Le Speronare. Dumas Alexandre

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Le Speronare - Dumas Alexandre

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Majesté le veut.

      – A la bonne heure, dit le roi, voilà une de ces réponses comme je les aime. Et combien d'hommes veux-tu?

      – Combien sont-ils? demanda Lamarque.

      – Deux mille, à peu près.

      – Eh bien! Que Votre Majesté me donne quinze ou dix-huit cents hommes; qu'elle me permette de les choisir parmi ceux que je lui amène: ils me connaissent; je les connais. Nous nous ferons tous tuer jusqu'au dernier, ou nous prendrons l'île.

      Murat, pour toute réponse, tendit la main à Lamarque. C'était ce qu'il aurait dit étant général; c'était ce qu'il était prêt à faire étant roi. Puis tous deux se séparèrent, Lamarque pour choisir ses hommes, Murat pour réunir les embarcations.

      Dès le lendemain tout était prêt, soldats et vaisseaux. Dans la soirée, l'expédition sortit de la rade. Quelques précautions qu'on eût prises pour garder le secret, le secret s'était répandu: toute la ville était sur le port, saluant de la voix cette petite flotte, qui partait gaiement et pleine d'insoucieuse confiance pour une chose que l'on regardait comme impossible.

      Bientôt le vent, favorable d'abord, commença de faiblir: la petite flotte n'avait pas fait dix milles qu'il tomba tout à fait. On marcha à la rame; mais la rame est lente, et le jour parut que l'on était encore à deux lieues de Caprée. Alors, comme s'il avait fallu lutter contre toutes les impossibilités, vint la tempête. Les flots se brisèrent avec tant de violence contre les rochers à pic qui entourent l'île, qu'il n'y eut pas moyen pendant toute la matinée, de s'en approcher. A deux heures la mer se calma. A trois heures les premiers coups de canon furent échangés entre les bombardes napolitaines et les batteries du port; les cris de quatre cent mille âmes, répandues depuis Margellina jusqu'à Portici, leur répondirent.

      En effet, c'était un merveilleux spectacle que le nouveau roi donnait à sa nouvelle capitale: lui-même, avec une longue-vue, se tenait sur la terrasse du palais. Des embarcations on voyait toute cette foule étagée aux différents gradins de l'immense cirque dont la mer était l'arène. César, Auguste, Néron n'avaient donné à leurs sujets que des chasses, des luttes de gladiateurs ou des naumachies; Murat donnait aux siens une véritable bataille.

      La mer était redevenue tranquille comme un lac. Lamarque laissa ses bombardes et ses chaloupes canonnières aux prises avec les batteries du fort, et avec ses embarcations de soldats il longea l'île: partout des rochers à pic baignaient dans l'eau leurs murailles gigantesques; nulle part un point où aborder. La flottille fit le tour de l'île sans reconnaître un endroit où mettre le pied. Un corps de douze cents Anglais, suivant des yeux tous ses mouvements, faisait le tour en même temps qu'elle.

      Un moment on crut que tout était fini et qu'il faudrait retourner à Naples sans rien entreprendre. Les soldats offraient d'attaquer le fort; mais Lamarque secoua la tête: c'était une tentative insensée. En conséquence, il donna l'ordre de faire une seconde fois le tour de l'île, pour voir si l'on ne trouverait pas quelque point abordable, et qui eût échappé au premier regard.

      Il y avait dans un rentrant, au pied du fort Sainte-Barbe, un endroit où le rempart granitique n'avait que quarante à quarante-cinq pieds d'élévation. Au-dessus de cette muraille, lisse comme un marbre poli, s'étendait un talus si rapide, qu'à la première vue, on n'eût certes pas cru que des hommes pussent l'escalader. Au-dessus de ce talus, à cinq cents pieds du roc, était une espèce de ravin, et douze cents pieds plus haut encore, le fort Sainte-Barbe, dont les batteries battaient le talus en passant par-dessus le ravin dans lequel les boulets ne pouvaient plonger.

      Lamarque s'arrêta en face du rentrant, appela à lui l'adjudant général Thomas et le chef d'escadron Livron. Tous trois tinrent conseil un instant; puis ils demandèrent les échelles.

