La San-Felice, Tome 03. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 03 - Dumas Alexandre

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pendule; en vous voyant si troublée, j'ai moi-même perdu la tête; mais tout est pour le mieux; voici M. Salvato qui revient à lui.

      En effet, le jeune homme rouvrit les yeux, et ses yeux, en se rouvrant, cherchaient Luisa.

      Giovannina, qui vit la direction de son regard, reposa doucement la tête du blessé sur l'oreiller et gagna l'embrasure d'une fenêtre, où elle essuya une larme, tandis que Luisa revenait prendre sa place au chevet du malade, et que Michele, passant sa tête par la porte restée entr'ouverte, demandait:

      – As-tu besoin de moi, petite soeur?

      XXXVIII

      ANDRÉ BACKER

      L'âme tout entière de Luisa était passée dans ses yeux, et ses yeux étaient fixés sur ceux de Salvato, qui, reconnaissant la jeune femme dans celle qui lui donnait des soins, revenait à lui avec un sourire.

      Il rouvrit complétement les yeux et murmura:

      – Oh! mourir ainsi!

      – Oh! non, non! pas mourir! s'écria Luisa.

      – Je sais bien qu'il vaudrait mieux vivre ainsi, continua Salvato; mais…

      Il poussa un soupir dont le souffle fit frémir les cheveux de la jeune femme et passa sur son visage comme l'haleine brûlante du sirocco.

      Elle secoua la tête, sans doute pour écarter le fluide magnétique dont l'avait enveloppée ce soupir de flamme, reposa la tête du blessé sur l'oreiller, s'assit sur le fauteuil auquel s'appuyait le chevet du lit; puis, se tournant vers Michele et répondant un peu tardivement peut-être à sa question:

      – Non, je n'ai plus besoin de toi, dit-elle, heureusement; mais entre toujours, et vois comme notre malade va bien.

      Michele s'approcha sur la pointe du pied, comme s'il eût eu peur d'éveiller un homme endormi.

      – Le fait est qu'il a meilleur mine que lorsque nous l'avons quitté, la vieille Nanno et moi.

      – Mon ami, dit la San-Felice au blessé, c'est le jeune homme qui, dans la nuit où vous avez failli être assassiné, nous a aidés à vous porter secours.

      – Oh! je le reconnais, dit Salvato en souriant; c'est lui qui pilait les herbes que cette femme que je n'ai pas revue appliquait sur ma blessure.

      – Il est revenu depuis pour vous voir, car, comme nous tous, il prend un grand intérêt à vous; seulement, on ne l'a point laissé entrer.

      – Oh! mais je ne me suis point fâché de cela, dit Michele; je ne suis pas susceptible, moi.

      Salvato sourit et lui tendit la main.

      Michele prit la main que Salvato lui tendait et la regarda en la retenant dans les siennes.

      – Vois donc, petite soeur, dit-il, on dirait une main de femme; et quand on pense que c'est avec cette petite main-là qu'il a donné le fameux coup de sabre au beccaïo; car vous lui avez donné un fameux coup de sabre, allez!

      Salvato sourit.

      Michele regarda autour de lui.

      – Que cherches-tu? demanda Luisa.

      – Je cherche le sabre, maintenant que j'ai vu la main; ce doit être une fière arme.

      – Il t'en faudrait un comme celui-là quand tu seras colonel, n'est-ce pas, Michele? dit en riant Luisa.

      – M. Michele sera colonel? demanda Salvato.

      – Oh! ça ne peut plus me manquer maintenant, répondit le lazzarone.

      – Et comment cela ne peut-il plus te manquer? demanda Luisa.

      – Non, puisque la chose m'a été prédite par la vieille Nanno, et que tout ce qu'elle t'a prédit, à toi, se réalise.

      – Michele! fit la jeune femme.

      – Voyons: ne t'a-t-elle pas prédit qu'un beau jeune homme qui descendait du Pausilippe courait un grand danger, qu'il était menacé par six hommes, et que ce serait un grand bonheur pour toi s'il était tué par ces six hommes, attendu que tu devais l'aimer et que cet amour serait cause de ta mort?

      – Michele! Michele! s'écria la jeune femme en écartant son fauteuil du lit, tandis que Giovannina avançait sa tête pâle derrière le rideau rouge de la fenêtre.

      Le blessé regarda attentivement Michele et Luisa.

      – Comment! demanda-t-il à Luisa, on vous a prédit que je serais cause de votre mort?

      – Ni plus ni moins! dit Michele.

      – Et, ne me connaissant pas, ne pouvant par conséquent prendre aucun intérêt à moi, vous n'avez pas laissé les sbires faire leur métier?

      – Ah bien, oui! dit Michele répondant pour Luisa, quand elle a entendu les coups de pistolet, quand elle a entendu le cliquetis des sabres, quand elle a vu que moi, un homme, et un homme qui n'a pas peur, je n'osais pas aller à votre secours parce que vous aviez affaire aux sbires de la reine, elle a dit: «Alors, c'est à moi de le sauver!» Et elle s'est élancée dans le jardin. Si vous l'aviez vue, Excellence! elle ne courait pas, elle volait.

      – Oh! Michele! Michele!

      – Tu n'as pas fait cela, petite soeur? tu n'as pas dit cela?

      – Mais à quoi bon le redire? s'écria Luisa en se cachant la tête entre ses deux mains.

      Salvato étendit le bras et écarta les mains dans lesquelles la jeune femme cachait son visage rouge de honte et ses yeux humides de larmes.

      – Vous pleurez! dit-il; avez-vous donc regret maintenant de m'avoir sauvé la vie?

      – Non; mais j'ai honte de ce que vous a dit ce garçon; on l'appelle Michele le Fou, et, à coup sûr, il est bien nommé.

      Puis, à la camériste:

      – J'ai eu tort, Nina, de te gronder de ne point l'avoir laissé entrer; tu avais bien fait de lui refuser la porte.

      – Ah! petite soeur! petite soeur! ce n'est pas bien, ce que tu fais là, dit le lazzarone, et, cette fois, tu ne parles pas avec ton coeur.

      – Votre main, Luisa, votre main! dit le blessé d'une voix suppliante.

      La jeune femme à bout de forces, brisée par tant de sensations différentes, appuya sa tête au dossier du fauteuil, ferma les yeux et laissa tomber sa main frissonnante dans la main du jeune homme.

      Salvato la saisit avec avidité; Luisa poussa un soupir: ce soupir confirmait tout ce qu'avait dit le lazzarone.

      Michele regardait cette scène à laquelle il ne comprenait rien, et qu'au contraire comprenait trop Giovannina debout, les mains crispées, l'oeil fixe, et pareille à la statue de la Jalousie.

      – Eh bien, sois tranquille, mon garçon, dit Salvato d'une voix joyeuse, c'est moi qui te donnerai ton sabre de colonel; pas celui avec lequel j'ai houspillé les drôles qui m'attaquaient, ils me l'ont pris, mais un autre et qui vaudra

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