Georges. Dumas Alexandre

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Georges - Dumas Alexandre

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style="font-size:15px;">      – Au drapeau! au drapeau, camarades!

      On le vit s'élancer au milieu d'un groupe d'Anglais, tomber, se relever, s'enfoncer dans les rangs, puis, au bout d'un instant, reparaître, les habits déchirés, le front sanglant, mais le drapeau à la main.

      En ce moment, le général, craignant que les vainqueurs, en s'engageant trop avant à la poursuite des Anglais, ne tombassent dans quelque piège, donna l'ordre de la retraite. La ligne obéit la première, emmenant ses prisonniers, la garde nationale emportant ses morts; enfin les noirs volontaires fermèrent la marche, environnant leur drapeau.

      La ville tout entière était accourue sur le port, on se foulait, on se pressait pour voir les vainqueurs, car, dans leur ignorance, les habitants de Port-Louis croyaient que l'on avait eu affaire à l'armée ennemie tout entière, et espéraient que les Anglais, si vigoureusement repoussés, ne viendraient plus à la charge; aussi, à chaque corps qui passait, on jetait de nouveaux vivats, tout le monde était fier, tout le monde était vainqueur, on ne se possédait plus. Un bonheur inattendu remplit le cœur, un avantage inespéré tourne la tête; or, les habitants s'attendaient bien à la résistance, mais non au succès; aussi, lorsqu'on vit la victoire déclarée aussi complètement, hommes, femmes, vieillards, enfants, jurèrent, d'une seule voix et d'un seul cri, de travailler aux retranchements, et de mourir, s'il le fallait, pour leur défense. Excellentes promesses, sans doute, et que chacun faisait avec l'intention de les tenir, mais qui ne valaient pas, à beaucoup près, l'arrivée d'un autre régiment si un autre régiment eût pu arriver!

      Mais, au milieu de cette ovation générale, nul objet n'attirait tant les regards que le drapeau anglais et celui qui l'avait pris; c'étaient, autour de Pierre Munier et de son trophée, des exclamations et des étonnements sans fin, auxquels les nègres répondaient par des rodomontades, tandis que leur chef, redevenu l'humble mulâtre que nous connaissons, satisfaisait, avec une politesse craintive, aux questions adressées par chacun. Debout près du vainqueur et appuyé sur son fusil à deux coups, qui n'était pas resté muet dans l'action et dont la baïonnette était teinte de sang, Jacques redressait fièrement sa tête épanouie, tandis que Georges, qui s'était échappé des mains de Télémaque, et qui avait rejoint son père sur le port, serrait convulsivement sa main puissante, et essayait inutilement de retenir dans ses yeux les larmes de joie qui en tombaient malgré lui.

      À quelques pas de Pierre Munier était, de son côté, M. de Malmédie, non plus frisé et épinglé comme il l'était au moment du départ, mais la cravate déchirée, le jabot en pièces et couvert de sueur et de poussière: lui aussi était entouré et félicité par sa famille; mais les félicitations qu'il recevait étaient celles qu'on adresse à l'homme qui vient d'échapper à un danger, et non pas ces louanges qu'on prodigue à un vainqueur. Aussi, au milieu de ce concert d'attendrissantes inquiétudes, paraissait-il assez embarrassé, et, pour garder bonne contenance, demandait-il à grands cris ce qu'était devenu son fils Henri et son nègre Bijou, lorsqu'on les vit paraître tous les deux fendant la foule, Henri pour se jeter dans les bras de son père, et Bijou pour féliciter son maître.

      En ce moment, on vint dire à Pierre Munier qu'un nègre qui avait combattu sous lui et qui avait reçu une blessure mortelle, ayant été transporté dans une maison du port, et se sentant sur le point d'expirer, demandait à le voir. Pierre Munier regarda autour de lui, cherchant Jacques, afin de lui confier son drapeau; mais Jacques avait retrouvé son ami le chien malgache, qui, à son tour, était venu lui faire ses compliments comme les autres; il avait posé son fusil à terre, et l'enfant, reprenant le dessus sur le jeune homme, il se roulait à cinquante pas de là avec lui. Georges vit l'embarras de son père, et, tendant la main:

      – Donnez-le-moi, mon père, dit-il; moi, je vous le garderai.

