Les cahiers du Capitaine Coignet. Jean-Roch Coignet

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Les cahiers du Capitaine Coignet - Jean-Roch Coignet

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maître; c'est lui qui m'a élevé.—Vous êtes un fidèle garçon.»

      Il fit appeler les officiers, et leur dit: «Vous allez vous emparer de ce jeune homme. Faites-le dîner avec vous; il travaille dans vos intérêts. Que les fournisseurs ne lui parlent pas! Vous le ramènerez chez moi à neuf heures. Monsieur l'inspecteur vient dîner avec moi.»

      Je fus fêté de tous les officiers: le dîner fut très gai. À neuf heures, nous arrivâmes chez le général, et le café fut servi, je reçus l'accueil le plus aimable de la part du général: «Demain nous visiterons les chevaux que vous devez monter, et je vous ferai seconder par un maréchal des logis qui monte bien, cela vous avancera.—Je lui ferai monter les juments.—Pourquoi cela?—Général, la jument est meilleure que le cheval hongre; elle résiste mieux à la fatigue; je l'examinerai avant de faire monter.—Ah! pour le coup, je suis content de votre observation. Je l'approuve.—Si votre militaire est content de sa jument, il la mettra au premier lot, et ainsi de suite; moi, de même.—Eh bien, messieurs! que dites-vous de cela? Nous sommes bien tombés. On ne nous donnera plus de ces mauvais chevaux qui ne durent pas six mois.—Je puis me tromper, mais je ferai de mon mieux.—Allons, messieurs, à demain onze heures précises!»

      Nous prîmes congé du général; mon maître me mit en voiture pour gagner notre hôtel. «Jean, le général est content de vous; il est enchanté. Tâchons de faire une bonne journée demain; il faudrait pouvoir recevoir cent chevaux. Comme vous serez deux, ça nous avancerait beaucoup.—Je ferai mon possible.»

      Le lendemain, à dix heures, nous reçûmes la visite du capitaine de hussards; mon maître lui dit: «Faites-moi l'amitié d'accepter une côtelette et une tasse de café. Nous partons de suite. Le fiacre est prêt.—Dépêchons-nous! Le général ne plaisante pas.»

      À dix heures et demie, nous étions près du Champ de Mars à voir les chevaux; mon maître dit: «Préparez encore cinquante chevaux.»

      À onze heures, le général arrive; nous passons les chevaux en revue, et nous montâmes à cheval deux à la fois. Ces chevaux étaient charmants; je fus content; je le dis au général qui fut content aussi. Il n'en fut réformé que deux sur cent. Ces pauvres marchands de chevaux n'étaient plus si chagrins que la veille. Enfin, nous reçûmes cent chevaux par jour, et tout fut terminé dans neuf jours. Je fus bien remercié de tous les officiers et du général qui me fit remettre trente francs pour les dix chevaux réformés. Je fus avec mon maître remercier le général qui nous dit: «J'ai fait mon rapport du soin que vous avez mis dans le choix des chevaux pour les officiers et la réforme que vous avez faite, c'est ce qui a fait donner trente francs de récompense à votre jeune homme.»

      Je remercie et nous allâmes finir nos affaires; mon maître toucha dix-huit cents francs pour son voyage, et nous partîmes le lendemain pour Coulommiers. Mon maître me dit: «Nous avons mené notre affaire grand train et tout le monde est content.»

      Je lui dis: «Si jamais je suis soldat, je ferai mon possible pour être dans les hussards, ils sont trop beaux.—Il ne faut pas penser à cela; nous verrons plus tard; ce sera mon affaire: le métier de soldat n'est pas tout rose, je vous en préviens.—Je le crois; aussi je ne suis pas parti; il faudrait que je fusse forcé de partir pour vous quitter.—Eh bien! je suis content de votre réponse.»

      Nous arrivâmes à la maison le samedi, et le dimanche fut une fête pour tout le monde; monsieur ne tarissait pas sur mon compte. Je me remis à mes occupations habituelles, mais un jour je fus invité à passer à la mairie. Là, on me demande mes nom et prénoms, ma profession, mon âge.

