UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
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Le second congrès constitutif du Parti Révolutionnaire Ukrainien se tint en 1905 et adopta la partie maxima du programme d'Erfurt de la social-démocratie allemande. Il revendiquait une autonomie démocratique maxima pour les territoires situés dans les limites ethnographiques de l'Ukraine, avec des garanties légales pour le libre développement des minorités nationales vivant sur ce territoire. Ses principes organisationnels étaient basés sur le modèle de la social-démocratie autrichienne. Au plan tactique, le Parti Révolutionnaire Ukrainien prit les mêmes positions que l'aile la plus à gauche de la social-démocratie russe (bolcheviks), et au lieu de se désigner comme Parti Révolutionnaire Ukrainien, ik prit le nom de Parti Ouvrier Social-Démocrate Ukrainien sous lequel il est désigné aujourd'hui et sous lequel le désignent les auteurs du présent texte.32
Le marxisme ukrainien relève de ce que Hal Draper décrit comme une branche égalitariste du « socialisme par en bas » en contradiction avec l'élitiste « socialisme par en haut »33. Il est présenté par Yurkevych comme « reliant la question de la libération nationale avec tous les problèmes de l'émancipation du prolétariat », apparaissant en conclusion comme « le seul pouvoir révolutionnaire et démocratique »34.
Mais lors de la révolution de 1917 ces idées qui dominaient dans le PSDBU en furent délogées, formant maintenant une partie d'un spectre plus large d'opinions. Ceci a de lourdes conséquences et pose un problème aux historiens. Une explication de ce qui survint alors peut être recherchée dans la période de réaction postérieure à la révolution de 1905, où le mouvement social-démocrate dans son ensemble déclina. Dans ses rapports aux congrès de la Seconde Internationale le POSDU faisait état de la « régression du parti et de ses organisations », et de l'influence croissante « des idées nationalistes bourgeoises » provoquant une hémorragie, surtout dans l'intelligentsia, vers les institutions culturelles et le nationalisme dépolitisé35. La direction du POSDU dénonça cette évolution comme « en claire contradiction avec les traditions révolutionnaires de notre parti »36. Elle fut formellement victorieuse mais n'enraya pas la corrosion du parti37.
Avec la première guerre mondiale et les conséquences de la crise de la Seconde Internationale ces divergences dans la social-démocratie ukrainienne devinrent aigües38. La majorité des dirigeants fut contre la guerre, une minorité adoptant une position pro-russe et une autre une position pro-autrichienne avec les social-démocrates ukrainiens de Galicie39. Les efforts pour défendre les «vraies traditions du POSDU » furent menés par une partie de la direction, avec le galicien Levynsky, Yurkevych et Diatliv du POSDU40. Sous la direction éditoriale de Yurkevych le journal Borotba est lancé à Genève ; il était le précurseur des Nezalezhnyky. Soutenant le mouvement zimmerwaldien, Borotba déclare : « Avant tout, nous ne devons pas prendre position, nous ne devons pas souiller notre cause révolutionnaire, en manifestant un quelconque soutien à la guerre ou à tout gouvernement engagé dans la guerre. »41Il appelle à ce que « la libération de l'Ukraine soit le mot-d'ordre de la Troisième Internationale et du prolétariat socialiste en Europe, dans leur combat contre l'impérialisme russe. »42
A la veille de la révolution il y avait de profondes divergences non seulement dans la social-démocratie ukrainienne, mais dans le POSDR43. Le POSDRU s'était rapproché des bolcheviks en 1913-1917 mais en différentes occasions il s'avéra que les divergences sur la question nationale n'étaient pas résolues44. Faisant une critique positive des social-démocrates russes, principalement du Droit des nations à l'auto-détermination de Lénine, Yurkevych explique que des deux propositions s'excluant mutuellement, le « droit des nations à l'auto-détermination » doit prévaloir sur les grands Etats centralisés, qui « détruisent en eux la capacité de considérer la question nationale d'un authentique point de vue internationaliste »45. Affirmant que « dans tout le cours de leur activité ils n'ont jamais soutenu le combat de la terre ukrainienne contre l'oppression nationale »46 Yurkevych les appelle s'ils sont sincères à « au moins s'abstenir de freiner le combat du prolétariat ukrainien pour sa propre libération nationale »47.
Ces questions rebondiront dans le POSDU, auquel Yurkevych ne pourra participer : malade et paralysé il mourra à Moscou en 191948. Son absence a certainement joué dans le changement du POSDU. Dmytro Doroshenko caractérise le conflit qui affecte alors le mouvement ukrainien comme opposant « deux principes : étatique-national contre social-international »49 Pour les révolutionnaires social-démocrates c'était là une fausse opposition, devant être dépassé dans la perspective de la libération universelle sur des bases de classe.
Le POSDU en février 1917 ne gagne pas seulement de nouveaux membres, jeunes enthousiastes et ouvriers, mais il il récupère aussi ceux qui l'avaient fragmenté et fait régresser dans les années précédentes, aux conceptions inchangées50. C'est dans ce cadre nouveau que va se réorganiser une aile gauche du parti, qui dans le cours de la révolution va se cristalliser dans les Nezalezhnyky.
1.2 Le quatrième congrès du POSDU (1917)
Les marxistes ukrainiens depuis le début bataillaient contre la perplexité envers la question nationale et son lien intime avec l'émancipation du travail envers des relations caractérisées à la fois par leur nature féodale et par le capitalisme. La controverse avait de longue date fait rage parmi les social-démocrates, sur la manière dont une classe sociale pouvait acquérir l'hégémonie et établir un système cohérent et stable. Pour le courant qui aboutira aux Nezalezhnyky, la structure de classe et la composition de la société ukrainienne en faisaient une « nation d'ouvriers et de paysans » « sans conscience nationale bourgeoise », l'hégémonie de classe devait donc correspondre à ce caractère, combinant