Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин

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notre voyage. Cet aveu n’était ni prémédité, ni prévu d’avance ; il échappa à un cœur trop plein de sa passion pour pouvoir la dissimuler. De mon côté, comme vous pouvez le croire, je ne parlais toujours que de mon pauvre enfant que je voyais sans espérance. Il ne pouvait me cacher son inquiétude qui, je le vis bien, égalait la mienne. Je le lui dis ; et pensant que la simple amitié ne pouvait pas faire naître une aussi vive sympathie, je prononçai le mol amour. Quand vous auriez, lui dis-je, l’amour le plus passionné pour ma pauvre fille, vous ne seriez pas plus affligé. Alors, Elinor, il ne put se contenir, et me fit connaître en entier son sentiment pour Maria, si tendre, si vif, si constant. Il l’a aimée, mon Elinor, dès le premier instant où il l’a vue. Oh ! si vous l’aviez entendu me peindre la force de cette impression, vous en auriez aussi été touchée !

      Elinor sourit encore en baisant la main de sa mère ; elle ne reconnaissait dans cette description romanesque de l’amour du colonel, ni son langage, ni sa manière, mais bien les embellissemens de l’active imagination de madame Dashwood, qui colorait tous les objets pour elle. Son attachement pour Maria, continua-t-elle, surpasse infiniment tout ce que jamais Willoughby a senti ou feint de sentir : il est plus ardent, plus sincère, plus constant ; il a subsisté dans toute sa force, malgré la malheureuse passion de Maria pour cet indigne jeune homme, sans le moindre égoïsme, sans le moindre espoir. Tous les désirs du colonel se bornaient à la voir heureuse, même avec un autre. Que de noblesse ! que de délicatesse ! que de sincérité ! Ah ! non, lui n’est pas un trompeur : ses paroles sont la vérité même.

      — Le caractère du colonel Brandon, dit Elinor, est généralement connu et estimé ; c’est un excellent homme.

      — Je le sais, reprit madame Dashwood, très-sérieusement, et cela m’aurait suffi pour encourager son affection, pour en être charmée. Mais ce qu’il vient de faire, cet empressement de venir me chercher, l’amitié qu’il m’a témoignée, la confiance qu’il a eue en moi, sont assez pour me prouver qu’il est le meilleur des hommes.

      — Ce n’est pas seulement, chère maman, cet acte de bonté, où la simple humanité et son attachement pour Maria devaient le porter naturellement, qui doit décider de son caractère ; mais ses anciens amis, madame Jennings, les Middleton, les Palmer l’aiment et le respectent également ; et moi-même, quoique je le connaisse depuis moins de temps, j’ai une si haute opinion de lui, que si Maria peut être heureuse avec lui, je pense comme vous que ce serait le plus grand des bonheurs pour nous. Quelle réponse avez-vous faite ? Lui avez-vous donné quelque espoir ?

      — Oh ! ma chère enfant ! Je ne pouvais pas alors prononcer ce mot ; je croyais Maria mourante. Lui-même n’osait demander ni espoir, ni encouragement. Ce n’était pas une demande de ma fille, mais une confidence involontaire, une effusion de douleur et de sympathie. Nous pleurâmes ensemble : je lui dis que son sentiment ajouterait à mon malheur, si j’étais destinée à celui de perdre ma fille ; que je la regretterais pour lui et pour moi. Je ne savais d’abord ce que je disais ; tant d’affliction ! tant de surprise ! J’étais tout-à fait troublée ; mais après quelque temps je lui dis que si Maria vivait, ce que j’osais encore espérer, le plus grand bonheur de ma vie serait de la lui donner ; et depuis notre arrivée, depuis que nous avons repris une délicieuse sécurité, je l’ai répété plus clairement, et je lui ai donné tous les encouragemens qui étaient en mon pouvoir. Le temps, et il ne sera pas long, ai-je dit, amènera tout à bien. Le cœur de Maria ne peut pas appartenir long-temps à un homme tel que Willoughby ; et votre propre mérite doit vous rassurer.

      — Assurément il doit être tranquille sur vos intentions, dit Elinor ; mais cependant il ne me paraît pas content comme il devrait l’être.