      «Je me nomme Jean-Roch Coignet, né à Druyes-les-Belles-Fontaines, département de l'Yonne.—Quel âge avez-vous?—Je suis né le 16 août 1776.—Vous pouvez vous retirer.»

      Que diable me veulent-ils? Ça me mit martel en tête. «Je n'ai pourtant rien fait», me disais-je. Je dis cela de suite à mes maîtres qui me disent: «C'est pour vous enregistrer pour la conscription.—Je vais donc être soldat.—Pas encore, mais c'est une mesure qu'ils prennent. Si vous voulez, nous vous achèterons un homme.—Je vous remercie; nous verrons cela plus tard.»

      Je me trouvais accablé de cette nouvelle; j'aurais voulu être parti de suite, mais cela se prolongea jusqu'au mois d'août où j'eus tout le temps de faire toutes mes réflexions. Ma tête travaillait nuit et jour, je me voyais sur le point de quitter cette maison où j'avais passé des jours si heureux, avec de si bons maîtres et de bons camarades.

      Je termine la première partie de mon ouvrage pour ne pas faire trop de répétitions qui pourraient ennuyer. Je vais commencer mon état militaire, et j'ai fini la première partie de mes peines.—Celles-là ne sont que des roses.

       Table des matières

      DÉPART POUR L'ARMÉE.—MA VIE MILITAIRE JUSQU'À LA BATAILLE DE MONTEBELLO.

      Le 6 fructidor an VII, deux gendarmes se présentèrent pour me donner une feuille de route pour partir le 10 fructidor pour Fontainebleau. Je fis de suite mes préparatifs pour partir; on voulait me faire remplacer; je remerciai en pleurant: «Je vous promets que je reviendrai avec un fusil d'argent, ou je serai tué!»

      Mes adieux furent tristes; je fus comblé d'égards par tout le monde, conduit un bout de chemin, et bien embrassé. Mon petit paquet sous le bras, je viens coucher à Rozoy, première étape militaire. Je fus chercher mon billet de logement que je présente à mon hôte qui ne fait pas attention à moi. Je sors et vais acheter un pot-au-feu, que le boucher me mit dans la main. Je fus blessé de voir cette viande dans le creux de ma main. Je la présente à ma bourgeoise pour qu'elle ait la complaisance de me la faire cuire et je vais lui chercher des légumes. On finit par mettre mon petit pot-au-feu; j'eus alors les bonnes grâces de mes hôtes qui voulurent bien m'adresser la parole, mais je ne leur en tins aucun compte.

      Le lendemain, j'arrive à Fontainebleau où des officiers peu ardents au service nous reçurent, et nous mirent dans une caserne en très mauvais état. Notre beau bataillon s'est formé dans la quinzaine; il était de l,800 hommes: comme il n'y avait pas de discipline, il se forma de suite une révolution, et la moitié s'en allèrent chez eux. Le chef de bataillon en fit son rapport à Paris, et il fut accordé quinze jours pour rejoindre le bataillon, sans quoi on serait porté déserteur et poursuivi comme tel.

      Le général Lefèvre fut envoyé de suite pour nous organiser. On fit former les compagnies et tirer les grenadiers; je fus du nombre de cette compagnie qui se montait à cent vingt hommes et nous fûmes habillés de suite. Nous reçûmes tout au grand complet, et de suite à l'exercice deux fois par jour!… Les retardataires furent ramenés par les gendarmes, et l'on nous mit à la raison.

      Le dimanche c'était le décadi[20] pour tout le bataillon. Il fallait chanter la victoire, et les officiers brandissaient leurs sabres; l'église en retentissait, et puis on criait: Vive la République! tous les soirs, autour de l'arbre de la liberté, qui était dans la belle rue; il fallait chanter: Les aristocrates à la lanterne! Comme c'était amusant!

      Cette vie dura à peu près deux mois lorsque la nouvelle circula, dans les journaux, que le général Bonaparte était débarqué, qu'il venait à Paris, et que c'était un grand général. Nos officiers en devenaient fous, parce que le chef de bataillon le connaissait, et ce fut une joie dans le bataillon. On nous passait des revues de propreté; on faisait porter et présenter les armes, croiser la baïonnette; on voulait nous faire soldats dans deux mois. Nous

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