Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин

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Maria était restée trois ou quatre jours à la maison, le temps n’étant pas assez beau pour une convalescente. Mais enfin, un matin, la température était si douce, si agréable qu’elle fut tentée d’en profiter et que madame Dashwood consentit à la laisser se promener, appuyée sur le bras de sa sœur, dans la prairie devant la maison, aussi long-temps qu’elle ne serait pas fatiguée. Les deux sœurs sortirent ensemble, marchant doucement, s’arrêtant quelquefois, et s’avancèrent assez loin pour voir en plein la colline qui dominait la chaumière de l’autre côté. Elles firent une pause. Maria regardait sa sœur en silence ; enfin elle dit, d’un ton assez calme, en étendant la main : C’est là, exactement là ; je reconnais la place. Voyez là où la pente est plus rapide ; c’est l’endroit où je tombai, et où je vis Willoughby pour la première fois. — Sa voix faiblit un peu à cette dernière phrase ; mais ; bientôt elle se remit, et elle ajouta : Je suis charmée de sentir que je puis regarder cette place sans trop de peine… Pouvons-nous causer tranquillement sur ce sujet, chère Elinor ? ou bien, dit-elle en hésitant, vaut-il mieux ne nous en point occuper ? J’espère cependant que je puis à présent en parler comme je le dois.

      Elinor l’invita tendrement à lui ouvrir son cœur.

      — Je puis déjà vous assurer, dit-elle, que je n’ai plus nul regret pour ce qui le concerne. Je ne veux pas vous parler de mes sentimens passés, mais de mes sentimens actuels. À présent je vous jure, Elinor, que si je pouvais être satisfaite sur un seul point, je serais complètement tranquille. Ah ! s’il pouvait m’être accordé de croire qu’il m’a aimée une fois, qu’il ne m’a pas toujours trompée ! mais par-dessus tout, si je pouvais être assurée qu’il n’est pas aussi vicieux que je l’ai imaginé depuis l’histoire de cette infortunée jeune fille, et qu’il faudrait le croire pour que je dusse penser que c’était le sort qu’il me destinait ! Ah ! cette idée est cruelle, affreuse, et troublera toujours ma tranquillité.

      Elinor recueillait toutes les paroles de sa sœur dans son cœur, et lui répondit : Si vous étiez donc convaincue qu’il n’a jamais eu sur vous de projets coupables et qu’il vous a vraiment aimée, vous seriez contente et tout-à-fait à votre aise ?

      — Oui, oui, je vous le jure, et j’en suis sûre. Ma paix y est doublement intéressée ; car non seulement il est horrible de suspecter d’un tel dessein une personne qu’on a aussi passionnément aimée ; mais ce dessein me fait honte à moi-même. Je lui ai montré mon attachement avec tant de confiance et si peu de retenue, qu’il a pu peut-être en conclure qu’il trouverait peu de difficultés ; cependant je n’ai pas, à cet égard, à me plaindre de lui. Mais qui sait où pouvait m’entraîner une affection si vive pour un homme sans principes, qui regarde comme un jeu la perte d’une jeune personne ? Oh ! si je pouvais croire qu’il m’a mieux jugée !

      — Et comment alors, dit Elinor, expliqueriez-vous sa conduite ?

      — Je voudrais pouvoir supposer… Oh ! comme je serais heureuse si je pouvais seulement le croire inconstant, très-inconstant et rien de plus !

      Elinor ne répondit pas ; elle débattait en elle-même s’il valait mieux commencer tout de suite l’histoire de la visite de Willoughby, ou différer encore. Elles restèrent quelques minutes en silence.

      — Je crois me venger assez de lui, reprit Maria en soupirant, quand je souhaite que ses réflexions secrètes soient aussi pénibles que les miennes ; il en souffrirait assez pour l’amener peut-être au repentir.

      — Comparez-vous votre conduite avec la sienne ?

      — Non, je la compare à ce qu’elle aurait dû être, à la vôtre, Elinor.

      — À la mienne ! vous avez tort ; nos situations ont si peu de ressemblance.