      — Non !… Il est si modeste ; il a tant de défiance de lui-même ! reprit madame Dashwood. Il croit que Maria est engagée trop profondement pour retrouver, de bien long-temps, la liberté de faire un autre choix, et même, dans ce cas, il ne peut s’imaginer que ce serait lui. Il parle de la différence de leurs âges et de leurs dispositions. Mais il se trompe tout-à-fait. Son âge est précisément celui qui convient à un mari qui doit être le guide et le protecteur de sa compagne. Son caractère, ses principes sont fixés ; il n’y a aucun changement à craindre, et quant à ses dispositions, elles sont précisément celles qui-peuvent rendre votre sœur heureuse. Il calmera son imagination, quelquefois trop ardente ; il rétablira la paix dans son cœur. Ses manières, sa personne, tout est en sa faveur. Ma partialité pour lui ne m’aveugle point. Il n’est certainement pas aussi beau que Willoughby ; mais, à mon avis, il a quelque chose de plus agréable, de plus franc, de plus mâle. Ne vous rappelez-vous pas qu’il y avait quelque chose dans les jeux de Willoughby que je n’aimais point ?

      Elinor ne put se le rappeler. Mme Dashwood oubliait qu’elle avait dit souvent devant Maria, que Willoughby avait dans le regard quelque chose d’irrésistible. Elle ne le dit pas à sa mère, qui continua : et, quant à ses manières, vous ne me nierez pas, Elinor, qu’elles ne soient beaucoup plus faites pour attacher Maria. Cette simplicité naturelle, ce fonds de bonnes études, et même cette espèce de mélancolie dans ses propos, dans son attitude, s’accordent beaucoup mieux avec les dispositions réelles de votre sœur, que la vivacité, la gaieté souvent assez mal placée de Willoughby. Je suis persuadée à présent que si Willoughby avait été constant et qu’il eût épousé Maria elle n’aurait jamais été aussi heureuse avec lui qu’avec le colonel Brandon. Elle s’arrêta. Elinor ne voulut pas convenir avec elle de ce dernier point, pas du moins en entier ; il lui semblait que le cœur de Maria avait besoin d’amour ; mais madame Dashwood s’abandonnait toujours à ses nouvelles espérances. Le colonel était son héros du moment, et elle assura à sa fille que, feu son cher Henri excepté, elle n’avait jamais vu d’homme plus à son gré.

      Delafort, dit-elle, n’est pas à une très-grande distance de Barton, supposé que nous y restions ; mais vraisemblablement nous serons plus près encore de notre Maria. On dit que c’est un grand village ; il se trouvera facilement quelque jolie petite maison près du château, qui convienne tout aussi bien à notre situation.

      Pauvre Elinor ! voilà donc un nouveau plan pour la mener à Delafort, à côté d’Edward et de Lucy. Elle soupira profondément et garda le silence.

      — Quant à la fortune aussi, continua Mme Dashwood, sans faire attention au soupir de sa fille aînée, et ne songeant qu’à son projet de mariage pour sa favorite, à mon âge on y pense un peu ; et quoique je ne connaisse pas exactement celle du colonel, je crois qu’elle est très-honnête.

      Ici elles furent interrompues par madame Jennings qui, de son côté, pensait sans le dire, que le colonel ne tarderait pas à épouser Elinor. Cette dernière se retira, alla rêver au bon succès de son ami auprès de sa mère, ne pouvant cependant s’empêcher de regretter et de plaindre Willoughby.

      CHAPITRE XLVIII.

       Table des matières

      La maladie de Maria, quoique très-violente, n’avait pas été assez longue pour retarder sa convalescence. Sa jeunesse, sa force naturelle et la présence de sa mère la rendirent bientôt capable d’être levée chaque jour plus long-temps ; et le cinquième, depuis l’arrivée de madame Dashwood, elle se sentit la force de descendre au salon, appuyée sur sa bonne sœur. Il lui tardait, dit-elle, de revoir le colonel et de le remercier d’avoir été chercher sa mère. Dès qu’elle fut établie dans un bon fauteuil, on le fit demander. Le cœur de la maman nageait dans la joie.

      L’émotion du colonel lorsqu’il entra fut très-visible. Il s’approcha d’elle, et en la voyant pâle, abattue, les yeux languissans, sa physionomie s’altéra au point

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