UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
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75 Sakhray (V. Skorovstansky), ancien organisateur du POSDR et ministre, écrit : « Quand s'enclencha la lutte armée ouverte avec la Rada centrale, des bolcheviks de toutes les parties de l'Ukraine … étaient d'avis de proposer que le centre soviétique établisse en Ukraine un contre-pouvoir face à la Rada, mais aucun membre responsable de ce parti ne protesta contre la proclamation et la création de la République Populaire Ukrainienne. Au contraire, en complet accord avec leur position programmatique sur le droit des peuples à l'autodétermination, ils acceptaient ouvertement ou tacitement sa fondation. La volonté de la nation ukrainienne s'affirme, le peuple ukrainien se dote d'une République indépendante et séparée qui noue une union fédérative avec les autres parties de la Russie. Bel et bon ! Nous, dans cette République, n'allions pas faire la guerre contre la République populaire ukrainienne, contre le peuple ukrainien, ni en aucune manière l'étrangler. Non ! Ce qui s'amorçait était une lutte pour le pouvoir à l'intérieur de la République populaire ukrainienne, une lutte de classe ... » (Skorovansky, pp. 110-111).
[NdT : d'après la bibliographie, Skorovstansky semble avoir été un pseudonyme du bolchevik indépendantiste Vasyl Shakhray, qui fut commissaire du peuple (ministre) à Kharkyv.
Dans cette partie de l'article et par cette importante citation, après avoir pris le contrepied de l'historiographie officielle aussi bien soviétique qu'ukrainienne à propos de la Rada Centrale qui n'était pas encore « bourgeoise » en 1917, l'auteur s'oppose à une peinture en noir et blanc qui ferait du conseil des commissaires du peuple de Kharkiv une pure manipulation russe : au départ, lui non plus n'était pas réductible à cela et il était, de facto et avec ses limites, le premier gouvernement soviétique national ukrainien.
Le soulèvement dont il est ici question est celui des usines et d'un régiment de Kyiv le 12 (29) janvier 1918. Les insurgés unissent ceux qui voulaient rénover la Rada mais n'y croient plus, et ceux qui voulaient la renverser au profit du conseil des commissaires récemment formé à Kharkiv. Absolument tous les ouvrages disponibles en français qui mentionnent ce soulèvement en font un mouvement purement bolchevik, ce qui permet ensuite de mettre en place un schéma simple et binaire puisque la répression fut menée par Petlioura (conseillé par les « services » français) et fit sans doute 1500 morts, inaugurant les massacres de la guerre civile en Ukraine, marquant une cassure importante dans le cours des évènements. Quelques jours plus tard, le 26 janvier (8 février) l'armée rouge conduite par le SR de gauche Mouraviev prend Kyiv, avec un soutien populaire quelle ne retrouvera sans doute plus jamais ici : 400 « officiers » seront exécutés. Le cycle des massacres a commencé. Nous apprenons donc ici que ce soulèvement n'était pas bolchevik, mais fut initié par la récente scission du POSDU, le POSDU (Gauche). La suite de l'article ne revient pas sur le devenir ultérieur de ce parti.]
76 (Bachinskyi, p. 534)
77 Il y eut une recul et une régression par rapport aux promesses initiales du congrès des soviets de Kharkiv. Le pouvoir réel s'avéra ne pas être dans les mains du gouvernement des soviets mais des forces militaires soviétiques russes. Shakhray, ministre [commissaire du peuple], protesta : « Qu'est-ce que c'est que ce gouvernement ukrainien qui recommande à ses membres de ne pas connaître et de ne pas apprendre la langue ukrainienne ? Il ne saurait influencer la société ukrainienne. Personne ne sait comment ils s'appellent. Qu'est-ce que c'est que ce « ministre ukrainien des armées » que je suis censé être quand les divisions de Kharkiv ne m'obéissent pas et que je suis obligé de les désarmer ? Le seul soutien militaire que nous avons contre la Rada Centrale est l'armée d'Antonov venue en Ukraine de Russie, une armée où l'on s'imagine que chaque ukrainien est un contre-révolutionnaire hostile. » (cité par Bojcun, Working Class, p. 327).
