Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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on se remit à la besogne de plus belle.

      Le soir, en rentrant, on trouva un courrier qui annonçait que Charles IV était mort.

      La douleur que ressentit le roi fut si profonde qu'il comprit qu'il devait, avant tout, la combattre par quelque puissante distraction. En conséquence, il donna ses ordres pour qu'une chasse plus belle encore que celle qu'on venait de faire eût lieu pour le lendemain et le surlendemain. On tua cent cinquante sangliers et deux cents daims dans ces trois chasses. Mais qu'on ne croie point pour cela que Ferdinand avait oublié le défunt. A chaque beau coup qu'il faisait ou voyait faire, il s'écriait: – Ah! si mon pauvre frère était là, qu'il serait heureux!

      Le troisième jour le roi revint, ordonna un convoi magnifique et prit le deuil pour trois mois, lui et toute sa cour.

      Qu'on ne croie pas non plus que le roi Nasone avait un mauvais coeur. Les coeurs des dix-septième et dix-huitième siècles étaient faits ainsi. On vint un jour dire à Bassompierre, au moment où il s'habillait pour aller danser un quadrille chez la reine Marie de Médicis, que sa mère, qu'il adorait, était morte.

      – Vous vous trompez, répondit tranquillement Bassompierre en continuant de nouer ses aiguillettes, elle ne sera morte que lorsque le quadrille sera dansé.

      Bassompierre dansa le quadrille; il y eut le plus grand succès, et rentra chez lui pour pleurer sa mère.

      La sensibilité est une invention moderne. Espérons qu'elle durera.

      A côté de cette indifférence, à l'endroit de sa passion dominante, le roi Nasone avait parfois d'excellens mouvemens. Un jour, une pauvre femme, dont le mari venait d'être condamné à mort, part d'Aversa sur le conseil de l'avocat qui l'avait défendu, et vint à pied à Naples pour demander au roi la grâce de son mari. C'était chose facile que d'aborder le roi, toujours courant qu'il était, à pied ou à cheval dans les rues et sur les places de Naples, quand il n'était pas à la chasse. Cette fois, malheureusement ou heureusement, le roi n'était ni dans les rues ni dans son palais; il était a Capo-di-Monti: c'était la saison des becfigues.

      La pauvre femme était écrasée de fatigue; elle venait de faire quatre grandes lieues tout courant; elle demanda la permission d'attendre le roi. Le capitaine des gardes, touché de compassion pour elle, lui accorda sa demande. Elle s'assit sur la première marche de l'escalier par lequel devait monter le roi pour rentrer dans son appartement. Mais quelles que fussent la gravité de la situation où elle se trouvait et la préoccupation qui agitait ses esprits, la fatigue fut plus forte que l'inquiétude, et, après avoir pendant quelque temps lutté en vain contre le sommeil, elle renversa sa tête contre le mur, ferma les yeux et s'endormit. Elle dormait à peine depuis un quart d'heure lorsque le roi rentra.

      Le roi avait été ce jour-là plus adroit que d'habitude, et avait trouvé des becfigues plus nombreux que la veille. Il était donc dans une situation d'esprit des plus bienveillantes, lorsqu'en rentrant il aperçut la pauvre femme qui l'attendait. On voulut la réveiller, mais le roi fit signe qu'on ne la dérangeât point. Il s'approcha d'elle, la regarda avec une curiosité mêlée d'intérêt, puis, voyant l'angle de la pétition qui sortait de sa poitrine, il la tira doucement et avec précaution, afin de ne pas troubler son sommeil, la lut, et ayant demandé une plume, il écrivit au bas: Fortuna e duorme. Ce qui correspond à peu près à notre proverbe français: La fortune vient en dormant. Puis il signa Ferdinand, roi.

      Après quoi il ordonna de ne réveiller la bonne femme sous aucun prétexte, défendit qu'on la laissât parvenir jusqu'à lui, replaça la pétition dans l'ouverture où il l'avait prise, et remonta joyeusement chez lui, une bonne action sur la conscience.

      Au bout de dix minutes, la solliciteuse ouvrit les yeux, s'informa si le roi était rentré, et apprit qu'il venait de passer devant elle pendant qu'elle dormait.

