Le corricolo. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le corricolo - Dumas Alexandre страница 37

Le corricolo - Dumas Alexandre

Скачать книгу

par l'Europe. Le comte de B… fit comme les autres, et alla demander un asile à la Suisse, où il demeura six ans.

      Au bout de six ans, il pensa que son erreur politique était expiée par son exil, et écrivit à Ferdinand pour lui demander la permission de rentrer à la cour. La lettre fut ouverte par le ministre de la police, qui, au premier travail, la présenta au roi.

      – Qu'est cela? dit Ferdinand.

      – Une lettre du comte de B… Majesté.

      – Que demande-t-il?

      – Il demande à rentrer en grâce près de vous.

      – Comment donc! mais certainement, ce cher comte de B… je le reverrai avec le plus grand plaisir. Passez-moi une plume.

      Le ministre passa la plume à Sa Majesté, qui écrivit au dessous de la demande: Torni, ma col figlio (qu'il revienne, mais avec son fils).

      Le comte de B… mourut en exil.

      – Comme ses amis les lazzaroni, le roi Nasone n'avait pas un grand attachement pour les moines. En échange, et comme eux encore, il avait un profond respect pour padre Rocco, dont il avait plus d'une fois écouté les sermons en plein air. Aussi padre Rocco, dont nous aurons à parler longuement dans la suite de ce récit, avait-il au palais du roi des entrées aussi faciles que dans la plus pauvre maison de Naples. De plus, il va sans dire que padre Rocco, aux yeux duquel tous les hommes étaient égaux, avait conservé la même liberté de paroles vis-à-vis du roi qu'à l'égard du dernier lazzarone.

      Un jour que toute la famille royale était à Capo-di-Monte, on vit arriver padre Rocco. Aussitôt de grands cris de joie retentirent dans le palais, et chacun accourut au devant du bon prêtre, que personne n'avait vu depuis plus de dix-huit mois; c'était au premier retour de Sicile, et après la terrible réaction dont nous avons dit quelques mots.

      Padre Rocco venait de quêter pour les pauvres prisonniers. Quand le roi, la reine, le prince François, le duc de Salerne et les dix ou douze courtisans qui avaient suivi la famille royale à Capo-di-Monte eurent donné leur aumône, padre Rocco voulut se retirer, mais Ferdinand l'arrêta.

      – Un instant, un instant, padre Rocco, dit le roi; on ne s'en va pas comme cela.

      – Et comment s'en va-t-on, sire?

      – Chacun son impôt. Nous vous devions une aumône, nous vous l'avons donnée. Vous nous devez un sermon: donnez-nous-le.

      – Oh! oui, oui, un sermon! crièrent la reine, le prince François et le duc de Salerne.

      – Oh! oui, oui, un sermon! répétèrent en choeur tous les courtisans.

      – J'ai l'habitude de prêcher devant des lazzaroni, sire, et non devant des têtes couronnées, répondit padre Rocco: excusez-moi donc si je crois devoir récuser l'honneur que vous me faites.

      – Oh! non pas, non pas; vous ne vous en tirerez point ainsi: nous vous avons donné votre aumône, il nous faut notre sermon; je ne sors pas de là.

      – Mais quel genre de sermon? demanda le prêtre.

      – Faites-nous un sermon pour amuser les enfans.

      Le prêtre se mordit les lèvres; puis, s'adressant au roi:

      – Vous le voulez donc absolument, sire?

      – Oui, certes, je le veux.

      – Ce sermon étant fait pour les enfans, ne vous étonnez point qu'il commence comme un conte de fée.

      – Qu'il commence comme il voudra, mais que nous l'ayons.

      – A vos ordres, sire.

      Et padre Rocco monta sur une chaise pour mieux dominer son auguste auditoire.

      – Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit! commença padre Rocco.

      – Amen! interrompit le roi.

      – Il y avait une fois, continua le prêtre en saluant le roi, comme pour le remercier de ce qu'il avait bien voulu lui servir de sacristain, il y avait une fois un crabe et une crabe…

      – Comment dites-vous cela? s'écria Ferdinand, qui croyait avoir mal entendu.

      – Il y avait une fois un crabe et une crabe, reprit gravement padre Rocco, lesquels avaient eu en légitime mariage trois fils et deux filles qui donnaient les plus belles espérances. Aussi le père et la mère avaient-ils placé près de leurs enfans les professeurs les plus distingués et les gouvernantes les plus instruites qu'ils avaient pu trouver à trois lieues à la ronde: ils avaient surtout recommandé aux instituteurs et aux institutrices d'apprendre à leurs enfans à marcher droit.

      Quand l'éducation des trois enfans mâles fut finie, le père les convoqua devant lui, et ayant laissé le professeur à la porte, afin que, les élèves n'étant pas soutenus par sa présence, il pût mieux juger de l'éducation qu'ils avaient reçue:

      – Mon cher fils, dit-il à l'aîné, j'ai recommandé entre autres choses que l'on vous apprit à marcher droit. Marchez un peu, que je voie comment mes instructions ont été suivies.

      – Volontiers, mon père, dit le fils aîné. Regardez, et vous allez voir. Et aussitôt il se mit en mouvement.

      – Mais, dit le père, que diable fais-tu donc là?

      – Ce que je fais? je vous obéis: je marche.

      – Oui, tu marches, mais tu marches de travers. Est-ce que cela s'appelle marcher? Voyons, recommençons.

      – Recommençons, mon père.

      Et le fils aîné se remit en mouvement. Le père jeta un cri de douleur. La première fois son enfant avait marché de droite à gauche; la seconde fois il marchait de gauche à droite.

      – Mais ne peux-tu donc pas aller droit? s'écria le père.

      – Est-ce que je ne vais pas droit? demanda le fils.

      – Il ne voit pas son infirmité! s'écria le malheureux crabe en joignant ses deux grosses pinces et en les élevant avec douleur vers le ciel.

      Puis, se retournant vers son fils cadet:

      – Viens ici, toi, lui dit-il, et montre à ton frère aîné comment on marche.

      – Volontiers, mon père, dit le second.

      Et il recommença exactement la même manoeuvre qu'avait faite son frère aîné, si ce n'est qu'au lieu d'aller la première fois de droite à gauche et la seconde fois de gauche à droite, il alla la première fois de gauche à droite et la seconde fois de droite à gauche.

      – Toujours de travers! toujours de travers! s'écria le père au désespoir. Puis, se retournant, les larmes aux yeux, vers le plus jeune de ses fils:

      – Voyons, toi, lui dit-il, à ton tour, et donne l'exemple à tes frères.

      – Mon père, reprit le troisième, qui était un jeune crabe plein de sens, il me semble que l'exemple serait bien autrement profitable pour nous si vous nous le donniez vous-même. Marchez donc, et

Скачать книгу