Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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bien, dit Ferdinand, bien, padre Rocco; nous avons notre affaire, la reine et moi; vous pouvez nous revenir demander l'aumône tant que vous voudrez, nous ne vous demanderons plus de sermons. Adieu, padre Rocco.

      – Adieu, sire.

      Et padre Rocco se retira laissant son sermon inachevé, mais emportant son aumône tout entière.

      Voilà le roi Nasone, non pas tel que l'histoire l'a fait ou le fera. L'histoire est trop grande dame pour entrer dans la chambre des rois à toute heure du jour et de la nuit, et pour les surprendre dans la position où Sa Majesté napolitaine surprit le président Cardillo. Ce n'est pourtant que lorsqu'on a fait avec un flambeau le tour de leur trône, et avec un bougeoir le tour de leur chambre, qu'on peut porter un jugement impartial sur ceux-là que Dieu, dans son amour ou dans sa colère, a choisis dans le sein maternel pour en faire des pasteurs d'hommes; et encore peut-on se tromper. Après avoir vu le roi Nasone vendre son poisson, détailler son gibier, écouter au coin d'un carrefour le sermon de padre Rocco, s'humaniser avec les vassales dans son sérail de San-Lecco, rire de son gros rire avec le premier lazzarone venu, peut-être ira-t-on croire qu'il état prêt à tendre la main à tout le monde: point; il y avait entre l'aristocratie et le peuple une classe de la société que le roi Nasone exécrait particulièrement, c'était la bourgeoisie.

      Racontons l'histoire d'un bourgeois sicilien qui voulut absolument devenir gentilhomme. Ceux qui voudront savoir le nom de cet autre monsieur Jourdain pourront recourir aux moeurs siciliennes de mon spirituel ami Palmieri de Micciché, qui voyage depuis une vingtaine d'années dans tous les pays, excepté dans le sien, pour expier l'habitude qu'il a prise d'appeler les choses et les hommes par leur nom. Ce qui fait qu'instruit par son exemple, je tâcherai d'éviter le même inconvénient.

       XIII

      La Bête noire du roi Nasone

      Il y avait à Fermini, vers l'an de grâce 1798, un jeune homme de seize à dix-sept ans, lequel, comme le cardinal Lecada, ne demandait qu'une chose au ciel: être secrétaire d'État et mourir.

      C'était le fils d'un honnête fermier nommé Neodad. Le nom est tant soit peu arabe peut-être, mais nos lecteurs voudront bien se souvenir que la Sicile a été autrefois conquise par les Sarrasins. Puis, comme je l'ai dit, ils peuvent recourir pour les racines à mon ami Palmieri de Micciche.

      Son père lui avait laissé quelque petite fortune; il résolut d'acheter un costume à la mode, de poudrer ses cheveux, de raser son menton, d'attacher un catogan au collet de son habit, et de venir chercher un titre à Palerme. En conséquence, en vertu de l'axiome: Aide-toi, et Dieu t'aidera, il commença par changer son nom de Neodad en celui de Soval, quoiqu'à mon avis le premier fût bien plus pittoresque que le second. Il est vrai qu'un peu plus tard il ajouta à ce nom la particule de, ce qui le rendit, sinon plus aristocratique, du moins plus original encore.

      Ainsi déguisé, et croyant avoir suffisamment caché sa crasse paternelle sous la poudre à la maréchale, le jeune Soval essaya tout doucettement de se glisser à la cour. Mais Sa Majesté napolitaine n'avait pas reçu le nom de Nasone pour rien. Elle flaira l'intrus d'une lieue, lui fit fermer toutes les portes des palais royaux et des villes royales, lui laissant toute liberté, au reste, de se promener partout ailleurs que chez lui.

      Mais le jeune fermier n'était pas venu à Palerme dans la seule intention de faire admirer sa tournure à la Marine ou sa jambe à la Fiora. Il était venu pour avoir ses entrées à la cour. Il résolut de les avoir à quelque prix que ce fût, et, puisque le roi Nasone les lui refusait de bonne volonté, de les enlever de force.