      Sa désolation fut grande; elle avait manqué l'occasion qu'elle était venue chercher de si loin et avec tant de fatigue; elle supplia le capitaine des gardes de lui permettre d'arriver jusqu'au roi; mais le capitaine des gardes refusa obstinément, en disant que Sa Majesté était renfermée chez elle, déclarant que de la journée ni de celle du lendemain elle ne sortirait de la chambre ni ne recevrait personne. Il fallut renoncer à l'espoir de voir le roi; la pauvre femme repartit pour Aversa désolée.

      La première visite, à son retour, fut pour l'avocat qui lui avait donné le conseil de venir implorer la clémence du roi; elle lui raconta tout ce qui s'était passé et comment, par sa faute, elle avait laissé échapper une occasion désormais introuvable. L'avocat, qui avait des amis à la cour, lui dit alors de lui rendre la pétition, et qu'il aviserait à quelque moyen de la faire remettre au roi.

      La femme remit à l'avocat la pétition demandée. Par un mouvement machinal, l'avocat l'ouvrit; mais à peine y eut-il jeté les yeux qu'il poussa un cri de joie. Dans la situation où l'on se trouvait, le proverbe consolateur écrit et signé de la main du roi équivalait à une grâce. Effectivement, huit jours après, le prisonnier était rendu à la liberté, et cette fortune qui arrivait à la pauvre femme, ainsi que l'avait écrit te roi Nasone, lui était venue en dormant.

      Près de cette action qui ferait honneur à Henri IV, citons des jugemens qui feraient honneur à Salomon.

      La marquise de C… avait été, à l'époque de la mort de son mari, nommée tutrice de son fils, alors âgé de douze ans. Pendant les neuf années qui le séparaient encore de sa majorité, la marquise, femme pleine de sens et d'honneur, avait géré la fortune de son fils de telle façon que, grâce à la retraite où, quoique jeune encore, elle avait vécu, cette fortune s'était presque doublée. La majorité du jeune homme arrivée, la marquise lui rendit ses comptes; mais celui-ci, pour tout remerciement, se contenta de faire à sa mère une espèce de pension alimentaire qui la soutenait à peine au dessus de la misère. La mère ne dit rien, reçut avec résignation l'aumône filiale, et se retira à Sorrente, où elle avait une petite maison de campagne.

      Au bout d'un an, la petite pension manqua tout à coup; et tandis que le fils menait à Naples le train d'un prince, la mère se trouva à Sorrente sans un morceau de pain. Il fallait se résigner à mourir de faim ou se décider à se plaindre au roi. La pauvre mère épuisa jusqu'à sa dernière ressource avant d'en venir à cette extrémité. Enfin, il n'y eut plus moyen d'aller plus avant. La marquise de C… vint se jeter aux pieds de Nasone en lui demandant justice pour elle et pardon pour son fils. Le roi reçut la pétition que lui présentait la marquise de C… et dans laquelle étaient consignés les détails de la gestion maternelle; puis il se fit rendre compte de la situation des choses, vit que tous ces détails étaient de la plus exacte vérité, prit une plume et écrivit:

       Duri la minorità del figlio giache vive la madre.

      «Dure la minorité du fils tant que vivra la mère.»

      – De singuliers bruits avaient couru sur le comte de B… Son fils avait disparu, et l'on prétendait que, dans une querelle survenue entre le père et le fils pour une femme qu'ils auraient aimée tous deux, le père, dans un mouvement d'emportement, aurait tué le fils. Cependant ces bruits vagues n'existaient point à l'état de réalité; seulement, au dire du père, le jeune homme était absent et voyageait pour son instruction. Sur ces entrefaites, Ferdinand fut relégué en Sicile, et Joseph, puis Murat, vinrent occuper le trône de Naples.

      De si graves événemens firent oublier les inculpations qui pesaient sur le comte de B… qui, ayant pris du service à la cour du frère et du beau-frère de Napoléon, et étant parvenu à une grande faveur, vit s'éteindre jusqu'aux allusions à la sanglante aventure dans laquelle le bruit public l'accusait d'avoir joué un si terrible rôle. Tout le monde avait donc oublié ou paraissait avoir oublié le jeune

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