Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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de nouvelles compagnies d'assurance mutuelle à organiser.

      Le sbire se met en embuscade dans la rue de Chiaja, de Toledo ou de Forcella, et, quand il veut, il est sûr, dès le soir de la première journée, d'avoir déjà établi des relations commerciales qui le dédommagent de celles qu'il vient d'être forcé de rompre.

      Comme le lazzarone n'a pas de poches, on le trouve éternellement la main dans la poche des autres.

      Le lazzarone ne tarde donc jamais à être pris en flagrant délit par le sbire; alors le marché s'établit.

      Le sbire, généreux comme Orosmane, propose une rançon.

      Le lazzarone, fidèle à sa parole comme Lusignan, dégage sa parole au bout de dix minutes, d'une demi-heure, d'une heure au plus tard.

      Parfois cependant, comme je l'ai dit, le sbire abuse de sa puissance ou le lazzarone de son adresse.

      Un jour, en passant dans la rue de Tolède, j'ai vu arrêter un sbire. Comme le chasseur de La Fontaine, il avait été insatiable, et il était puni par où il avait péché.

      Voici ce qui était arrivé:

      Un sbire avait pris un lazzarone en flagrant délit.

      – Qu'as-tu volé à ce monsieur en noir qui vient de passer? demanda le sbire.

      – Rien, absolument rien, excellence, répondit le lazzarone (le lazzarone appelle le sbire excellence).

      – Je t'ai vu la main dans sa poche.

      – Sa poche était vide.

      – Comment! pas un mouchoir, pas une tabatière, pas une bourse?

      – C'était un savant, excellence.

      – Pourquoi t'adresses-tu à ces sortes de gens

      – Je l'ai reconnu trop tard.

      – Allons, suis-moi à la police.

      – Comment! mais puisque je n'ai rien volé, excellence.

      – C'est justement pour cela, imbécile. Si tu avais volé quelque chose, on s'arrangerait.

      – Eh bien! c'est partie remise, voilà tout; je ne serai pas toujours si malheureux.

      – Me promets-tu, d'ici à une demi-heure, de me dédommager?

      – Je vous le promets, excellence.

      – Comment cela?

      – Ce qu'il y a dans la poche du premier passant sera pour vous.

      – Soit, mais je choisirai l'individu; je ne me soucie pas que tu ailles encore faire quelque bêtise pareille à l'autre.

      – Vous choisirez.

      Le sbire s'appuie majestueusement contre une borne; le lazzarone se couche paresseusement à ses pieds.

      Un abbé, un avocat, un poète, passent successivement sans que le sbire bouge. Un jeune officier, leste, pimpant, paré d'un charmant uniforme, paraît à son tour; le sbire donne le signal.

      Le lazzarone se lève et suit l'officier; tous deux disparaissent à l'angle de la première rue. Un instant après, le lazzarone revient tenant sa rançon à la main.

      – Qu'est-ce que c'est que cela? demande le sbire.

      – Un mouchoir, répond le lazzarone.

      – Voilà tout?

      – Comment, voilà tout? c'est de la batiste!

      – Est-ce qu'il n'en avait qu'un seul1?

      – Un seul dans cette poche-là.

      – Et dans l'autre?

      – Dans l'autre il avait son foulard.

      – Pourquoi ne l'as-tu pas apporté?

      – Celui-là, je le garde pour moi, excellence.

      – Comment, pour toi?

      – Oui. N'est-il pas convenu que nous partageons?

      – Eh bien?

      – Eh bien! chacun sa poche.

      – J'ai droit à tout.

      – A la moitié, excellence.

      – Je veux le foulard.

      – Mais, excellence…

      – Je veux le foulard!

      – C'est une injustice.

      – Ah! tu dis du mal des employés du gouvernement. En prison, drôle! en prison!

      – Vous aurez le foulard, excellence.

      – Je veux celui de l'officier.

      – Vous aurez celui de l'officier.

      – Où le retrouveras-tu!

      – Il était allé chez sa maîtresse, rue de Foria; je vais l'attendre à la porte.

      Le lazzarone remonte la rue, disparaît, et va s'embusquer dans une grande porte de la rue de Foria.

      Au bout d'un instant, le jeune officier sort; il n'a pas fait dix pas qu'il fouille à sa poche et s'aperçoit qu'elle est vide.

      – Pardon, excellence, dit le lazzarone, vous cherchez quelque chose?

      – J'ai perdu un mouchoir de batiste.

      – Votre excellence ne l'a pas perdu, on le lui a volé.

      – Et quel est le brigand?..

      – Qu'est-ce que votre excellence me donnera si je lui trouve son voleur?

      – Je te donnerai une piastre!

      – J'en veux deux.

      – Va pour deux piastres. Eh bien! que fais-tu?

      – Je vous vole votre foulard?

      – Pour me faire retrouver mon mouchoir?

      – Oui.

      – Et où seront-ils tous les deux?

      – Dans la même poche. Celui à qui je donnerai votre foulard est celui à qui j'ai déjà donné votre mouchoir.

      L'officier suit le lazzarone; le lazzarone remet le foulard au sbire, le sbire fourre le foulard dans sa poche. Le lazzarone, rendu à la liberté, s'esquive. Derrière le lazzarone vient l'officier. L'officier met la main sur le collet du sbire, le sbire tombe à genoux. Comme le sbire de cette espèce a été lazzarone avant d'être sbire, il comprend tout: c'est lui qui est le volé. Il a voulu jouer

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<p>1</p>

A Naples, on a toujours deux mouchoirs dans sa poche: un mouchoir de batiste pour s'essuyer, un mouchoir de soie pour se moucher; il y a même des élégans qui en ont un troisième avec lequel ils époussettent leurs bottes, pour faire croire qu'ils sont venus en voiture.