UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
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Le contenu de la révolution ukrainienne était défini par Volodomyr Vynnichenko, dirigeant du POSDU puis du groupe émigré de l'UKP, comme vsebichne vyzvolennia, libération universelle, des masses ouvrières et paysannes à réaliser dans le «courant universel de la libération (sociale, nationale, politique, morale, culturelle, etc.) universelle ; seule une totale et radicale libération peut porter le nom de révolution »54. Selon Vynnichenko ce «courant universel » qui s'efforçait de réaliser cette tendance historique, comportait les plus radicaux d'entre les partis socialistes : UKP indépendantiste, Parti Ukrainien des Socialistes-Révolutionnaires Borotbistes et opposition fédéraliste dans le KP(b)U.
La première phase de la révolution de Février à Octobre vit la saisie du pouvoir par la Rada Centrale des Peuples Ukrainiens, UNR55. Vynnychenko fut le premier président du Secrétariat Général de la Rada Centrale, le gouvernement autonome de l'Ukraine ; il considérait que la révolution se présentait comme une course-poursuite entre les classes composant l'Ukraine :
« Ainsi, il semble qu'il y ait une logique tendant à l'instauration d'un Etat des ouvriers et des paysans, qui correspond au caractère de la nation.
Ceci s'est manifesté durant la première phase, surtout dans la lutte contre le Gouvernement provisoire [de Petrograd, ndt]. Et notre pouvoir semblait devoir s'instaurer de cette façon. La Rada Centrale consistait réellement en un conseil de députés paysans et d'ouvriers, élus dans leurs congrès respectifs et envoyés à la Rada Centrale. Et le Secrétariat Général semblait consister uniquement en socialistes. Et les partis dirigeants, Social-Démocrates et Socialistes-Révolutionnaires, semblaient reposer fermement sur les bases de la révolution sociale. »56
Le POSDU vit croître son influence parmi les travailleurs ukrainiens durant la lutte contre le gouvernement provisoire : cette période est « considérée par les social-démocrates ukrainiens comme leur période « bolchevique », étant entendu que ce « bolchevisme » repose plus sur la lutte nationale que sur la lutte de classe. »57 Ce rôle dirigeant comportait une contradiction ; d'une part nous avons ce « bolchevisme » que décrit Richytsky, d'autre part selon Vinnytchenko « toutes les erreurs consécutives, furent imposées au mouvement social-démocrate »58. Sous jacentes à ces erreurs, les différentes conceptions de la révolution et de la stratégie requise. Avec la question brûlante : sur la guerre, sur la révolution agraire et sur l'auto-administration ouvrière, les dirigeants de la Rada Centrale ont tergiversé et aux moments clefs ont retardé sur le mouvement d'en bas, même à propos de la question nationale qui était celle dont ils étaient le plus préoccupés59. Les relations se tendaient entre la Rada Centrale, ses cercles dirigeants de l'intelligentsia et des classes moyennes, et la base du mouvement60.
La position dominante fut que la reconnaissance de l'autonomie était la condition préalable de tout progrès ; la conférence pan-ukrainienne du POSDU tenue les 4-5 avril 1917 à Kyiv déclara qu'elle était « l'urgence première du prolétariat ukrainien dans l'ensemble du pays »61. Ceci correspondait à l'orthodoxie marxiste pour laquelle la révolution sociale devait être menée à bien à l'Ouest, après quoi l'empire russe passerait par la phase de capitalisme développé et de démocratie parlementaire pour que soient réunies les conditions requises. Ces questions sont analysées dans l'histoire de la révolution de Vynnytchenko ; tout en soulignant le rôle dirigeant du POSDBU dans la révolution il déplorait :
« Mais le socialisme des opprimés n'est pas le socialisme de ces « socialistes » qui mettent un masque pour obtenir le soutien des masses. Et il n'est pas le socialisme de la démocratie ukrainienne [officielle], y compris notre « marxisme » social-démocrate. Nous, les Social Démocrates Ukrainiens, avons émasculé le marxisme. Nous l'avons vidé de sa partie vivante, constructive et active, nous l'avons rendu stérile, inerte et sans saveur. »62
Vynnychenko considérait qu'en prenant la théorie de Marx sur le développement du capitalisme dans un contexte théorique idéal, « les bolcheviks, disaient-ils, en prétendant édifier le socialisme dans la Russie sous-développée, n'étaient pas de vrais marxistes, mais de dangereux utopistes, blanquistes, anarchistes et autres réactionnaires », alors que
« ...les Social-Démocrates Ukrainiens méconnaissaient le fait que Marx avaient soutenu les bolcheviks français de 1871, les Communards, qui eux aussi avaient tenté d'instaurer le socialisme dans la France rurale sous-développée, que Marx lui-même a étudié l'expérience de ces « utopistes » et l'avait propagée, et que leurs leçons ne contredisaient pas sa doctrine sur le développement du capitalisme en général. Ceci avait plus de santé que leur mentalité, allant répétant que ni la Russie ni l'Ukraine n'étaient assez développées pour le socialisme, et que leur développement ne devait pas être perdurbé, ne devait pas être interrompu par des « expériences ultimatistes ».63
Ces orientations furent contredites, d'une part par le mouvement d'en bas, mais d'autre part elles furent minées par l'antagonisme opposant l'Ukraine aux allées du pouvoir libérales et conservatrices en Russie. Dés avant les Thèses d'avril de Lénine, s'exprimait dans le POSDU l'opinion que la révolution commencée serait la révolution sociale. Significatives sont ces lignes de Nashe Zhyttya : « Nous ne sommes pas seulement des démocrates ; nous sommes social-démocrates, socialistes … la Grande Société Socialiste, voilà notre objectif final. L'assemblée constituante, la république démocratique, sont des moyens pour ce but, des étapes vers cette fin. Nous ne nous y cantonneront pas. »64 L'influence de l'aile gauche s'accrut au IV° congrès du POSDU en septembre 1917, qui déclara :
« La présente révolution russe, porteuse de transformations des relations socio-économiques sans précédent dans l'histoire des révolutions, rencontre un puissant écho dans les masses travailleuses d'Europe occidentale, éveille en elle une poussée à la rupture avec le passé capitaliste, à faire la révolution sociale et, du même élan, à stopper la guerre impérialiste, susceptible de soulever le prolétariat d'Europe occidentale -cette révolution est le prologue du début de la révolution