La Cité Ravagée. Scott Kaelen

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La Cité Ravagée - Scott Kaelen

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porta son attention vers la herse abaissée dont les pointes étaient plantées dans la poussière entre les dalles fendillées. Les barres de fer rouillées étaient chacune aussi épaisse que son poignet. Il avança pour jeter un œil au travers et regarda au-delà, bouche bée.

      "Le mot mort prend tout son sens..." murmura-t-il.

      Jalis était à ses côtés. "Oh...," murmura-t-elle, puis elle recula d'un pas. "Eh bien, Orik. À toi l'honneur ?"

      Avec un sourire, il se débarrassa de son sac. Il en sortit un long rouleau de corde dont l’une des extrémités était attachée à un lourd grappin.

      "Reculez," dit-il. Il enroula la corde autour de son bras et s'avança vers le mur. Il bloqua l'extrémité libre de la corde sous son pied, jaugea la hauteur du rempart et fit osciller le crochet à l'autre extrémité de la corde. Puis, il lâcha la corde et le crochet s'éleva dans les airs, passa au-dessus, puis au-delà du mur et, dans un mouvement d'arc, redescendit et accrocha un rebord sur la passerelle qui longeait le haut du rempart. Il tira sur la corde pour tester l'ancrage du grappin puis il remit son sac à dos sur ses épaules.

      "Honneur aux dames ?" dit-il à Jalis.

      "Ah, merci, sios. Très aimable à toi." Elle empoigna la corde, s'élança avec agilité et commença à grimper.

      Oriken surveillait son ascension jusqu'à ce qu'elle ait atteint le sommet. Puis, il se tourna vers Dagra. "Après toi."

      Dagra ne dit pas un mot. Le visage crispé, il suivit le mur du regard. Il saisit son pendentif Avato et le pressa contre ses lèvres avant d'empoigner la corde à son tour. Il commença à se hisser, ses bottes trouvant à s'agripper dans les irrégularités des pierres. Oriken l'entendait grogner sous l'effet de l'effort, puis Dagra parvint à se hisser jusqu'aux créneaux.

      Vers son sommet, le mur avait une légère inclinaison mais cela n'en facilitait pas moins son ascension. Avec ses longs membres et le poids de son bardas, les muscles des épaules d'Oriken étaient au supplice quand il atteignit enfin le sommet. De la sueur dégoulinait le long de son visage pendant qu'il se rétablissait à travers les créneaux. Sans observer de pause, il tira la corde et l'enroula sur elle-même.

      Dagra était accroupi près de lui, le regard troublé.

      "Eh," lui dit Oriken, "on finira ce travail. Nous sommes des sabreurs. C'est notre vocation."

      Après avoir rangé la corde et le crochet dans son sac, Oriken se redressa et, pour la première fois, il étudia le paysage des Jardins Funéraires et de la cité de Lachyla au-delà, puis il comprit pourquoi Dagra avait l'air préoccupé. Il se frotta la barbe tout en regardant les innombrables rangées de pierres tombales alignées dans le vaste périmètre du cimetière. Des vases d'argile fissurés étaient debout ou couchés près de leurs plaques funéraires. Des statues de pierre partiellement effondrées parsemaient le sinistre paysage, certaines avec leurs bras et leurs têtes rassemblées à leur pied. Les statues de bronze, érigées telles des sentinelles à côté de portes de cryptes sophistiquées, étaient plus rares. Des silhouettes d'arbres sans feuilles qui, à cette époque de l'année devaient être en pleine floraison, projetaient leurs ombres, telles des doigts s'agrippant au sol. Tout était recouvert du poids des siècles.

      "Tu as perdu ta langue ?" demanda Jalis.

      "Pour une fois, oui," avoua-t-il.

      Le terrain planté de tombes descendait puis remontait dans le lointain vers une muraille qui enfermait les morts dans un grand rectangle de pierre. Les remparts au loin paraissaient petits de là où ils se trouvaient, mais le large couloir central qui traversait le cimetière se déroulait jusqu'à une deuxième herse au milieu de la muraille.

