OEuvres complètes de Gustave Flaubert, tome 4. Gustave Flaubert

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OEuvres complètes de Gustave Flaubert, tome 4 - Gustave Flaubert

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devient-elle, cette brave Rose?.. a-t-elle toujours d’aussi jolies jambes? prouvant par ce mot qu’il la connaissait intimement.

      Frédéric fut contrarié de la découverte.

      «Il n’y a pas de quoi rougir, reprit le baron; c’est une bonne affaire!»

      Cisy claqua de la langue.

      «Peuh! pas si bonne!

      – Ah!»

      – Mon Dieu, oui! D’abord, moi, je ne lui trouve rien d’extraordinaire, et puis on en récolte de pareilles tant qu’on veut, car enfin… elle est à vendre!»

      «Pas pour tout le monde! reprit aigrement Frédéric.

      – Il se croit différent des autres! répliqua Cisy, quelle farce!»

      Et un rire parcourut la table.

      Frédéric sentait les battements de son cœur l’étouffer. Il avala deux verres d’eau coup sur coup.

      Mais le baron avait gardé bon souvenir de Rosanette.

      «Est-ce qu’elle est toujours avec un certain Arnoux?

      – Je n’en sais rien, dit Cisy. Je ne connais pas ce monsieur!»

      Il avança néanmoins que c’était une manière d’escroc.

      «Un moment! s’écria Frédéric.

      – Cependant la chose est certaine! Il a même eu un procès.

      – Ce n’est pas vrai!»

      Frédéric se mit à défendre Arnoux. Il garantissait sa probité, finissait par y croire, inventait des chiffres, des preuves. Le vicomte, plein de rancune, et qui était gris d’ailleurs, s’entêta dans ses assertions, si bien que Frédéric lui dit gravement:

      «Est-ce pour m’offenser, monsieur?»

      Et il le regardait avec des prunelles ardentes comme son cigare.

      «Oh! pas du tout! je vous accorde même qu’il a quelque chose de très bien: sa femme.

      – Vous la connaissez?»

      – Parbleu! Sophie Arnoux, tout le monde connaît ça!

      – Vous dites!»

      Cisy, qui s’était levé, répéta en balbutiant:

      – Tout le monde connaît ça!

      – Taisez-vous! Ce ne sont pas celles-là que vous fréquentez!

      – Je m’en flatte!»

      Frédéric lui lança son assiette au visage.

      Elle passa comme un éclair par-dessus la table, renversa deux bouteilles, démolit un compotier, et, se brisant contre le surtout en trois morceaux, frappa le ventre du vicomte.

      Tous se levèrent pour le retenir. Il se débattait en criant, pris d’une sorte de frénésie; M. des Aulnays répétait:

      «Calmez-vous! voyons! cher enfant!

      – Mais c’est épouvantable!» vociférait le précepteur.

      Forchambeaux, livide comme les prunes, tremblait; Joseph riait aux éclats; les garçons épongeaient le vin, ramassaient par terre les débris; et le baron alla fermer la fenêtre, car le tapage, malgré le bruit des voitures, aurait pu s’entendre du boulevard.

      Comme tout le monde, au moment où l’assiette avait été lancée, parlait à la fois, il fut impossible de découvrir la raison de cette offense, si c’était à cause d’Arnoux, de Mme Arnoux, de Rosanette ou d’un autre. Ce qu’il y avait de certain, c’était la brutalité inqualifiable de Frédéric; il se refusa positivement à en témoigner le moindre regret.

      M. des Aulnays tâcha de l’adoucir, le cousin Joseph, le précepteur, Forchambeaux lui-même. Le baron, pendant ce temps-là, réconfortait Cisy, qui, cédant à une faiblesse nerveuse, versait des larmes. Frédéric, au contraire, s’irritait de plus en plus; et l’on serait resté là jusqu’au jour si le baron n’avait dit pour en finir:

      «Le vicomte, monsieur, enverra demain chez vous ses témoins.

      – Votre heure?

      – A midi, s’il vous plaît.

      – Parfaitement, monsieur.»

      Frédéric, une fois dehors, respira à pleins poumons. Depuis trop longtemps, il contenait son cœur. Il venait de le satisfaire enfin; il éprouvait comme un orgueil de virilité, une surabondance de forces intimes qui l’enivraient. Il avait besoin de deux témoins. Le premier auquel il songea fut Regimbart, et il se dirigea tout de suite vers un estaminet de la rue Saint-Denis. La devanture était close. Mais de la lumière brillait à un carreau, au-dessus de la porte. Elle s’ouvrit, et il entra, en se courbant très bas sous l’auvent.

      Une chandelle, au bord du comptoir, éclairait la salle déserte. Tous les tabourets, les pieds en l’air, étaient posés sur les tables. Le maître et la maîtresse avec leur garçon soupaient dans l’angle près de la cuisine; – et Regimbart, le chapeau sur la tête, partageait leur repas, et même gênait le garçon, qui était contraint à chaque bouchée de se tourner de côté quelque peu. Frédéric, lui ayant conté la chose brièvement, réclama son assistance. Le citoyen commença par ne rien répondre; il roulait des yeux, avait l’air de réfléchir, fit plusieurs tours dans la salle et dit enfin:

      «Oui, volontiers!»

      Et un sourire homicide le dérida, en apprenant que l’adversaire était un noble.

      «Nous le ferons marcher tambour battant, soyez tranquille! D’abord… avec l’épée…

      – Mais peut-être, objecta Frédéric, que je n’ai pas le droit…

      – Je vous dis qu’il faut prendre l’épée! répliqua brutalement le citoyen. Savez-vous tirer?

      – Un peu!

      – Ah! un peu! voilà comme ils sont tous! Et ils ont la rage de faire assaut! Qu’est-ce que ça prouve, la salle d’armes! Écoutez-moi: tenez-vous bien à distance en vous enfermant toujours dans des cercles, et rompez! rompez! C’est permis. Fatiguez-le! Puis fendez-vous dessus franchement! Et surtout pas de malice, pas de coups à la La Fougère! non! de simples une-deux, des dégagements. Tenez, voyez-vous? en tournant le poignet comme pour ouvrir une serrure. – Père Vauthier, donnez-moi votre canne! Ah! cela suffit.»

      Il empoigna la baguette qui servait à allumer le gaz, arrondit le bras gauche, plia le droit et se mit à pousser des bottes contre la cloison. Il frappait du pied, s’animait, feignait même de rencontrer des difficultés, tout en criant: «Y es-tu, là? y es-tu?» et sa silhouette énorme se projetait sur la muraille, avec son chapeau qui semblait toucher au plafond. Le limonadier disait de temps en temps: «Bravo! très bien!» Son épouse également l’admirait, quoique émue; et Théodore, un ancien soldat, en restait cloué d’ébahissement, étant, du reste, fanatique de M. Regimbart.

      Le lendemain, de bonne

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