      On dressa la première échelle contre le rocher: elle atteignait à peine au tiers de sa hauteur; on ajouta une seconde échelle à la première, on l'assura avec des cordes, et on les dressa de nouveau toutes deux: il s'en fallait de douze ou quinze pieds, quoique réunies, qu'elles atteignissent le talus; on en ajouta une troisième; on l'assujettit aux deux autres avec la même précaution qu'on avait prise pour la seconde, puis on mesura de nouveau la hauteur: cette fois les derniers échelons touchaient à la crête de la muraille. Les Anglais regardaient faire tous ces préparatifs d'un air de stupéfaction qui indiquait clairement qu'une pareille tentative leur semblait insensée. Quant aux soldats, ils échangeaient entre eux un sourire qui signifiait: «Bon, il va faire chaud tout à l'heure.»

      Un soldat mit le pied sur l'échelle.

      «Tu es bien pressé!» lui dit le général Lamarque en le tirant en arrière, et il prit sa place. La flottille tout entière battit des mains. Le général Lamarque monta le premier, et tous ceux qui étaient dans la même embarcation le suivirent. Six hommes tenaient le pied de l'échelle, qui vacillait à chaque flot que la mer venait briser contre le roc. On eût dit un immense serpent qui dressait ses anneaux onduleux contre la muraille.

      Tant que ces étranges escaladeurs n'eurent point atteint le talus, ils se trouvèrent protégés contre le feu des Anglais par la régularité même de la muraille qu'ils gravissaient; mais à peine le général Lamarque eut-il atteint la crête du rocher, que la fusillade et le canon éclatèrent en même temps: sur les quinze premiers hommes qui abordèrent, dix retombèrent précipités. A ces quinze hommes, vingt autres succédèrent, suivis de quarante, suivis de cent. Les Anglais avaient bien fait un mouvement pour les repousser à la baïonnette, mais le talus que les assaillants gravissaient était si rapide qu'ils n'osèrent point s'y hasarder. Il en résulta que le général Lamarque et une centaine d'hommes, au milieu d'une pluie de mitraille et de balles, gagnèrent le ravin, et là, à l'abri comme derrière un épaulement, se formèrent en peloton. Alors les Anglais chargèrent sur eux pour les débusquer; mais ils furent reçus par une telle fusillade qu'ils se retirèrent en désordre. Pendant ce mouvement, l'ascension continuait, et cinq cents hommes à peu près avaient déjà pris terre.

      Il était quatre heures et demie du soir. Le général Lamarque ordonna de cesser l'ascension: il était assez fort pour se maintenir où il était; et effrayé du ravage que faisaient l'artillerie et la fusillade parmi ses hommes, il voulait attendre la nuit pour achever le périlleux débarquement. L'ordre fut porté par l'adjudant général Thomas, qui traversa une seconde fois le talus sous le feu de l'ennemi, gagna contre toute espérance l'échelle sans accident aucun, et redescendit vers la flottille, dont il prit le commandement, et qu'il mit à l'abri de tout péril dans la petite baie que formait le rentrant du rocher.

      Alors l'ennemi réunit tous ses efforts contre la petite troupe retranchée dans le ravin. Cinq fois, treize ou quatorze cents Anglais vinrent se briser contre Lamarque et ses cinq cents hommes. Sur ces entrefaites, la nuit arriva; c'était le moment convenu pour recommencer l'ascension. Cette fois, comme l'avait prévu le général Lamarque, elle s'opéra plus facilement que la première. Les Anglais continuaient bien de tirer, mais l'obscurité les empêchait de tirer avec la même justesse. Au grand étonnement des soldats, cette fois l'adjudant général Thomas monta le dernier; mais on ne tarda point à avoir l'explication de cette conduite: arrivé au sommet du rocher, il renversa l'échelle derrière lui: aussitôt les embarcations gagnèrent le large et reprirent la route de Naples. Lamarque, pour s'assurer la victoire, venait de s'enlever tout moyen de retraite.

      Les deux troupes se trouvaient en nombre égal, les assaillants ayant perdu trois cents hommes à peu près; aussi Lamarque n'hésita point, et mettant la petite armée en bataille dans le plus grand silence, il marcha droit à l'ennemi sans permettre qu'un seul coup de fusil répondît au feu des Anglais.

      Les deux troupes se heurtèrent, les baïonnettes se croisèrent, on se prit corps à corps; les canons du fort Sainte-Barbe s'éteignirent, car Français et Anglais étaient tellement

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