      — Elles en ont plus que notre conduite. Ne permettez pas à votre bonté, ma chère Elinor, à votre indulgence pour moi, de défendre ce que votre jugement doit blâmer. Ma maladie m’a fait beaucoup de bien, elle m’a donné du loisir et du calme pour de sérieuses réflexions. Long-temps avant que j’eusse la force de parler j’étais capable de réfléchir : j’ai considéré tout le passé ; je n’ai vu dans ma propre conduite, depuis le premier instant de ma connaissance avec lui, l’automne dernière, rien autre chose qu’une suite d’imprudences envers moi-même, et de manques d’égards et de bonté envers les autres ; j’ai vu que mes propres sentimens avaient préparé mes souffrances, et que mon peu de courage pour les supporter m’avait conduite au bord du tombeau. Ma maladie, je le sais bien, a été entièrement causée par ma négligence sur ma santé, que je sentais s’altérer avec plaisir. Une légère circonstance, indépendante de moi, en a peut-être hâté le moment ; mais j’étais déjà très-malade, et je faisais tout ce que je pouvais pour aggraver mon mal : si j’étais morte, c’eût été par un véritable suicide. Je n’ai connu mon danger que lorsqu’il a été passé. Mais avec les pénibles remords que mes réflexions m’ont donnés, je m’étonne de mon rétablissement, je m’étonne que la vivacité de mon désir de vivre pour expier mes torts envers Dieu et envers vous toutes ne m’ait pas tuée. Si j’étais morte, dans quelle douleur vous aurais-je laissée, vous ma sœur, mon amie, ma fidèle et bonne garde, qui étiez en quelque sorte responsable de ma vie à notre mère ; vous qui aviez vu le chagrin, le désespoir des derniers temps de mon existence, et tous les coupables murmures de mon cœur, la détruire peu à peu ! Comment aurais-je occupé votre souvenir ! Quels sentimens cruels, amers, auriez-vous eus toute votre vie en vous rappelant votre pauvre Maria ! Et notre bonne maman que vous auriez eu la pénible tâche de consoler, sans pouvoir peut-être y réussir ! Ah ! combien j’avais été coupable en désirant, en provoquant la fin de ma vie ! Combien je m’abhorrais moi-même ! Quand je regarde ma conduite passée, je n’y vois que des devoirs négligés, des faiblesses et des torts. Chacune de mes connaissances était en droit de se plaindre de moi. La continuelle bonté de l’excellente madame Jennings, je l’ai payée d’un ingrat mépris, d’une négligence impardonnable ; avec les Middleton, les Palmer, même les Stéeles, j’ai été insolente et souvent injuste ; et ce digne colonel Brandon ! combien n’ai-je pas de reproches plus cruels encore à me faire ? Je m’endurcissais le cœur contre toutes nos connaissances ; je m’irritais, moi-même de leurs attentions ; je leur cherchais des défauts, des ridicules. Avec John, avec Fanny même, quelle qu’ait été leur conduite, je n’ai pas été comme j’aurais dû l’être avec le fils de mon père ; j’envenimais leurs torts au lieu de les pallier. Mais vous, mon Elinor, mon incomparable amie, mais ma mère, la meilleure des mères ! combien vous ai-je tourmentées de mes peines ! Moi qui connaissais votre cœur, votre attachement sans borne pour moi, qui devait me consoler de tout ; quelle influence a-t-il eue sur mes chagrins ? Aucune ; je m’y suis livrée tout entière, sans penser combien je vous affligeais inutilement, et sans le moindre avantage pour vous ou pour moi-même. Je me croyais bien sensible, et je n’étais qu’une égoïste. Votre exemple, Elinor, était devant moi ; l’impression qu’il me fit ne fut que momentanée ; et je me replongeai bientôt dans ma mélancolie, sans penser combien elle augmentait vos peines. Ai-je cherché à imiter votre courage, à diminuer votre pénible contrainte, en partageant tout ce que la complaisance ou la reconnaissance vous obligeait à faire, et dont je vous ai laissée entièrement chargée sans vous aider en rien ? Non, pas plus quand je vous ai sue aussi malheureuse que moi, que lorsque je vous croyais heureuse. J’ai rejeté loin de moi tout ce que le devoir et l’amitié me prescrivaient, accordant à peine qu’il pût exister d’autres chagrins que les miens, regrettant seulement celui qui m’avait abandonnée et trompée, qui avait médité ma perte, et vous laissant souffrir pour moi, sans m’en inquiéter, vous pour qui je professais une amitié si tendre, et qui m’en montriez une si dévouée,… Oh ! mon Elinor, votre cœur me pardonnera, je le sais ; mais le mien me reprochera toute ma vie une conduite aussi condamnable.

      Ses

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