Les cahiers du Capitaine Coignet. Jean-Roch Coignet

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Les cahiers du Capitaine Coignet - Jean-Roch Coignet страница 8

Les cahiers du Capitaine Coignet - Jean-Roch Coignet

Скачать книгу

      Ces gros ventres se lèvent pour la saluer; elle se retire et fait apporter des rafraîchissements; elle fait demander si ces messieurs lui feraient l'honneur d'accepter son dîner: ils répondirent qu'ils acceptaient avec plaisir. Le dîner fut magnifique.—M. Potier me fit appeler: «Dites à tous les palefreniers de tenir les chevaux prêts; je vais mener ces messieurs visiter les chevaux.»

      Je donne les ordres et tout fut prêt. Ces messieurs voulurent voir l'établissement, dont ils furent enchantés, et passèrent aux écuries pour visiter les chevaux et les faire sortir. «Les voilà tous par ordre, leur dit M. Potier. Faites-les sortir.»

      On demande le numéro 1 avec bridon et couverture. On me présente le cheval, je le fais trotter. Monsieur me dit: «Montez-le!» Je le fais marcher au pas en tenant mon bridon, et là la main bien placée, je saute; ils n'eurent pas le temps de me voir monter. Je le fais trotter et le présente devant ces messieurs qui le flattent en disant: «C'est bien!»

      «Numéro 2», dit mon maître. On me présente le cheval: «Montez-le, disent ces messieurs. Au pas!… au trot!… Ça suffit. À un autre!»

      Et ainsi de suite, jusqu'à douze. On me demande alors: «Sont-ils tous dressés comme ces douze-là?—Je vous l'assure.—Ça suffit. Ce petit jeune homme monte bien un cheval.—Il est bien hardi, dit mon maître.—Demain nous les mettrons au char à bancs. Vous avez des harnais pour cela?—Tout est prêt.—En voilà assez pour aujourd'hui; nous voudrions voir la ville.—Voulez vous que l'on mette les chevaux à votre voiture?—Ça serait mieux. Nous vous demanderons la permission de vous amener deux convives.—Tout ce qui peut vous être agréable. Jean, fais mettre les chevaux à la calèche!»

      Et les voilà partis. Mon maître était content. «Jean, me dit-il, nous ferons une bonne journée, ça va bien; vous vous en êtes bien tiré. C'est vous qui servirez à table, faites un peu de toilette. Voyez ma femme, il faut aller à la ville faire apporter ce que j'ai commandé et vous faire donner un coup de peigne, et vous mettre en dimanche.»

      Me voilà de retour, bien poudré. Madame me met au courant de mes fonctions, et, la table servie, elle va faire une toilette magnifique. Comme elle était belle!

      Ces messieurs arrivent à six heures; ils étaient six. Monsieur va les recevoir, le chapeau à la main. «Eh bien! monsieur, nous sommes de parole, nous vous amenons deux convives.—Soyez les bienvenus.»

      Monsieur reconnaît le sous-préfet et le procureur de la République; on se met à table; madame fit les honneurs; rien n'y manquait, ni moi, la serviette sur le bras, ni les laquais des messieurs qui étaient derrière leurs maîtres. Tous mangeaient sans parler au premier service; l'un des laquais était découpeur et présentait les morceaux tout coupés que nous présentions à ces messieurs, qui en refusaient souvent. Au second service, paraît un brochet monstre et des écrevisses superbes. «Ah! madame, dit un convive, voilà une pièce rare.—C'est vrai», disent-ils tous. Mais le sous-préfet ajoute: «M. Potier a un réservoir superbe, il prend des anguilles magnifiques.»

      Enfin les louanges pleuvent de toutes parts; le champagne arrive, voilà tout le monde en gaieté! Monsieur leur dit: «J'ai passé par Épernay, et j'en ai fait une petite provision.—Il est parfait», dit le sous-préfet.

      Le dessert servi, on nous fit retirer, et madame demande la permission de s'absenter pour un moment. On lui répond: «Toute liberté, madame!» Madame donne ses ordres et dit à son mari: «Ces messieurs prendront du punch pour finir la soirée?—Ça va sans inconvénient.»

      Le sous-préfet dit: «Je vous prie de prendre ma maison pour votre hôtel, et j'invite monsieur et madame à me faire l'amitié de venir dîner chez moi. Nous viendrons voir vos beaux chevaux.»

