Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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Il en résulta que don Philippe fut obligé de passer des mains des banquiers aux mains des escompteurs, et qu'au lieu de payer six du cent, il paya douze.

      Au bout de quatre ans, don Philippe avait usé les escompteurs comme il avait usé les banquiers; il fut donc obligé de passer des mains des escompteurs aux mains des usuriers. Ce nouveau mouvement s'accomplit sans secousse sensible, si ce n'est qu'au lieu de payer douze pour cent, don Philippe fut obligé de payer cinquante. Mais cela importait peu à don Philippe, qui commençait à ne plus payer du tout. Il en résulta qu'au bout de deux ans encore don Philippe, qui éprouvait le besoin d'une somme de mille écus, eut grand'peine à trouver un juif qui consentit à la lui prêter à cent cinquante pour cent. Enfin, après une foule de négociations dans lesquelles don Philippe eut à mettre au jour toutes les ressources inventives que le ciel lui avait données, le descendant d'Isaac se présenta chez don Philippe avec sa lettre de change toute préparée; elle portait obligation d'une somme de neuf mille francs: le juif en apportait trois mille; il n'y avait rien à dire, c'était la chose convenue.

      Don Philippe prit la lettre de change, jeta un coup d'oeil rapide dessus, étendit négligemment la main vers sa plume, fit semblant de la tremper dans l'encrier, apposa son acceptation et sa signature au bas de l'obligation, passa sur l'encre humide une couche de sable bleu, et remit au juif la lettre de change toute ouverte.

      Le juif jeta les yeux sur le papier; l'acceptation et la signature étaient d'une grosse écriture fort lisible; le juif inclina donc la tête d'un air satisfait, plia la lettre de change et l'introduisit dans un vieux portefeuille où elle devait rester jusqu'à l'échéance, la signature de don Philippe ayant depuis long-temps cessé d'avoir cours sur la place.

      A l'échéance du billet, le juif se présente chez don Philippe. Contre son habitude, don Philippe était à la maison. Contre l'attente du juif, il était visible. Le juif fut introduit.

      – Monsieur, dit le juif en saluant profondément son débiteur, vous n'avez point oublié, j'espère, que c'est aujourd'hui l'échéance de notre petite lettre de change.

      – Non, mon cher monsieur Félix, répondit don Philippe. Le juif s'appelai Félix.

      – En ce cas, dit le juif, j'espère que vous avez eu la précaution de vous mettre en règle?

      – Je n'y ai pas pensé un seul instant.

      – Mais alors vous savez que je vais vous poursuivre?

      – Poursuivez.

      – Vous n'ignorez pas que la lettre de change entraîne la prise de corps?

      – Je le sais.

      – Et, afin que vous ne prétextiez cause d'ignorance, je vous préviens que, de ce pas, je vais vous faire assigner.

      – Faites.

      Le juif s'en alla en grommelant, et fit assigner don Philippe à huitaine.

      Don Philippe se présenta au tribunal.

      Le juif exposa sa demande.

      – Reconnaissez-vous la dette? demanda le juge.

      – Non seulement je ne la reconnais pas, répondit don Philippe, mais je ne sais pas même ce que monsieur veut dire.

      – Faites passer votre titre au tribunal, dit le juge au demandeur.

      Le juif tira de son portefeuille la lettre de change souscrite par don Philippe et la passa toute pliée au juge.

      Le juge la déplia; puis, jetant un coup d'oeil dessus:

      – Oui, dit-il, voilà bien une lettre de change, mais je n'y vois ni acceptation ni signature.

      – Comment! s'écria le juif en pâlissant.

      – Lisez vous-même, dit le juge.

      Et il rendit la lettre de change au demandeur.

      Le juif faillit tomber à la renverse. L'acceptation et la signature avaient effectivement disparu comme par magie.

      – Infâme brigand! s'écria le juif en se retournant vers don Philippe.

      Tu me paieras celle-là.

      – Pardon, mon cher monsieur Félix, vous vous trompez, c'est vous qui me la paierez au contraire. Puis se tournant vers le juge:

      – Excellence, lui dit-il, nous vous demandons acte que nous venons d'être insulté en face du tribunal, sans motif aucun.

      – Nous vous l'accordons, dit le juge.

      Muni de son acte, don Philippe attaqua le juif en diffamation, et comme l'insulte avait été publique, le jugement ne se fit pas attendre.

      Le juif fut condamné à trois mois de prison et à mille écus d'amende.

      Maintenant expliquons le miracle.

      Au lieu de tremper sa plume dans l'encre, don Philippe l'avait purement et simplement trempée dans sa bouche et avait écrit avec sa salive. Puis, sur l'écriture humide, il avait passé du sable bleu. Le sable avait tracé les lettres; mais, la salive séchée, le sable était parti et avec lui l'acceptation et la signature.

      Don Philippe gagna six mille francs à ce petit tour de passe-passe, mais il y perdit le reste de son crédit; il est vrai que le reste de son crédit ne lui eût probablement pas rapporté six mille francs.

      Mais si bien qu'on ménage mille écus, ils ne peuvent pas éternellement durer; d'ailleurs, don Philippe avait une assez grande foi dans son génie pour ne point pousser l'économie jusqu'à l'avarice. Il essaya de négocier un nouvel emprunt, mais l'affaire du pauvre Félix avait fait grand bruit, et, quoique personne ne plaignit le juif, chacun éprouvait une répugnance marquée à traiter avec un escamoteur assez habile pour effacer sa signature dans la poche de son créancier.

      Sur ces entrefaites, on arriva au commencement d'avril. Le 4 mai est l'époque des déménagemens à Naples: don Philippe devait deux termes à son propriétaire, lequel lui fit signifier que s'il ne payait pas ces deux termes dans les vingt-quatre heures, il allait, par avance et en se pourvoyant devant le juge, se mettre en situation de le renvoyer à la fin du troisième.

      Le troisième arriva, et, comme don Philippe ne paya point, on saisit et l'on vendit les meubles, à l'exception de son lit et de celui d'une vieille domestique de la famille qui n'avait pas voulu le quitter et qui partageait toutes les vicissitudes de sa fortune. La veille du jour où il devait quitter la maison, il se mit en quête d'un autre logement. Ce n'était pas chose facile à trouver: don Philippe commençait à être fort connu sur le pavé de Naples. Désespérant donc de trouver un propriétaire avec qui traiter à l'amiable, il résolut de faire son affaire par force ou par surprise.

      Il connaissait une maison que son propriétaire, vieil avare, laissait tomber en ruines plutôt que de la faire réparer. Dans tout autre temps, cette maison lui eût paru fort indigne de lui; mais don Philippe était devenu facile dans la fortune adverse. Il s'assura pendant la journée que la maison n'était point habitée, et, lorsque la nuit fut venue, il déménagea avec sa vieille servante, chacun portant son lit, et s'achemina vers son nouveau domicile. La porte était close, mais une fenêtre était ouverte; il passa par la fenêtre, alla ouvrir la porte à sa compagne, choisit la meilleure chambre, l'invita à choisir après lui, et une heure après tous deux étaient installés.

      Quelques

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