UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford

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      [NdT : l'appréciation de l'auteur selon laquelle ce soulèvement était plus vaste que celui de Cronstadt se fonde sur le chiffre de 25 000 participants, qui étaient des soldats.]

      [NdT : cet épisode est confus comme l'était alors la situation. En résumé : les Nezaleznhyky ont fait le pari risqué de donner une orientation politique soviétique et anti-russe à une vague de soulèvement militaro-paysans, et l'ont perdu. Lors de leurs préparatifs en avril 1919, ils tentèrent d'associer d'une part les borotbistes, qui refusèrent de combattre à ce moment là le gouvernement Rakovsky par la force, et d'autre part les social-démocrates « officiels » qu'ils crurent pouvoir séparer de Petlioura en tout ou en partie, mais qui refusèrent eux aussi de leur côté. En fait le ton des soulèvements antibolcheviks fut donné par la mutinerie de Grigoriev à Odessa le 12 mai : anarchique et antisémite. La « jonction » avec la Hongrie fut empêchée d'abord par l'effondrement de l'armée hongroise, qui s'appelait armée rouge mais ne l'était pas, devant les forces roumaines mi-avril, ensuite par l'insurrection de Grigoriev.

      Que la politique grand-russe et bureaucratique du gouvernement Rakovsky ait causé l'effondrement n'empêche pas qu'ensuite, l'espace politique entre rouges en blancs soit rapidement anéanti, donnant tristement raison aux missives du chef de l'Armée rouge, Trotsky, sur le mode « ou avec nous ou avec les blancs » : les mutins de Skvyra échappent au contrôle des Nezaleznhyky, commettent à leur tour des pogroms (cf. l'ouvrage mentionné ci-après) et, dans la mesure où ils ont une orientation politique, penchent plutôt vers Petlioura qui approche et l'aident à prendre Kyiv ; cette prise intervient le 31 août, et le lendemain, Petlioura est remplacé par Dénikine ! C'est la faillite finale du « nationalisme bourgeois » ukrainien : une partie se vend aux oppresseurs polonais, l'autre aux oppresseurs grand-russes.

      Un document important mais à prendre avec précaution, disponible sur le net, issu de la Croix Rouge, The slaughter of the Jews in the Ukraine in 1919 , de Elias Heifetz, New York, 1921, témoigne de la confusion catastrophique qui régna : Mazurenko, en tant qu'intellectuel social-démocrate ayant tenté de donner une orientation politique à certains batkos et atamans, y passe pour le « Batko de tous les Batkis » (Makhno y compris) et pour l'auteur de « terribles pamphlets antisémites », dont aucun n'est pourtant cité ni mentionné, le seul texte mis sous sa responsabilité étant une proclamation des chefs militaires Lopatkin et Zavgorodny, idéologiquement confuse, mélangeant antisémitisme, anarchisme paysan et nationalisme ukrainien avec, comme on dirait aujourd'hui, des « éléments de langage » de provenance Nezaleznhyky, proclamation probablement postérieure au retrait des Nezaleznhyky de l'insurretion. Rakovsky, qui dans le même ouvrage qui charge également Makhno, apparaît comme le seul chef politique ayant résolument combattu l'antisémitisme, n'aurait pas renoué avec Mazurenko fin 1919 si ceci était vrai, et le Poale Tsion ne lui aurait pas apporté son soutien comme on le verra plus loin.]

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