OEuvres complètes de Gustave Flaubert, tome 4. Gustave Flaubert
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«Nous verrons ensuite. Allez toujours. Ah! j’oubliais! Apportez-moi un saucisson! pas à l’ail!»
Et elle appelait le garçon «jeune homme», frappait son verre avec son couteau, jetait au plafond la mie de son pain. Elle voulut boire tout de suite du vin de Bourgogne.
«On n’en prend pas dès le commencement», dit Frédéric.
Cela se faisait quelquefois, suivant le vicomte.
«Eh non! jamais!
– Si fait, je vous assure!
– Ah! tu vois!»
Le regard dont elle accompagna cette phrase signifiait: «C’est un homme riche, celui-là, écoute-le.»
Cependant la porte s’ouvrait à chaque minute, les garçons glapissaient, et, sur un infernal piano, dans le cabinet à côté, quelqu’un tapait une valse. Puis les courses amenèrent à parler d’équitation et des deux systèmes rivaux. Cisy défendait Baucher, Frédéric le comte d’Aure, quand Rosanette haussa les épaules.
«Assez, mon Dieu! il s’y connaît mieux que toi, va!»
Elle mordait dans une grenade, le coude posé sur la table; les bougies du candélabre devant elle tremblaient au vent; cette lumière blanche pénétrait sa peau de tons nacrés, mettait du rose à ses paupières, faisait briller les globes de ses yeux; la rougeur du fruit se confondait avec la pourpre de ses lèvres, ses narines minces battaient; et toute sa personne avait quelque chose d’insolent, d’ivre et de noyé qui exaspérait Frédéric et pourtant lui jetait au cœur des désirs fous.
Puis, elle demanda, d’une voix calme, à qui appartenait ce grand landau avec une livrée marron.
«A la comtesse Dambreuse, répliqua Cisy.
– Ils sont très riches, n’est-ce pas?
– Oh! très riches! bien que Mme Dambreuse, qui est tout simplement une demoiselle Boutron, la fille d’un préfet, ait une fortune médiocre.»
Son mari, au contraire, devait recueillir plusieurs héritages; Cisy les énuméra: fréquentant les Dambreuse, il savait leur histoire.
Frédéric, pour lui être désagréable, s’entêta à le contredire. Il soutint que Mme Dambreuse s’appelait de Boutron, certifia sa noblesse.
«N’importe! je voudrais bien avoir son équipage!» dit la Maréchale, en se renversant sur le fauteuil.
Et la manche de sa robe, glissant un peu, découvrit, à son poignet gauche, un bracelet orné de trois opales.
Frédéric l’aperçut.
«Tiens! mais…»
Ils se considérèrent tous les trois et rougirent.
La porte s’entre-bâilla discrètement, le bord d’un chapeau parut, puis le profil d’Hussonnet.
«Excusez, si je vous dérange, les amoureux!»
Mais il s’arrêta, étonné de voir Cisy et de ce que Cisy avait pris sa place.
On apporta un autre couvert; et, comme il avait grand’faim, il empoignait au hasard, parmi les restes du dîner, de la viande dans un plat, un fruit dans une corbeille, buvait d’une main, se servait de l’autre, tout en racontant sa mission. Les deux toutous étaient reconduits. Rien de neuf au domicile. Il avait trouvé la cuisinière avec un soldat, histoire fausse uniquement inventée pour produire de l’effet.
La Maréchale décrocha de la patère sa capote. Frédéric se précipita sur la sonnette en criant de loin au garçon:
«Une voiture!
– J’ai la mienne, dit le vicomte.
– Mais, monsieur!
– Cependant, monsieur!»
Et ils se regardaient dans les prunelles, pâles tous les deux et les mains tremblantes.
Enfin, la Maréchale prit le bras de Cisy, et, en montrant le bohème attablé:
«Soignez-le donc! il s’étouffe. Je ne voudrais pas que son dévouement pour mes roquets le fît mourir!»
La porte retomba.
«Eh bien? dit Hussonnet.
– Eh bien, quoi?
– Je croyais…
– Qu’est-ce que vous croyiez?
– Est-ce que vous ne…»
Il compléta sa phrase par un geste.
«Eh non! jamais de la vie!»
Hussonnet n’insista pas davantage.
Il avait eu un but en s’invitant à dîner. Son journal, qui ne s’appelait plus l’Art, mais le Flambard, avec cette épigraphe: «Canonniers, à vos pièces!» ne prospérant nullement, il avait envie de le transformer en une revue hebdomadaire, seul, sans le secours de Deslauriers. Il reparla de l’ancien projet et exposa son plan nouveau.
Frédéric, ne comprenant pas sans doute, répondit par des choses vagues. Hussonnet empoigna plusieurs cigares sur la table, dit: «Adieu, mon bon», et disparut.
Frédéric demanda la note. Elle était longue; et le garçon, la serviette sous le bras, attendait son argent, quand un autre, un individu blafard qui ressemblait à Martinon, vint lui dire:
«Faites excuse, on a oublié au comptoir de porter le fiacre.
– Quel fiacre?
– Celui que ce monsieur a pris tantôt pour les petits chiens.»
Et la figure du garçon s’allongea, comme s’il eût plaint le pauvre jeune homme. Frédéric eut envie de le gifler. Il donna de pourboire les vingt francs qu’on lui rendait.
«Merci, monseigneur!» dit l’homme à la serviette, avec un grand salut.
Frédéric passa la journée du lendemain à ruminer sa colère et son humiliation. Il se reprochait de n’avoir pas souffleté Cisy. Quant à la Maréchale, il se jura de ne plus la revoir; d’autres aussi belles ne manquaient pas; et, puisqu’il fallait de l’argent pour posséder ces femmes-là, il jouerait à la Bourse le prix de sa ferme, il serait riche, il écraserait de son luxe la Maréchale et tout le monde. Le soir venu, il s’étonna de n’avoir pas songé à Mme Arnoux.
«Tant mieux! à quoi bon?»
Le surlendemain, dès huit heures, Pellerin vint lui faire visite. Il commença par des admirations sur le mobilier, des cajoleries. Puis, brusquement:
«Vous étiez aux courses dimanche?
– Oui, hélas!»
Alors le peintre déclama contre l’anatomie