      Le Litchgate, le Portail des Morts-Vivants. Oriken se rappela avoir entendu ce nom dans les contes.

      Aussi lugubres que les Jardins Funéraires puissent être, la cité au-delà était complètement différente. Des murs lourdement fortifiés ceignaient l'ensemble de la cité. Les bâtiments les plus proches étaient cachés derrière la muraille du cimetière mais, au fur et à mesure que le terrain remontait au-delà de la herse, on apercevait une artère principale qui se faufilait entre des rangées de constructions en dôme, obliques et crénelées, vers une sinistre forteresse. La masse du château dominait la cité, juché au sommet d'une basse colline comme une redoutable sentinelle, prête à bondir au moindre signe d'intrusion.

      "Et nous y voilà," murmura Oriken. "Bonjour, Château de Lachyla."

      "Pas le plus accueillant des endroits, hein ?" dit Jalis.

      "Difficile de croire que ça ne fait pas partie des endroits qu’il faut absolument visiter à Himaera." Oriken jeta un œil en direction de Dagra. "Et toi qui trouvais la Citadelle Valekha minable."

      "Ah mais, ça l'était." Le visage de Dagra était un masque de stoïcisme.

      Le pied de la colline sur laquelle trônait le château était planté d'une myriade de constructions, plus petites que le château, mais de tailles imposantes, rassemblées telles des fidèles autour d'un sanctuaire. À mesure que l'on s'éloignait du cœur de la cité, les constructions devenaient moins hautes, plus petites et avaient l'air moins majestueux. Les flèches et les toits en coupole avaient peut-être été jolis dans une cité vibrante de vie mais aujourd'hui, ils n'étaient plus que les fantômes d'une grandeur passée ; des traces du fléau, sorties tout droit de la terre elle-même. Oriken devait l'admette, Lachyla était sans doute l'endroit le plus lugubre qu'il ait jamais vu.

      De l'endroit où il se trouvait, des nappes brumeuses d'océan scintillaient à l'est et à l'ouest, rappelant que Lachyla était construite sur une péninsule effilée. Il pouvait imaginer les falaises escarpées, au-delà des murs de défense, donnant sur les profondeurs tumultueuses de l'Océan Echilan inexploré.

      Le bout du monde, pensa-t-il, se rappelant une fois de plus comment Dagra et lui s'étaient agrippés aux flancs abrupts du Mont Sentinelle et avait contemplé l'océan.

      Il se retourna au bruit des pas de Jalis et Dagra qui marchaient le long des créneaux en direction d'une tour de treuil. Ramassant ses affaires, il courut les rattraper. Le toit de la tour, fait de chêne, s'était déformé avec le passage du temps et des intempéries, mais il semblait encore intact. Au-dessous se trouvait le mécanisme du treuil avec, sur le côté, une longue poignée en fer. L'extrémité de la chaîne disparaissait à travers un trou dans le sol de pierre au-dessus du côté de la herse.

      "Ça n'a pas l'air trop rouillé," remarqua Jalis. "En repartant, on essaiera le mécanisme ; s'il marche, ça nous évitera d'avoir à descendre le long du mur et risquer de laisser le grappin derrière nous s'il est coincé."

      Oriken empoigna le manche de ses deux mains, banda ses muscles et pesa dessus de son poids. Il y eut du mouvement, la chaîne s'enroula autour de la bobine avec le clink-clink-clink sourd des maillons qui s'entrechoquaient, suivi du grincement de la herse qui semblait protester contre le réveil de son long sommeil.

      "Je pense qu'on arrivera à l'ouvrir," dit-il en époussetant ses mains sur son pantalon.

      Depuis la tour du treuil, une volée de marches en pierre menait vers le cimetière. Oriken suivit Jalis vers le terrain aride, Dagra sur ses talons. Ils traversèrent en direction des ruines de l'Allée des Morts-Vivants et se tinrent devant la herse. Oriken jeta un coup d'œil à travers les barres de fer vers la lande au-delà des murs et, pendant un court instant, il se sentit

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