      Ces messieurs arrivent à midi pour voir atteler. Tout était prêt; on voit en suivant la liste. «Prenez le char à bancs et la calèche, ça ira plus vite. Amenez par ordre quatre par quatre.»

      Les voilà attelés, moi conduisant le char à bancs, et le piqueur, la berline: «Faites un tour devant la maison pour que nous puissions voir.—Ils sont très beaux, disent ces messieurs. Sont-ils tous dressés comme ces quatre-là?—Oui, messieurs! répond M. Potier. Si ces messieurs désiraient voir un beau cheval? C'est une folie que j'ai faite à Reims.—Voyons-le.—Jean, allez le chercher!»

      Il était tout prêt; je le présente devant ces messieurs: «Oh! s'écrient-ils, qu'il est beau! faites-le monter!»

      Je dis au piqueur: «Prenez-moi le pied pour l'enjamber, il est trop haut.» Lorsque je fus sur ce fier animal, je le fais marcher au pas, au trot, et je le présente. «C'est bien, dit le maître au laquais, montez-le, que je le voie mieux.»

      Le jeune homme était plus leste que moi. Comme il le manœuvrait! «Ramenez-le! en voilà assez.» Le piqueur le présente devant son maître, le chapeau bas. «Monsieur, dit-il, les mouvements sont très doux.—J'ai trouvé sa place, dit le pair de France. Il conviendra au président de l'Assemblée, mettez-le en tête de vos comptes, tous vos chevaux sont acceptés. Vous recevrez mes ordres du départ pour Paris; vous les accompagnerez, et ce jeune garçon viendra pour les conduire. S'il veut rester à mon service, je le prendrai.—Je vous remercie, monsieur, je ne quitte pas mon maître.—C'est bien! je vous donnerai votre pourboire.»

      Ils montèrent en voiture et saluèrent tous monsieur et madame. «À six heures, dit le sous-préfet, sans manquer!»

      Mon maître dit: «Que la voiture soit prête à cinq heures! Jean, faites votre toilette, vous nous conduirez.»

      Mon maître et madame furent reçus avec affabilité par tous ces messieurs. Toutes les autorités étaient au dîner, et le couvert de ma maîtresse était auprès de monseigneur. La soirée finit à minuit, et le lendemain ils partirent pour Paris. M. Potier reçut l'ordre de partir le vendredi pour arriver le dimanche à l'École militaire où ils se trouveraient, à midi précis, pour recevoir ses chevaux. Mon maître fait prévenir M. Huzé que tous les chevaux étaient vendus. «Ça n'est pas possible», disait-il.

      Nous partons le lendemain à six heures avec quatre-vingt-treize chevaux, et une voiture de son pour la route; je menais le beau cheval en main tout seul. Nous arrivons à dix heures à l'École militaire, où nous trouvons tout prêt; il y avait un aide de camp et des écuyers. On distribue le son de suite, et on fait le pansement; les pieds des chevaux furent bien noircis. À midi tout était prêt.

      L'aide de camp fait manger tout le monde et met les domestiques de garde. M. Huzé va déjeuner avec l'aide de camp, et mon maître part pour prévenir ces gros messieurs que ses chevaux étaient prêts. À deux heures précises, tous les gros ventres descendent de voiture et vont visiter les chevaux, les font sortir appareillés par quatre. «Voilà de beaux chevaux, dit le président, vous pouvez renouveler vos équipages. Et celui dont vous m'avez parlé, faites-le sortir.»

      Je le présente à l'aide de camp, qui monte ce fier animal, qui le manœuvre et le présente. On dit: «C'est un beau cheval; faites-le rentrer.»

      L'aide de camp se retire avec M. Potier et M. Huzé pour nous faire dîner, et il arrive un homme par quatre chevaux pour les panser. Ces messieurs réformèrent vingt chevaux de leurs écuries, que mon maître prit, au prix de l'estimation par des marchands de chevaux. Après cette brillante affaire, il me renvoie avec les beaux chevaux de carrosse de ces messieurs. MM. Potier et Huzé restèrent huit jours à Paris pour régler leur compte. Ils furent invités chez le gros pair de France qui avait été reçu à Coulommiers. Pour mettre d'accord ces messieurs sur le choix des attelages des chevaux neufs, il fut décidé qu'ils seraient

Скачать книгу