Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин

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l’avait vue pâlir, eut encore l’effroi de l’état de Maria, et ne savait à laquelle de ses filles aller. Maria cependant demandait des secours plus pressans. La tremblante Elinor se leva pour les donner, mais elle fut obligée de se rasseoir. Thomas sonna la femme de chambre, qui, avec l’aide de madame Dashwood et d’Emma, conduisit Maria dans sa chambre. Elle fut bientôt mieux ; et sa mère la laissant aux soins d’Emma, revint auprès d’Elinor. Quoique très-troublée encore, cette dernière avait repris un peu de son courage et commençait à questionner Thomas. Sa mère s’en chargea pour elle ; et elle en fut bien aise : sa voix n’était pas encore très-rassurée.

      — Qui vous a dit que M. Ferrars était marié, Thomas ? demanda madame Dashwood.

      — J’ai vu M. Ferrars moi-même, madame, ce matin à Exceter et sa dame aussi ; ils étaient ensemble dans une chaise de poste arrêtée devant la nouvelle auberge de Londres. J’étais allé là pour faire un message de Sally à son frère, qui est un des postillons. Je regardai par hasard dans cette chaise et je reconnus à l’instant mademoiselle Lucy Stéeles. Elle me regardait aussi : j’ôtai bien vite mon chapeau. Elle m’a reconnu et m’a appelé, et s’est informée de vous, madame, et de vos jeunes demoiselles, principalement de mademoiselle Maria. Elle m’a chargé de vous faire ses complimens à toutes les trois et ceux de M. Ferrars, et de vous dire combien ils étaient fâchés de n’avoir pas le temps de vous voir, mais qu’ils étaient très-pressés d’aller plus loin…je ne sais où…… qu’ils y resteraient quelque temps ; mais qu’à leur retour ils viendraient bien sûrement vous visiter.

      — Mais vous a-t-elle dit qu’elle était mariée, Thomas ?

      — Oui, madame ; et comme je la nommais miss Stéeles, elle sourit et me dit qu’elle avait changé de nom depuis que je ne l’avais vue. Madame sait bien comme elle est toujours affable, celle jeune dame, comme elle parle à tout le monde, même aux domestiques ! Elle n’est pas fière du tout, quoiqu’elle soit très-belle, et pas plus depuis qu’elle est madame Ferrars que lorsqu’elle était miss Stéeles.

      — Et son mari était dans la chaise avec elle, dites-vous ?

      — Oui, madame, je l’ai vu appuyé comme cela sur la portière ; mais il ne m’a rien dit. Il n’est pas comme sa femme ; il n’aime pas à causer, comme madame sait.

      Le cœur d’Elinor pouvait aisément comprendre qu’Edward n’eût rien à dire à Thomas ; et madame Dashwood donna la même explication à son silence.

      — Est-ce qu’il n’y avait personne autre dans la chaise ?

      — Non, madame ; seulement eux deux.

      — Savez-vous d’où ils venaient ?

      — Ils venaient de Londres, à ce que miss Lucy… madame Ferrars, veux je dire, m’a fait l’honneur de m’apprendre. Elle m’a dit aussi où ils allaient ; mais je ne puis me le rappeler… à… à… ; ce nom m’est échappé. Mais ils n’y resteront pas long-temps. Elle m’a bien promis… m’a ordonné de vous promettre de sa part, et de celle de son mari ; qu’ils vous verraient bientôt.

      Madame Dashwood regarda sa fille avec anxiété ; elle l’a trouva plus calme qu’elle ne l’espérait. Elinor souriait, mais avec un peu d’amertume ; elle reconnut Lucy toute entière à ce message, car elle était bien sûre qu’Edward ne pouvait désirer de la voir. Ils vont sans doute chez leur oncle Pratt, près de Plymouth, dit-elle à voix basse à sa mère, et bien sûrement ils ne viendront point ici.

      Thomas semblait avoir tout dit, et cependant Elinor avait l’air de désirer encore quelque chose. Le cœur de madame Dashwood la devina.

      — Les avez-vous vus partir ? demanda-telle encore.

