Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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Trafalgar, subit l'influence commune et devint amoureux. Nelson pouvait être un Achille, mais ce n'était ni un Hyacinthe ni un Pâris; il avait perdu un oeil à Calvi et un bras à la Vera-Cruz. Mais lady Hamilton était trop habile pour laisser échapper la fortune qui passait à la portée de sa main. Elle comprit tout de suite l'influence que Nelson allait prendre sur les événemens et par conséquent sur les hommes. L'Angleterre, pour Ferdinand et Caroline, était non seulement une alliée, mais encore une libératrice: Nelson devenait pour eux non seulement un héros, mais presque un dieu.

      L'amour de Nelson changea tout pour Emma Lyonna. La reine descendit de son trône et fit la moitié du chemin qui la séparait de l'aventurière; Emma Lyonna daigna faire l'autre. Bientôt on ne vit plus l'une sans l'autre. A la cour, au théâtre, à Chiaja, à Toledo, dans sa voiture comme dans la loge royale, Emma Lyonna eut sa place de tous les jours, de toutes les heures, de tous les instans, Emma Lyonna fut la favorite de Caroline.

      Le jour des désastres arriva: Emma Lyonna, fidèle à l'amitié ou plutôt à l'ambition, accompagna le roi et la reine en Sicile, traînant Nelson à sa suite. Le terrible capitaine de la mer était, avec elle, obéissant et doux comme un enfant.

      Ce fut sur cette femme que Caroline jeta les yeux pour perdre Nelson; ce fut à ces mains étranges que Dieu remit l'existence des hommes et le destin des royaumes.

      Emma Lyonna portait une lettre de créance conçue en ces termes:

      «La Providence vous remet le sort de la monarchie napolitaine; je n'ai pas le temps de vous écrire une lettre détaillée sur le service immense que nous attendons de vous. Milady, mon ambassadrice et mon amie, vous exposera ma prière et toute la reconnaissance de votre affectionnée, CAROLINE.»

      Dans cette lettre était contenu un décret du roi qui portait que «l'intention du roi n'avait jamais été de traiter avec des sujets rebelles; qu'en conséquence les capitulations des forts étaient révoquées; que les partisans de la prétendue république parthénopéenne étant plus ou moins coupables de lèse-majesté, une junte d'État serait établie pour les juger, et punirait les plus coupables par la mort, les autres par la prison et l'exil, tous par la confiscation de leurs biens.»

      Une autre ordonnance devait faire connaître les volontés ultérieures de Sa Majesté et la manière dont elles seraient exécutées. A la rigueur, le roi et la reine pouvaient écrire ces choses, ils n'avaient rien signé: ils voyaient les événemens accomplis au point de vue de leur pouvoir et de leur dignité. Mais Nelson, l'homme du peuple; Nelson, le fils d'un pauvre ministre du village de Burnham-Thorp; Nelson, dont la parole était engagée par la signature de son représentant; Nelson, qui, dans tous ces démêlés de peuple à rois, devait être calme, impartial et froid comme la statue de la Justice; Nelson, sur lequel l'Europe avait les yeux ouverts, et dont le monde n'attendait qu'un mot pour le proclamer le défenseur de l'humanité, comme il était déjà l'élu de la gloire; Nelson, quelle excuse avait-il et que répondra-t-il à Dieu quand Dieu lui demandera compte de l'existence de vingt-cinq mille hommes sacrifiés à un fol amour? Le navire qui portait Emma Lyonna aborda un soir le navire qui portait Nelson; une heure après, le navire repartait pour Palerme, emportant pour tout message cette seule réponse: «Tout va bien.» Le lendemain la capitulation était déchirée.

      Parmi toutes les victimes, il y en avait une qui devait être sacrée pour Nelson: c'était son collègue l'amiral Carracciolo. Après avoir conduit le roi en Sicile avec un bonheur qui avait fait envie à celui qui passait à cette époque pour le premier homme de mer qui existât, Carracciolo avait demandé la permission de revenir à Naples et l'avait obtenue. Là il avait pris parti pour les républicains, avait combattu avec eux, avait traité comme eux, et, comme eux, eût du être sous la garde de l'honneur de trois grandes nations.

