UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
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« Si le Directoire a stupidement répété une politique dépassée et condamnée par l'histoire, les bolcheviks russes en sont arrivés au même point … Sous le solgan de la lutte pour le pouvoir des soviets arrive un gouvernement qui se proclame ukrainien, mais qui ne l'est pas et ne saurait être décrit comme tel. »33
Le KP(b)U avait de son propre fait constitué en Russie un « gouvernement provisoire ouvrier-paysan d'Ukraine »34 Formé indépendamment du processus révolutionnaire, il fut d'abord dirigé par Iouri Piatakov, ancien dirigeant du POSDR à Kyiv. En 1918 il était un dirigeant des « communistes de gauche » en Ukraine et un opposant à Lénine sur la question nationale – pour Piatakov la révolution [en Ukraine] était plus paysanne que nationale, mais sensible aux réalités locales il vit que l'indépendance était essentielle pour assurer son développement dans le cadre de la révolution ouvrière35. Piatakov fut remplacé en janvier 1919 par Christian Rakovsky36. Mais, malgré leur opposition au gouvernement Rakovsky, les Nezaleznhyky ne refusaient pas de collaborer avec lui. Leur Comité d'Organisation déclare qu'ils sont prêts
« … à entrer dans le gouvernement et à y prendre notre entière responsabilité, seulement si : 1. Tous les organes du gouvernement suprême – pas seulement ukrainien, mais aussi russe – reconnaissent l'indépendance et l'autonomie de la République Socialiste Ukrainienne, 2. Si une orientation clairement nationale et sociale est pris en Ukraine, et si l'ukrainien est la seule langue officielle37.
Rakovsky se présentait lui-même comme un spécialiste de la question ukrainienne ; dans les Izvestia, il avait expliqué que les différences ethniques entre Ukrainiens et Russes étaient insignifiantes, que la paysannerie ukrainienne manquait de conscience nationale et que le prolétariat était purement d'origine russe38. Rakovsky en tirait la conclusion que le mouvement national ukrainien était une pure invention de l'intelligentsia. Sur la base de tels principes, il fonça au désastre. Tkachenko rapporte que lorsque le gouvernement du KP(b)U fut établi :
« Toutes sortes d'éléments nationalistes russes allant des Centuries noires à l'intelligentsia révolutionnaire vinrent joindre leurs forces à celles des bolcheviks pour reconstruire unde « Russie une et indivisible » … Ces éléments douteux entrèrent au parti bolchevik et contribuèrent à aggraver la coloration nationaliste et chauvine du mouvement prolétarien bolchevik … Alors que la presse communiste russe publiait des articles enthousiastes sur cette unification avec le milieu des « spécialistes », ce nationalisme des communistes russes eux-mêmes accentua les divisions internes du prolétariat selon des lignes nationales … provoquant une âpre lutte en son sein, qui pava la voie à la réaction. »39
Les Nezaleznhyky observèrent cette évolution avec un vif mécontentement: « Cette vague stupide, folle et honteuse de russification balaie l'Ukraine à présent, avec une ampleur que l'on n'avait même pas connue sous le hetmanat dans sa phase « fédérale » :
« Pas un seul pamphlet pour les paysans ukrainiens en ukrainien, pas une brochure, pas un seul journal du gouvernement des soviets en ukrainien ! La langue ukrainienne est chassée de partout. Toute une série d'ordre donnés dans la « langue générale du savoir », voilà un signe des temps. Et à la modeste demande que les citoyens ukrainiens disposent au moins de leurs droits nationaux et culturels, comme ceux dont dispose le peuple « frère » ici en Ukraine,par sauvegarde, il n'est fait qu'une seule réponse : ce n'est que chauvinisme et mentalité bourgeoise contre-révolutionnaire ! »40
Chervony Prapor déplore que « derrière un apparent cosmopolitisme nous n'avons rien d'autre que la vieille russification en continuité avec les pratiques tsaristes. »41 La promesse d'une « renaissance des soviets locaux » fut trahie, le pouvoir central nomma des comités révolutionnaires, revkomy, et des comités de paysans pauvres, kombedy42. Le pouvoir des soviets n'existait pas43. En avril le mouvement syndical ukrainien fut épuré, subordonné à l'Etat et intégré aux structures pan-russes44. Cette dangereuse aliénation fut aggravée par le retard de la révolution agraire causé par les excès dans les réquisitions de grain, « en réalité l'Ukraine est pillée au hasard, comme un grand trésor de nourriture et de carburant. », ceci exacerbé encore par la politique élitiste de mise en place de « communes » qui n'étaient pas fondées sur l'auto-activité des paysans mais imposées d'en haut45. Fin février Chervony Prapor alertait : cette politique commençait à produire des effets centrifuges, et l'urgence était à l'établissement de relations commerciales transparentes avec la Russie soviétique, « possible seulement si l'Ukraine est souveraine, seulement si les travailleurs eux-mêmes sont les maîtres dans leur propre république socialiste et pas sous la coupe de prétendants étrangers. »46
Les Nezaleznhyky réagirent à la crise en expliquant qu'il était « nécessaire de formuler un programme communiste et d'organiser un Parti Communiste Ukrainien », et dans ce but des discussions furent engagé avec nombre de bolcheviks, aboutissant à la fondation de l'UKP le 30 mars 1919.47 Ce tournant correspondait à la fondation de l'Internationale communiste, à laquelle le dirigeant du KP(b)U Mykola Strypnyk avait communiqué un rapport optimiste à propos des Nezaleznhyky : « Bien que ces socialistes indépendants diffèrent des communistes sur des points fondamentaux, ils ont néanmoins entrepris aujourd'hui de travailler harmonieusement avec notre parti et de participer aux soviets. »48 Mais une direction opposée fut prise, et au troisième congrès du KP(b)U tenu à Kharkiv vota contre, par 101 voix contre 96, la coopération avec les autres parties pro-soviets et le fait que « des accords avec les SR de droite, les social-démocrates ukrainiens indépendants soient admissibles. »49 Ces partis se virent dénier « tout poste de responsabilité dans les soviets » et exclure du gouvernement de l'Ukraine, « qui doit consister uniquement en représentant du Parti Communiste de l'Ukraine [le KP(b)U]. »50
Cette attitude mina la réalisation de « tout le pouvoir dans le pays » aux soviets51. Quand se tint le troisième congrès pan-ukrainien des députés ouvriers, paysans et soldats rouges, les 6-10 mars, la majorité des délégués venaient des revkom et non des soviets. La nouvelle constitution de la République Socialiste Soviétique d'Ukraine ne fut pas appliquée ; en fin