La San-Felice, Tome 03. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La San-Felice, Tome 03 - Dumas Alexandre страница 8

La San-Felice, Tome 03 - Dumas Alexandre

Скачать книгу

physionomie pendant trois jours d'agonie, allez! Non, vous ne souffrez pas de votre blessure; vous souffrez d'une douleur morale.

      Salvato secoua la tête.

      – Dites-moi tout de suite quelle est cette douleur? s'écria Luisa. Je le veux.

      – Vous le voulez? demanda Salvato. C'est vous qui le voulez, comprenez-vous bien?

      – Oui, c'est mon droit; le docteur n'a-t-il pas dit que je devais vous épargner toute émotion?

      – Eh bien, puisque vous le voulez, dit Salvato regardant fixement la jeune femme, je suis jaloux.

      – Jaloux! de qui, mon Dieu? dit Luisa.

      – De vous.

      – De moi! s'écria-t-elle sans même songer à se fâcher cette fois. Pourquoi? comment? à quel propos? Pour être jaloux, il faut un motif.

      – D'où vient que vous êtes restée une demi-heure hors de cette chambre, quand vous ne deviez rester que quelques instants? Et que vous est donc ce M. Backer qui a le privilége de me voler une demi-heure de votre présence?

      Le visage de la jeune femme prit une céleste expression de bonheur; Salvato venait, lui aussi, de lui dire qu'il l'aimait sans prononcer le mot d'amour; elle abaissa sa tête vers lui de manière que ses cheveux touchassent presque le visage du blessé, qu'elle enveloppa de son souffle et couvrit de son regard.

      – Enfant! dit-elle avec cette mélodie de la voix qui a sa source dans les fibres les plus profondes du coeur. Ce qu'il est? ce qu'il vient faire? pourquoi il est resté si longtemps? Je vais vous le dire.

      – Non, non, non, murmura le blessé, non, je n'ai plus besoin de rien savoir; merci, merci!

      – Merci de quoi? Pourquoi merci?

      – Parce que vos yeux m'ont tout dit, ma bien-aimée Luisa. Ah! votre main! votre main!

      Luisa donna sa main au blessé, qui y appuya convulsivement ses lèvres, tandis qu'une larme tombait de ses yeux et tremblait, perle liquide, sur cette main.

      Cet homme de bronze avait pleuré.

      Sans se rendre compte de ce qu'elle faisait, Luisa porta sa main à ses lèvres et but cette larme.

      Ce fut le philtre de cet irrésistible et implacable amour que lui avait prédit la sorcière Nanno.

      XXXIX

      LES KANGOUROUS

      Le roi Ferdinand avait invité André Backer à dîner à Caserte, d'abord parce qu'il trouvait sans doute que la réception d'un banquier à sa table avait moins d'importance à la campagne qu'à la ville, ensuite parce qu'il avait reçu d'Angleterre et de Rome des envois précieux dont nous parlerons plus tard; il avait donc pressé plus que d'habitude la vente de son poisson à Mergellina, vente qui, malgré cette hâte, s'était faite, empressons-nous de le dire, à la plus grande gloire de son orgueil et à la plus grande satisfaction de sa bourse.

      Caserte, le Versailles de Naples, comme nous l'avons appelé, est, en effet, une bâtisse dans le goût froid et lourd du milieu du XVIIIe siècle. Les Napolitains qui n'ont point voyagé en France soutiennent que Caserte est plus beau que Versailles; ceux qui ont voyagé en France se contentent de dire que Caserte est aussi beau que Versailles; enfin, les voyageurs impartiaux qui ne partagent point l'engouement fabuleux des Napolitains pour leur pays, sans mettre Versailles très-haut, mettent Caserte fort au-dessous de Versailles; c'est notre avis aussi, à nous, et nous ne craignons pas d'être contredit par les hommes de goût et d'art.

      Avant ce château moderne de Caserte et avant la Caserte de la plaine, existaient le vieux château et la vieille Caserte de la montagne, dont il ne reste plus, au milieu de murailles ruinées, que trois ou quatre tours debout; c'était là que s'élevait le manoir des anciens seigneurs de Caserte, dont un des derniers, en trahissant Manfred, son beau-frère, fut en partie cause de la perte de la bataille de Bénévent.