78 Le 9 mars 1918 le colonel von Stolzenberg écrit au Haut Commandement : « Il est très douteux que ce gouvernement, composé exclusivement d'opportunistes de gauche, soit à même d'établir une ferme autorité. » (Fedyshyn, p. 96).
[NdT : l'auteur veut sans doute ici, ironiquement, montrer que les mêmes termes, « opportunistes de gauche », étaient utilisés pour parler de la Rada Centrale en 1918 par les bolcheviks de Kharkov et par un colonel allemand. Dans la suite de l'article, nous allons voir que la caractérisation qu'en a donné le social-démocrate ukrainien Vynnychenko, qui en avait fait partie, était beaucoup plus dure ! ]
79 Vynnytchenko, Vidrodzhennia natsiii, vol. 3, p. 24.
80 Khrystiuk, Zamitky i materiali, tome III, p. 18.
[NdT : Le 28 avril 1918 l'Allemagne disperse les restes de la Rada Centrale et met au pouvoir l'hetman Skoropadsky et son « Etat Ukrainien », mais ayant une certaine sympathie des blancs de Russie en train de s'organiser militairement. L'hetman engage une politique de restauration de la grande propriété foncière qui, avec les prélèvements allemands, déclenche une insurrection paysanne généralisée, dans le cadre de laquelle se formera, dans les steppes du Sud-Est, l'armée anarchiste-communiste de Nestor Makhno.
Tel fut le contexte du congrès clandestin du POSDU le 10 mai. Il est significatif que ce soit à ce moment là que soit tranché le flou des formulations sur autonomie ou indépendance, au profit de l'indépendance, et que ce choix fut perçu comme un pas vers la gauche, relié à la révolution européenne.]
2 Lutte pour une République socialiste ukrainienne indépendante
2.1 Création des Nezalezhnyky et Sixième congrès du POSDU (1918-1919)
L'occupation austro-germanique effective coupe l'Ukraine du reste de l'ancien empire russe. Elle l'isole des excès du « communisme de guerre », tandis que la brutalité des armées d'occupation discrédite et la Rada Centrale, et son successeur l'Etat Ukrainien, en tant que représentant de l'idée nationale, aux yeux des ouvriers et des paysans. Par contre l'idée de la démocratie directe des conseils est préservée et trouve une nouvelle source de vie.1
La République populaire ukrainienne fut reconstituée en novembre 1918 sous la forme d'une coalition, le Directoire de l'UNR, mené par les figures opposées de Petlyura et Vynnychenko2. La « Révolution Ukrainienne de Novembre » fut conduite exclusivement par des forces national-révolutionnaires autochtones. » et dés le début il fut clair que les forces qui la soutenaient étaient bien plus à gauche que le Directoire.3 La majorité « soviétophile » des SR ukrainiens, les Borotbistes, déclarèrent d'emblée leur opposition et de larges secteurs de l'amrée - les gardes rouges – appuyaient le pouvoir des soviets. Avec l'espoir d'un réveil socialiste en Europe, la gauche pro-communiste du POSDU s'organisa en une fraction, le Comité d'Organisation du POSDU Nezalezhniky, mis en place début décembre 1918.4
Lors de la conférence d'Etat convoquée par le Directoire à Vynnytsia les 12-14 décembre Adviyenko intervient pour :
« 1. la reconnaissance qu'une profonde révolution socio-économique, aussi bien que politique, doit avoir lieu en Ukraine, 2. la reconnaissance que sa direction revient au prolétariat et à la paysannerie laborieuse, 3. en accord avec ces principes, la proclamation de la dictature des masses laborieuses sous la forme des conseils de députés ouvriers et paysans. »