      Carracciolo était parvenu à échapper aux premières recherches, et par conséquent aux premiers massacres; mais, trahi par un domestique, il fut pris dans la chambre où il était caché. A peine Nelson eut-il appris son arrestation qu'il le réclama comme son prisonnier. Une action grande et généreuse pouvait servir non pas de contre-poids, mais de palliatif à la trahison de l'amiral anglais; Nelson pouvait réclamer son collègue pour l'arracher à la junte d'État; on le crut, on l'applaudit: Nelson réclamait son collègue pour le faire pendre sur son propre vaisseau!

      Le procès fut court: il commença à neuf heures du matin; à dix heures, on fit dire à Nelson que la cour venait de décider qu'on accueillerait les preuves et les témoignages en faveur de l'accusé, décision qui, dans tous les pays du monde, est un droit et non une faveur. Nelson répondit que c'était inutile, et la cour passa outre.

      A midi, on vint annoncer à Nelson que l'accusé était condamné à la prison perpétuelle.

      – Vous vous trompez, dit Nelson au comte de Thun, qui lui annonçait cette sentence, il a été condamné à la peine de mort.

      La cour gratta le mot prison et écrivit le mot mort à la place.

      A une heure, on vint dire à Nelson que le condamné demandait à être fusillé au lieu d'être pendu.

      – Il faut que justice ait son cours, répondit Nelson.

      En conséquence, on transporta Carracciolo à bord de la Minerve; c'était le vaisseau sur lequel il combattait de préférence. L'amiral l'avait constamment soigné comme un père soigne son propre fils; et cependant, pendant le temps qu'il était resté à bord du vaisseau anglais, il avait remarqué une foule de ces détails de construction qui faisaient alors et qui font encore de la marine de la Grande-Bretagne une des premières marines du monde: ces détails, il les expliquait à un jeune officier qui avait servi sous lui, et il en était arrivé à un point important de sa démonstration, lorsque le greffier s'avança vers lui, le jugement à la main. Carracciolo s'interrompit, écouta la sentence avec le plus grand calme; puis, la lecture terminée:

      – Je disais donc… reprit l'amiral, et il continua sa démonstration à l'endroit même où l'arrêt de mort l'avait interrompu.

      Dix minutes après, le corps de l'amiral se balançait suspendu au bout d'une vergue. Le soir on coupa la corde, on attacha un boulet de trente-six aux pieds du cadavre, et on le jeta à la mer. Douze heures avaient suffi pour rassembler la cour, porter ce jugement, exécuter la sentence, et faire disparaître jusqu'à la dernière trace du condamné.

      Pendant ce temps, les bons lazzaroni faisaient de leur mieux: ils attendaient en chantant et en dansant au pied de l'échafaud ou de la potence les cadavres qui sortaient des mains du bourreau, les jetaient dans des bûchers; puis, lorsqu'ils étaient cuits selon leur goût, ils en grignotaient le foie ou le coeur, tandis que les autres, portés par leur nature à des amusemens plus champêtres, se faisaient des sifflets avec les os des bras, et des flûtes avec les os des jambes.

      Trois mois de jugemens, d'exécutions et de supplices avaient rétabli le calme dans la ville de Naples. Le roi et la reine reçurent donc avis qu'ils pouvaient rentrer dans leur capitale. Pendant ces trois mois, Nelson et Emma Lyonna ne s'étaient point quittés: ce furent trois mois heureux pour ces tendres amans.

      D'ailleurs, de nouveaux honneurs pleuvaient sur Nelson et rejaillissaient sur sa maîtresse: le vainqueur d'Aboukir avait été fait baron du Nil, le lacérateur du traité de Naples fut fait duc de Bronte.

      Le surlendemain de l'exécution de Carracciolo, on signala une flottille venant de Sicile; c'était le roi qui revenait prendre possession de son royaume. Mais le roi ne regardait pas encore le sol de Naples comme bien affermi; il résolut de stationner quelques jours dans le port, et de recevoir ses fidèles sujets sur son vaisseau.

      Bientôt le vaisseau fut entouré de barques; c'étaient des ministres qui apportaient des ordonnances, c'étaient des députés

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