      — Non, madame ; j’ai seulement vu arriver les chevaux de poste ; mais je craignais d’arriver trop tard pour servir à table, et je ne me suis pas arrêté plus long-temps.

      — M. Ferrars avait-il l’air bien portant ?

      — Oui, madame, comme à l’ordinaire. Je ne l’ai pas, il est vrai, beaucoup regardé ; mais madame Ferrars est à merveille ; c’est une très-jeune et très-belle dame ! Elle avait un chapeau noir tout garni de plumes, et un bel habit de voyage qui lui allait très-bien. Ah ! qu’elle a l’air heureux et content d’être mariée celle-là !

      Madame Dashwood ne demanda plus rien. Thomas avait desservi la table. Maria avait fait dire qu’elle ne voulait plus rien. Elinor n’avait pas plus d’envie de manger ; et le dîner retourna à l’office sans qu’on y eût touché. Emma elle-même, malgré l’appétit de quatorze ans, était trop inquiète de ses sœurs pour s’occuper du dîner. Elle aimait tendrement Maria, et préféra rester auprès d’elle. Madame Dashwood leur envoya un peu de dessert et de vin, et resta seule avec Elinor. Elles furent assez long-temps en silence, occupées des mêmes pensées. Madame Dashwood craignait de hasarder une remarque, ou d’offrir une consolation. Malgré l’empire que sa fille aînée avait sur elle-même, et qu’elle tâchait d’exercer dans ce moment autant qu’il lui était possible, il était facile à sa mère de s’apercevoir qu’elle souffrait beaucoup. Elle vit alors que cette intéressante jeune personne s’était efforcée, en parlant de son chagrin, d’en adoucir l’impression pour ne pas ajouter à celui de sa mère ; elle vit que sa raison et son courage n’altéraient en rien sa sensibilité, et qu’elle avait été dans l’erreur, en pensant que sa fille aînée n’avait pas regretté Edward autant pour le moins que Maria avait regretté Willoughby, et avec de plus justes motifs. Elle se reprochait de s’être laissé dominer entièrement par le malheur de l’une de ses filles, et d’avoir été injuste, inattentive, et presque dure pour l’autre, qui cachait mieux son affliction. Elle aurait voulu réparer ses torts, mais elle craignait de l’attendrir encore davantage. Enfin elles se regardèrent, tombèrent dans les bras l’une de l’autre, et leurs larmes se confondirent.

      — Bonne maman ! dit Elinor, dès qu’elle put parler, vos filles ne sont pas heureuses par l’amour ; mais on ne peut avoir tous les bonheurs ; et l’amour filial et l’amour maternel ne sont-ils pas les plus grands de tous les bonheurs de la vie ?

      CHAPITRE L.

       Table des matières

      Elinor éprouva bientôt la différence qu’il y a entre l’attente d’un fâcheux événement, et la certitude ; elle s’avoua qu’en dépit de sa raison elle avait toujours admis un léger espoir, tant qu’Edward ne serait pas marié, qu’il arriverait quelque chose qui romprait son mariage avec Lucy, soit des réflexions sur le caractère de cette jeune personne, soit la médiation de quelques amis, soit quelque établissement plus avantageux pour Lucy… Mais actuellement tout était fini ; ils étaient mariés, et elle condamna son propre cœur de cette flatterie cachée qui augmentait encore sa peine. Jamais elle n’avait mieux senti combien Edward lui était cher, qu’au moment où elle devait y renoncer pour toujours. Dans les commencemens de son inclination pour lui, elle s’y abandonna sans crainte ; il ne lui vint pas alors dans l’esprit qu’il y eût des obstacles à un mariage entre elle et le frère de sa belle-sœur. Quand ensuite cette dernière le lui fit sentir, il était déjà trop tard pour en revenir à l’indifférence pour un homme qui lui convenait sous tous les rapports. D’ailleurs cet homme serait libre un jour de se marier à son gré, et dans chaque occasion il déclarait positivement que c’était la seule chose sur laquelle il ne prendrait de conseil de personne que de son propre cœur. Elinor sentait dans sa conscience

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