à-propos ni la profondeur, d'Artagnan et Porthos sortirent de chez maître Percerin et rejoignirent leur carrosse. Nous les y laisserons, s'il plaît au lecteur, pour revenir auprès de Molière et d'Aramis à Saint-Mandé.

      Chapitre CCXII – La ruche, les abeilles et le miel

      L'évêque de Vannes, fort marri d'avoir rencontré d'Artagnan chez maître Percerin, revint d'assez mauvaise humeur à Saint-Mandé.

      Molière, au contraire, tout enchanté d'avoir trouvé un si bon croquis à faire, et de savoir où retrouver l'original, quand du croquis il voudrait faire un tableau, Molière y rentra de la plus joyeuse humeur.

      Tout le premier étage, du côté gauche, était occupé par les épicuriens les plus célèbres dans Paris et les plus familiers dans la maison, employés chacun dans son compartiment, comme des abeilles dans leurs alvéoles, à produire un miel destiné au gâteau royal que M. Fouquet comptait servir à Sa Majesté Louis XIV pendant la fête de Vaux.

      Pélisson, la tête dans sa main, creusait les fondations du prologue des Fâcheux, comédie en trois actes, que devait faire représenter Poquelin de Molière, comme disait d'Artagnan, et Coquelin de Volière, comme disait Porthos.

      Loret, dans toute la naïveté de son état de gazetier, les gazetiers de tout temps ont été naïfs, Loret composait le récit des fêtes de Vaux avant que ces fêtes eussent eu lieu.

      La Fontaine vaguait au milieu des uns et des autres, ombre égarée, distraite, gênante, insupportable, qui bourdonnait et susurrait à l'épaule de chacun mille inepties poétiques. Il gêna tant de fois Pélisson, que celui-ci, relevant la tête avec humeur.

      – Au moins, La Fontaine, dit-il, cueillez-moi une rime, puisque vous dites que vous vous promenez dans les jardins du Parnasse.

      – Quelle rime voulez-vous? demanda le fablier, comme l'appelait madame de Sévigné.

      – Je veux une rime à lumière.

      – Ornière, répondit La Fontaine.

      – Eh! mon cher ami, impossible de parler d'ornières quand on vante les délices de Vaux dit Loret.

      – D'ailleurs, cela ne rime pas, répondit Pélisson.

      – Comment! cela ne rime pas? s'écria La Fontaine surpris.

      – Oui, vous avez une détestable habitude mon cher; habitude qui vous empêchera toujours d'être un poète de premier ordre. Vous rimez lâchement!

      – Oh! oh! vous trouvez, Pélisson?

      – Eh! oui, mon cher, je trouve. Rappelez-vous qu'une rime n'est jamais bonne tant qu'il s'en peut trouver une meilleure.

      – Alors, je n'écrirai plus jamais qu'en prose, dit La Fontaine, qui avait pris au sérieux le reproche de Pélisson. Ah! je m'en étais souvent douté, que je n'étais qu'un maraud de poète! oui, c'est la vérité pure.

      – Ne dites pas cela, mon cher; vous devenez trop exclusif, et vous avez du bon dans vos fables.

      – Et pour commencer, continua La Fontaine poursuivant son idée, je vais brûler une centaine de vers que je venais de faire.

      – Où sont-ils, vos vers?

      – Dans ma tête.

      – Eh bien, s'ils sont dans votre tête, vous ne pouvez pas les brûler?

      – C'est vrai, dit La Fontaine. Si je ne les brûle pas, cependant…

      – Eh bien, qu'arrivera-t-il si vous ne les brûlez pas?

      – Il arrivera qu'ils me resteront dans l'esprit, et que je ne les oublierai jamais.

      – Diable! fit Loret, voilà qui est dangereux; on en devient fou!

      – Diable, diable, diable! comment faire? répéta La Fontaine.

      – J'ai trouvé un moyen, moi, dit Molière, qui venait d'entrer sur les derniers mots.

      – Lequel?

      – Écrivez-les d'abord, et brûlez-les ensuite.

      – Comme c'est simple! Eh bien, je n'eusse jamais inventé cela.

      Qu'il a d'esprit, ce diable de Molière! dit La Fontaine.

      Puis, se frappant le front:

      – Ah! tu ne seras jamais qu'un âne, Jean de La Fontaine, ajouta- t-il.

      – Que dites-vous là, mon ami? interrompit Molière en s'approchant du poète, dont il avait entendu l'aparté.

      – Je dis que je ne serai jamais qu'un âne, mon cher confrère, répondit La Fontaine avec un gros soupir et les yeux tout bouffis de tristesse. Oui, mon ami, continua-t-il avec une tristesse croissante, il paraît que je rime lâchement.

      – C'est un tort.

      – Vous voyez bien! Je suis un faquin!

      – Qui a dit cela?

      – Parbleu! c'est Pélisson. N'est-ce pas, Pélisson?

      Pélisson, replongé dans sa composition, se garda bien de répondre.

      – Mais, si Pélisson a dit que vous étiez un faquin s'écria

      Molière, Pélisson vous a gravement offensé.

      – Vous croyez?..

      – Ah! mon cher, je vous conseille, puisque vous êtes gentilhomme, de ne pas laisser impunie une pareille injure.

      – Heu! fit La Fontaine.

      – Vous êtes-vous jamais battu?

      – Une fois, mon ami, avec un lieutenant de chevau-légers.

      – Que vous avait-il fait?

      – Il paraît qu'il avait séduit ma femme.

      – Ah! ah! dit Molière pâlissant légèrement.

      Mais comme, à l'aveu formulé par La Fontaine, les autres s'étaient retournés, Molière garda sur ses lèvres le sourire railleur qui avait failli s'en effacer, et, continuant de faire parler La Fontaine:

      – Et qu'est-il résulté de ce duel?

      – Il est résulté

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