UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
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Au printemps 1919, le gouvernement engagea une bataille acerbe contre les Nezalezhnyky : ce fut un « déluge de toutes sortes d'accusations de nationalisme, de chauvinisme, d'être des contre-révolutionnaires et des petits-bourgeois. »54 Dans la nuit du 25 mars, Richytsky, Mazurenko et d'autres dirigeants furent arrêtés par la Tchéka et Chervony Prapor fut temporairement fermé55. Le projet de tenir un congrès constitutif d'un Parti Communiste Ukrainien était ainsi contrecarré56. Quand ils furent finalement relâchés et que le journal reparut, un article de Kachinivsky résumait ainsi la situation :
« Il n'y a pas deux mois que les autorités soviétiques occupent Kyiv, mais nous n'avons toujours pas vu le vrai pouvoir des soviets et la dictature du prolétariat. Tout ce que nous avons est la dictature du parti communiste. »57
2.3 Marxistes ukrainiens et Hongrie des soviets (1919)
La politique du régime Rakovsky a produit une explosion de forces centrifuges: submergée sous les troubles paysans et ouvriers, l'Ukraine soviétique commence à se désintégrer en luttes intestines. La crise devient aigüe juste quand la révolution européenne reflue, et la question ukrainienne devient cruciale pour le destin de la république des soviets, car c'est par là qu'une aide directe pouvait lui parvenir58 Le nouveau gouvernement de la République Hongroise des Conseils manifesta sa sympathie à la cause ukrainienne. Une mission diplomatique ukrainienne conduite par le vieux social-démocrate Mykola Halahan était à Budapest, et un groupe communiste ukrainien y fut organisé, publiant l'hebdomadaire Chervona Ukraina59 Bela Kun exprima son soutien à une « Ukraine soviétique indépendante » et intervint avec Erno Por, pour résoudre la situation. Vynnychenko, qui avait rompu avec le Directoire et s'était lui-même rapproché des Nezalezhnyky, est accueilli à Budapest par Kun le 30 mars. Leurs discussions avec les émigrés pro-communistes du POSDU ont abouti à un programme que Kun présente à Mosou. Il reprend la demande des Nezalezhniky pour une « République Ukrainienne des Soviets pleinement indépendante et souveraine » avec
« Un gouvernement de la République Ukrainienne des Soviets consistant dans les social-démocrates ukrainiens Nezalezhnyky, les socialistes-révolutionnaires de gauche ukrainiens, et les communistes ukrainiens ainsi que tous les partis socialistes ukrainiens acceptant la plate-forme du pouvoir des soviets. »60
La « triple alliance des républiques russe, ukrainienne et hongroise des conseils »61, produisit une crise internationale à propos d'un nouveau complot rouge lorsque le texte fut intercepté par une station de radio à Paris. Mais Rakovsky manqua cette opportunité : il répondit simplement en dénonçant Vynnychenko comme un « représentant typique de l'idéologie petite-bourgeoise » et déclara que de telles discussions ou alliances n'avaient aucun sens. Por et Kun furent « sidérés » : leurs demandes ne portaient pas sur des changements dans la politique en Ukraine. Les armés roumaine et polonaise s'associèrent pour fermer la route de la Hongrie et Kun adressa un courrier désespéré à Lénine : «Imposer Rakovsky aux Ukrainiens contre leur gré, à mon avis, fut une erreur irréparable »62. Mais ce serait les Nezaleznhyky qu'il faudrait blâmer, pas la politique des communistes russes eux-mêmes : les représentants du KP(b)U mettront précisément ceci en avant dans leur réponse au mémorandum de l'UKP quand il sera re-soumis à la Comintern en 1924. Le soulèvement Nezalezhyny, diront-ils :
« … a interféré avec la préparation des mouvements de troupes soviétiques en Bessarabie et en Galicie pour joindre la Hongrie des Soviets. Comme conséquence de ceci, le pouvoir bourgeois de Pologne et de Roumanie fut solidement établi en Bessarabie et en Galicie, et la Hongrie des Soviets fut étranglée avec l'active participation de la même armée roumaine qui n'avait maintenant plus aucune crainte à avoir sur ses arrières. »63
Il ne semble pas que cette appréciation sur les Nezalezhyky ait été partagée par les communistes hongrois, ni par le commandant de l'Armée rouge Antonov-Ovseenko, qui protesta le 17 avril 1919 qu'il était entravé à cause « de la direction ukrainienne mettant des bâtons dans les roues du commandement militaire », tout en plaidant pour une coalition avec les « SD Nezalezhniki et les SR ukrainiens » et pour que la Russie traite les Ukrainiens avec plus de « tact ».64
2.4 Le comité révolutionnaire pan- ukrainien (1919)
N'arrivant pas à réformer la RSS d'Ukraine, les Nezalezhnyky s'orientent vers l'insurrection ouverte alors que la situation va de mal en pis. La décision d'engager « le combat contre les bolcheviks russes et ukrainiens » a conduit à la mutinerie de la division conduite par Zeleny65, elle-même causée par l'un des nombreux « malentendus » causés par le reniement de la promesse faites aux unités militaires de former une Armée Rouge Ukrainienne dans une République indépendante66.
Les Nezalezhnyky «présomptueusement se jetèrent dans les masses en effervescence, espérant prévenir leur récupération par les forces contre-révolutionnaires » et essayant « de diriger le soulèvement non comme un soulèvement contre le pouvoir des soviets en tant que tel, non pas contre le pouvoir communiste, mais contre le pouvoir du gouvernement en place en tant que pouvoir occupant. »67 Le 10 avril ils adoptèrent un projet d'accord avec les représentants des SR ukrainiens et avec le « POSDU officiel » pour un soulèvement qui établissait que :
« Les signataires du présent accord, tant dans le Conseil de la République que dans les autres organes de pouvoir d'Etat, s'engagent à mettre en oeuvre les principes suivants : 1. Renforcement et défense de l'indépendance et de l'autonomie de la République ukrainienne nationale. 2. Etablissement d'un gouvernement du peuple travailleur (excluant les éléments qui exploitent le travail d'autrui), 3. Organisation de l'économie nationale sur la base des intérêts des masses laborieuses et d'une transition organisée de l'ordre capitaliste à l'ordre socialiste, avec l'expropriation immédiate de la propriété foncière des non-travailleurs. »68
D'après ce plan ambitieux, la lutte devait commencer simultanément sur le territoire de la RSS d'Ukraine et sur celui de l'UNR tenu par le Directoire de Petlioura69. Mais les Nezalezhnyky eurent un problème au départ : les Borotbistes refusèrent de participer et un petit groupe de Nezalezhnyky avec Hukovych et Pankiv scissionna70.
Sans attendre les autres organisations, les Nezalezhnyky établirent un Comité Révolutionnaire Pan-Ukrainien basé à Skvyra [petite ville à une soixantaine de kilomètres au Sud de Kyiv, NdT] et dirigé par Yu. Mazurenko, Richytsky, Avdiyenko et Drahomyretsky. Les insurgés comportaient divers régiments rouges, la première