      On a beaucoup reproché à Louis XIV le malheureux choix du site de Versailles, que l'on a appelé un favori sans mérite; nous ferons le même reproche au roi Charles III; mais Louis XIV avait au moins cette excuse de la piété filiale, qu'il voulait conserver, en l'encadrant dans une bâtisse nouvelle, le charmant petit château de briques et de marbre, rendez-vous de chasse de son père. Cette piété filiale coûta un milliard à la France.

      Charles III, lui, n'a pas d'excuse. Rien ne le forçait, dans un pays où les sites délicieux abondent, de choisir une plaine aride, au pied d'une montagne pelée, sans verdure et sans eau; l'architecte Vanvitelli, qui bâtit Caserte, dut planter tout un jardin autour de l'ancien parc des seigneurs et faire descendre de l'eau du mont Taburno, comme, au contraire, Rennequin-Sualem dut faire monter la sienne de la rivière sur la montagne, à l'aide de sa machine de Marly.

      Charles III commença le château de Caserte vers 1752; Ferdinand, qui monta sur le trône en 1759, le continua, et ne l'avait pas encore terminé vers le commencement d'octobre 1798, époque à laquelle nous sommes arrivés.

      Ses appartements seulement, ceux de la reine et des princes et princesses, c'est-à-dire le tiers du château à peine, étaient meublés.

      Mais, depuis huit jours, Caserte contenait des trésors qui méritaient de faire venir des quatre parties du monde les amateurs de la statuaire, de la peinture et même de l'histoire naturelle.

      Ferdinand venait d'y faire transporter de Rome et d'y faire déposer, en attendant que les salles du château de Capodimonte fussent prêtes pour le recevoir, l'héritage artistique de son aïeul le pape Paul III, celui-là même qui excommunia Henri VIII, qui signa avec Charles V et Venise une ligue contre les Turcs, et qui fit, en la confiant à Michel-Ange, reprendre la construction de Saint-Pierre.

      Mais, en même temps que les chefs-d'oeuvre du ciseau grec et du pinceau du moyen âge arrivaient de Rome, une autre expédition était venue d'Angleterre qui préoccupait bien autrement la curiosité de Sa Majesté le roi des Deux-Siciles.

      C'était d'abord un musée ethnologique recueilli aux îles Sandwich par l'expédition qui avait succédé à celle où le capitaine Cook avait péri, et dix-huit kangourous vivants, mâles et femelles, rapportés de la Nouvelle-Zélande, et dans l'attente desquels Ferdinand avait fait préparer, au milieu du parc de Caserte, un magnifique enclos avec cabines pour ces intéressants quadrupèdes, – si toutefois on peut nommer quadrupèdes, ces difformes marsupiaux avec leurs immenses pattes de derrière qui leur permettent de faire des bonds de vingt pieds et les moignons qui leur servent de pattes de devant. – Or, on venait justement de les faire sortir de leurs cages et de les lancer dans leur enceinte, et le roi Ferdinand s'ébahissait aux bonds immenses qu'ils accomplissaient, effrayés qu'ils étaient par les aboiements de Jupiter, lorsqu'on vint lui annoncer l'arrivée de M. André Backer.

      – C'est bien, c'est bien, dit le roi, amenez-le ici, je vais lui montrer une chose qu'il n'a jamais vue, et qu'avec tous ses millions il ne saurait acheter.

      Le roi ne se mettait d'habitude à table qu'à quatre heures; mais, pour avoir tout le temps de causer avec le jeune banquier, il lui avait donné rendez-vous à deux heures.

      Un valet de pied conduisit André Backer vers la partie du parc où était le domicile des kangourous.

      Le roi, apercevant de loin le jeune homme, fit quelques pas au-devant de lui; il ne connaissait le père et le fils que comme étant les premiers banquiers de Naples, et le titre de banquiers

Скачать книгу