      Il y avait plusieurs moyens pour cela. C'était le moment où le cardinal Ruffo cherchait des hommes de bonne volonté pour l'aider à reconquérir le royaume de Naples, que, comme Charles VII, le roi Nasone perdait le plus gaîment du monde. Le jeune Soval, déjà habitué aux métamorphoses, pouvait changer son habit de seigneur contre une casaque de soldat, comme il avait changé sa veste de fermier contre un habit de seigneur; il pouvait ajouter à cette casaque un fusil, un sabre, une giberne, et aller se faire un nom dans le genre de ceux de Mammone et de Fra-Diavolo. Il ne fallait qu'un peu de courage pour cela; mais une des vertus héréditaires de la famille Neodad était la prudence. Les Calabres sont longues, il pouvait arriver un accident entre Bagnara et Naples. Puis, notre héros connaissait le vieux proverbe: Loin des yeux, loin du coeur. Il résolut de rester sous les yeux de ses souverains bien-aimés, afin de demeurer le plus près possible de leur coeur.

      Comme nous l'avons dit, c'était le roi Nasone qui était roi; mais c'était la reine Caroline qui régnait. Or, la reine Caroline, qui ne pouvait pas, comme le calife Al-Raschid, se déguiser en kalender ou en portefaix pour entrer dans les maisons de ses fidèles sujets et savoir ce qu'on y pensait de son gouvernement, suppléait à cet inconvénient en correspondant avec une foule de gens qui y entraient pour elle, et qui, dans un but tout patriotique, lui rendaient un compte exact des choses qu'elle ne pouvait voir par elle-même. Malheureusement, ce dévoûment si louable n'était pas tout à fait désintéressé. En échange de ces petits services, la reine donnait à ceux qui les lui rendaient des appointemens plus ou moins élevés sur sa cassette particulière. Le jeune Soval, qui avait une écriture magnifique, un style épistolaire des plus lucides et pas la moindre vocation pour la carrière militaire, eut un beau matin la révélation de l'avenir qui lui était réservé: il sollicita l'honneur d'être reçu surnuméraire, obtint l'objet de sa demande, et, au bout de trois mois, avait fait preuve d'une si haute intelligence dans le choix des discours, pensées et maximes qu'il recueillait ça et là pour les transmettre à Sa Majesté, qu'il fut définitivement reçu au nombre de ses correspondans.

      Le pauvre garçon faillit en perdre la tête de joie; du moment où il correspondait avec la reine, il lui semblait que toute difficulté allait s'aplanir. Il redoubla donc de zèle; et, comme la nature l'avait doué d'une finesse d'ouïe extrême, il rendit vraiment des services incroyables. Aussi, la reine, qui, toute maîtresse qu'elle était des choses politiques, avait cependant conservé l'habitude de consulter son mari pour les choses d'étiquette, demanda-t-elle pour le jeune Soval ses entrées à la cour. Mais Sa Majesté napolitaine, en entendant ce nom qui lui était devenu si profondément antipathique, bondit comme un chevreuil relancé par les chiens, et refusa tout net. Ni prières, ni supplications, ni menaces, ne purent rien: l'interdit lancé sur le malheureux Soval fut maintenu.

      La restauration de 1799 arriva: c'était l'époque des punitions, mais c'était aussi celle des récompenses; le jeune Soval résolut de donner une nouvelle et grande preuve de son dévoûment à la famille royale et s'expatria à sa suite. Ce fut alors que, pensant qu'il avait assez fait pour s'accorder à lui-même la récompense qu'on lui refusait, il ajouta un de à son nom, sans qu'il y eût au reste plus d'empêchement à l'adjonction de cette particule que n'en avait éprouvé Alfieri, après avoir créé l'ordre d'Homère, à s'en décorer lui-même chevalier. C'est donc à partir de ce moment, et en même temps que Buonaparte retranchait une lettre à son nom, que notre héros ajoutait deux lettres au sien.

      Arrivé à Naples, non seulement le jeune de Soval conserva ses anciennes fonctions près de la reine Caroline; mais, comme on le comprend bien, ces fonctions acquirent une nouvelle importance: il en résulta que la reine ne se contenta plus de recevoir de simples lettres, mais lui permit de lui faire dans les grandes occasions des rapports verbaux. C'était ce que notre héros regardait comme le marchepied infaillible de sa grandeur. En effet, pour conférer avec la reine, il fallait qu'il vint chez le roi. Il est vrai qu'il entrait pour ces conférences par une petite porte dérobée par laquelle on n'introduisait que les familiers du premier ministre Giaffar; mais c'était toujours un pas de fait. La question était maintenant de passer par la grande porte au lieu de passer par la petite, et d'entrer de jour au lieu d'entrer de nuit. La reine ne désespérait pas d'obtenir cette faveur du roi. Mais, contre toutes les prévisions de sa protectrice, le pauvre

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