      Pierre Munier sourit, et, comme il ne croyait pas que personne osât toucher au glorieux trophée sur lequel lui seul avait des droits, il embrassa Georges au front, lui remit le drapeau, que l'enfant maintint debout à grand-peine, en le fixant de ses deux mains sur sa poitrine, et s'élança vers la maison, où l'agonie d'un de ses braves volontaires réclamait sa présence.

      Georges demeura seul; mais l'enfant sentait instinctivement que, pour être seul, il n'était point isolé: la gloire paternelle veillait sur lui, et, l'œil rayonnant d'orgueil, il promena son regard sur la foule qui l'entourait; ce regard heureux et brillant rencontra alors celui de l'enfant au col brodé, et devint dédaigneux. Celui-ci, de son côté, contemplait envieusement Georges, et se demandait sans doute à son tour pourquoi son père, lui aussi, n'avait pas enlevé un drapeau. Cette interrogation l'amena sans doute tout naturellement à se dire que, faute d'un drapeau à soi, il fallait accaparer celui d'autrui. Car, s'étant approché cavalièrement de Georges, qui, bien qu'il vît son intention hostile, ne fit pas un pas en arrière:

      – Donne-moi ça, lui dit-il.

      – Qu'est-ce que c'est que ça? demanda Georges.

      – Ce drapeau, reprit Henri.

      – Ce drapeau n'est pas à toi. Ce drapeau est à mon père.

      – Qu'est-ce que ça me fait, à moi? Je le veux!

      – Tu ne l'auras pas.

      L'enfant au col brodé avança alors la main pour saisir la lance de l'étendard, démonstration à laquelle Georges ne répondit qu'en se pinçant les lèvres, en devenant plus pâle que d'habitude et en faisant un pas en arrière. Mais ce pas de retraite ne fit qu'encourager Henri, qui, comme tous les enfants gâtés, croyait qu'il n'y avait qu'à désirer pour avoir. Il fit deux pas en avant, et, cette fois, prit si bien ses mesures, qu'il empoigna le bâton, en criant de toute la force de sa petite voix colère:

      – Je te dis que je veux ça.

      – Et moi, je te dis que tu ne l'auras pas, répéta Georges en le repoussant d'une main, tandis que, de l'autre, il continuait de serrer le drapeau conquis sur sa poitrine.

      – Ah! mauvais mulâtre, tu oses me toucher? s'écria Henri. Eh bien, tu vas voir.

      Et, tirant alors son petit sabre du fourreau avant que Georges eût eu le temps de se mettre en défense, il lui en donna de toute sa force un coup sur le haut du front. Le sang jaillit aussitôt de la blessure et coula le long du visage de l'enfant.

      – Lâche! dit froidement Georges.

      Exaspéré par cette insulte, Henri allait redoubler, lorsque Jacques, d'un seul bond se retrouvant près de son frère, envoya, d'un vigoureux coup de poing appliqué au milieu du visage, l'agresseur rouler à dix pas de là, et, sautant sur le sabre que celui-ci avait laissé tomber dans la culbute qu'il venait de faire, il le brisa en trois ou quatre morceaux, cracha dessus, et lui en jeta les débris.

      Ce fut au tour de l'enfant au col brodé à sentir le sang inonder son visage; mais son sang à lui avait jailli sous un coup de poing, et non sous un coup de sabre.

      Toute cette scène s'était passée si rapidement, que ni M. de Malmédie, qui, comme nous l'avons dit, était à vingt pas de là occupé à recevoir les félicitations de sa famille, ni Pierre Munier, qui sortait de la maison où le nègre venait d'expirer, n'eurent le temps de la prévenir; ils assistèrent seulement à la catastrophe, et accoururent tous les deux en même temps: Pierre Munier, haletant, oppressé, tremblant; M. de Malmédie, rouge de colère, étouffant d'orgueil.

      Tous deux se rencontrèrent en avant de Georges.

      – Monsieur, s'écria M. de Malmédie d'une voix étouffée, Monsieur, avez vous vu ce qui vient de se passer?

      – Hélas! oui, monsieur de Malmédie,

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