Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre

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Les compagnons de Jéhu - Dumas Alexandre

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poussaient la réaction jusqu'à la poudre.

      Quant au portrait des deux jeunes gens, il offrait deux types complètement opposés.

      Le plus âgé des deux, celui qui plusieurs fois avait, nous l'avons déjà remarqué, pris l'initiative, et dont la voix, même dans ses intonations les plus familières, dénotait l'habitude du commandement, était, nous l'avons dit, un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux noirs séparés sur le milieu du front, plats et tombant le long des tempes jusque sur ses épaules. Il avait le teint basané de l'homme qui a voyagé dans les pays méridionaux, les lèvres minces, le nez droit, les dents blanches, et ces yeux de faucon que Dante donne à César.

      Sa taille était plutôt petite que grande, sa main était délicate, son pied fin et élégant; il avait dans les manières une certaine gêne qui indiquait qu'il portait en ce moment un costume dont il n'avait point l'habitude, et quand il avait parlé, si l'on eût été sur les bords de la Loire au lieu d'être sur les bords du Rhône, son interlocuteur aurait pu remarquer qu'il avait dans la prononciation un certain accent italien.

      Son compagnon paraissait de trois ou quatre ans moins âgé que lui.

      C'était un beau jeune homme au teint rose, aux cheveux blonds, aux yeux bleu clair, au nez ferme et droit, au menton prononcé, mais presque imberbe. Il pouvait avoir deux pouces de plus que son compagnon, et, quoique d'une taille au-dessus de la moyenne, il semblait si bien pris dans tout son ensemble, si admirablement libre dans tous ses mouvements, qu'on devinait qu'il devait être, sinon d'une force, au moins d'une agilité et d'une adresse peu communes.

      Quoique mis de la même façon, quoique se présentant sur le pied de l'égalité, il paraissait avoir pour le jeune homme brun une déférence remarquable, qui, ne pouvant tenir à l'âge, tenait sans doute à une infériorité dans la condition sociale. En outre, il l'appelait citoyen, tandis que son compagnon l'appelait simplement Roland.

      Ces remarques, que nous faisons pour initier plus profondément le lecteur à notre récit, ne furent probablement point faites dans toute leur étendue par les convives de la table d'hôte; car, après quelques secondes d'attention données aux nouveaux venus, les regards se détachèrent d'eux, et la conversation, un instant interrompue, reprit son cours.

      Il faut avouer qu'elle portait sur un sujet des plus intéressants pour des voyageurs: il était question de l'arrestation d'une diligence chargée d'une somme de soixante mille francs appartenant au gouvernement. L'arrestation avait eu lieu, la veille, sur la route de Marseille à Avignon, entre Lambesc et Pont-Royal.

      Aux premiers mots qui furent dits sur lévénement, les deux jeunes gens prêtèrent l'oreille avec un véritable intérêt.

      L'événement avait eu lieu sur la route même qu'ils venaient de suivre, et celui qui le racontait était un des acteurs principaux de cette scène de grand chemin.

      C'était le marchand de vin de Bordeaux.

      Ceux qui paraissaient le plus curieux de détails étaient les voyageurs de la diligence qui venait d'arriver et qui allait repartir. Les autres convives, ceux qui appartenaient à la localité, paraissaient assez au courant de ces sortes de catastrophes pour donner eux-mêmes des détails, au lieu d'en recevoir.

      – Ainsi, citoyen, disait un gros monsieur contre lequel se pressait, dans sa terreur, une femme grande, sèche et maigre, vous dites que c'est sur la route même que nous venons de suivre que le vol a eu lieu?

      – Oui, citoyen, entre Lambesc et Pont-Royal. Avez-vous remarqué un endroit où la route monte et se resserre entre deux monticules? Il y a là une foule de rochers.

      – Oui, oui, mon ami, dit la femme en serrant le bras de son mari, je, l'ai remarqué; j'ai même dit, tu dois t'en souvenir: «Voici un mauvais endroit, j'aime mieux y passer de jour que de nuit.»

      – Oh! madame, dit un jeune homme dont la voix affectait le parler grasseyant de l'époque, et qui, dans les temps ordinaires, paraissait exercer sur la table d'hôte la royauté de la conversation, vous savez que, pour MM. Les compagnons de Jéhu il n'y a ni jour ni nuit.

      – Comment! citoyen, demanda la dame encore plus effrayée, c'est en plein jour que vous avez été arrêté?

      – En plein jour, citoyenne, à dix heures du matin.

      – Et combien étaient-ils? demanda le gros monsieur.

      – Quatre, citoyen.

      – Embusqués sur la route?

      – Non; ils sont arrivés à cheval, armés jusqu'aux dents et masqués.

      – C'est leur habitude, dit le jeune habitué de la table d'hôte; ils ont dit, n'est-ce pas: «Ne vous défendez point, il ne vous sera fait aucun mal, nous n'en voulons qu'à l'argent du gouvernement.»

      – Mot pour mot, citoyen.

      – Puis, continua celui qui paraissait si bien renseigné, deux sont descendus de cheval, ont jeté la bride de leurs chevaux à leurs compagnons et ont sommé le conducteur de leur remettre l'argent.

      – Citoyen, dit le gros homme émerveillé, vous racontez la chose comme si vous l'aviez vue.

      – Monsieur y était peut-être, dit un des voyageurs, moitié plaisantant, moitié doutant.

      – Je ne sais, citoyen, si, en disant cela, vous avez l'intention de me dire une impolitesse, fit insoucieusement le jeune homme qui venait si complaisamment et si pertinemment en aide au narrateur; mais mes opinions politiques font que je ne regarde pas votre soupçon comme une insulte. Si j'avais eu le malheur d'être du nombre de ceux qui étaient attaqués, ou l'honneur d'être du nombre de ceux qui attaquaient, je le dirais aussi franchement dans un cas que dans l'autre; mais, hier matin, à dix heures, juste au moment où l'on arrêtait la diligence à quatre lieues d'ici, je déjeunais tranquillement à cette même place, et justement, tenez, avec les deux citoyens qui me font en ce moment l'honneur d'être placés à ma droite et à ma gauche.

      – Et, demanda le plus jeune des deux voyageurs qui venaient de prendre place à table, et que son compagnon désignait sous le nom de Roland, et combien étiez-vous d'hommes dans la diligence?

      – Attendez; je crois que nous étions… oui, c'est cela, nous étions sept hommes et trois femmes.

      – Sept hommes, non compris le conducteur? répéta Roland.

      – Bien entendu.

      – Et, à sept hommes, vous vous êtes laissés dévaliser par quatre bandits? Je vous en fais mon compliment, messieurs.

      – Nous savions à qui nous avions affaire, répondit le marchand de vin, et nous n'avions garde de nous défendre.

      – Comment! répliqua le jeune homme, à qui vous aviez affaire? mais vous aviez affaire, ce me semble, à des voleurs, à des bandits!

      – Point du tout: ils s'étaient nommés.

      – Ils s'étaient nommés?

      – Ils avaient dit: «Messieurs, il est inutile de vous défendre; mesdames, n'ayez pas peur; nous ne sommes pas des brigands, nous sommes des compagnons de Jéhu

      – Oui, dit le jeune homme de la table d'hôte, ils préviennent pour qu'il n'y ait pas de méprise, c'est leur habitude.

      – Ah

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