Les cahiers du Capitaine Coignet. Jean-Roch Coignet

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Les cahiers du Capitaine Coignet - Jean-Roch Coignet

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me dit: «Je vous sais bon gré du commencement de votre travail. Nous lui ferons une petite surprise devant son berceau; nous ferons quatre pans coupés, et nous mettrons quatre lilas de Perse, et du chèvrefeuille autour, et nous peindrons les bancs en vert. Ça sera joli. Il faut prier madame de ne pas venir de huit jours voir son jardin.»

      Je lui dis le soir: «Madame, le jardinier m'a prié de vous dire de ne pas venir voir votre jardin de huit jours.—Eh bien! dit M. Potier, je vais aller à Paris placer de la farine et voir nos enfants.—Ah! c'est bien aimable de ta part.—Je serai de retour samedi; et je verrai la folie de Jean et du jardinier, après avoir vu si mon gros représentant est content de ses chevaux.»

      Il revient satisfait de la réception du représentant qui lui a dit: «Je compte vous voir au printemps avec mon épouse; je lui ai parlé de votre dame, et elle désire la connaître.—Je vous prie de m'en donner avis.—C'est juste, il ne faut pas surprendre madame, qui fait si bien les honneurs de chez elle.»

      Monsieur et madame viennent nous retrouver, et sont surpris de voir la grande allée terminée: «Ah! c'est joli; je suis content, c'est bien travaillé. Tu pourras te promener et t'asseoir, voilà de beaux bancs. Jean va nous ruiner avec ses folies.—Ne te dérange pas de huit jours pour qu'il finisse mon jardin. Je t'en prie. Je voudrais que ça soit sablé.—Eh bien! je vais surprendre Jean; nous allons faire détourner l'eau qui passe sous le petit pont, et il pourra prendre du sable à son aise, il ne sera pas toujours le plus fin.—Il va rire», dit madame.

      Les huit jours suffirent pour finir tout le jardin, et je vins annoncer: Monsieur et madame, votre jardin est fini. Vous pouvez venir le voir. Ah! si j'avais du sable, ça serait joli.—Eh bien! Jean, vous en aurez demain; mon mari a mis le sable à sec, et a fait passer l'eau de l'autre côté du pont. Et demain vous aurez deux tombereaux et des hommes pour charger; vous n'aurez qu'à le rentrer.—Ah! madame, nous sommes sauvés. Dans quatre jours, tout sera fini.»

      Monsieur et madame nous regardaient de leurs croisées sans venir nous voir. Le jardinier va leur dire: «Tout est terminé.—Voyons cela, ma femme.»

      Me voilà le râteau sur l'épaule, à côté de la porte, le chapeau à la main. M. Potier me prit par le bras et me frappa sur l'épaule: «Jean, me dit-il, vous rendez votre maîtresse heureuse et moi content; c'est plus joli que l'herbe qui était dans le jardin.—C'est charmant, dit madame, si ton monde de Paris vient te voir, tu pourras les promener à présent.—Vous ne verrez plus d'herbe pousser dans vos allées.»

      Je me remis au moulin, à la charrue et à tout faire, surtout à dresser des chevaux. Monsieur reçoit une lettre de Paris pour se rendre de suite au Luxembourg, chez son représentant, pour affaires. «Jean, mon garçon, il faut partir demain matin pour Paris. Je crois que c'est des chevaux que l'on demande.—Si cela est, ils payeront votre folie de jardin.»

      Nous partîmes à cinq heures; à onze heures, nous étions à Paris. Mon maître se présente à l'adresse indiquée; le chef du Directoire[19] lui dit: «Il nous faut vingt chevaux de première taille, tout noirs, sans aucune tache; les prix sont de quarante-cinq louis. Où les prenez-vous?—Monseigneur, dans le pays de Caux et à la foire de Beaucaire. C'est là que je trouverai ces tailles-là.—Cela suffit. Partez de suite! À quelle époque livrez-vous?—Il me faut trois mois et je ne réponds pas d'être prêt à cette époque; ces tailles sont difficiles à trouver.»

      Le voilà de retour à Coulommiers: «Allons, dit-il, partons pour la Normandie, et nous reviendrons par la foire de Beaucaire. Je vais faire venir François de suite, lui donner mes ordres et faire part de notre voyage à ma femme.»

      Nous arrivons à Caen; on nous indique quelques chevaux. Dans tous les environs, nous trouvons quatre chevaux, on en voulait cinquante louis. «Eh bien! vous les mènerez à la foire, nous verrons cela!»

      Nous visitons tout le pays de Caux; nous trouvons des fermes magnifiques et de beaux élèves; nous pûmes en choisir quatre très beaux. La foire de Caen fut bonne pour nous. Mon maître en acheta six superbes; il nous en fallait encore dix. Quant au peuple du pays de Caux, il est magnifique, les femmes surtout, avec leur coiffure belle, haute, large. Les petites femmes paraissent grandes, car leur bonnet a bien un pied de haut! ça leur fait paraître la figure petite. Le monde et les bestiaux, tout est magnifique.

      Nous partîmes pour Beaucaire, où nous trouvâmes nos dix chevaux. Je n'ai jamais vu de si belles foires, tous les étrangers de toutes les puissances s'y trouvent. On dirait une ville bâtie dans une plaine: des cafés, des traiteurs, tout ce que l'on peut voir de plus beau. Il se fait des affaires pour des millions; la foire dure six semaines.

      Les affaires de mon maître terminées, nous partîmes après avoir réuni nos chevaux et les avoir dirigés sur Coulommiers. Ce voyage fut long; nous fûmes deux mois dehors de la maison. Quelle joie pour madame de nous voir arriver!

      Mon maître me dit: «Il faut que je fasse une dépense pour nos chevaux, je vais leur faire faire de belles couvertures et des oreillères; ça les parera; je veux qu'elles soient à raies. Allons chez M. Brodart de suite; c'est une dépense nécessaire pour les présenter.» Tout fut terminé dans huit jours. J'étais fier de voir mes beaux chevaux parés de si belles couvertures. Aussitôt, M. Potier part pour Paris, va rendre compte de son emplette à son représentant, annonce que les vingt chevaux étaient chez lui, et que, si monseigneur voulait les voir, il venait le prévenir. «Sont-ils beaux? dit-il. Dimanche nous serons chez vous à deux heures; un de mes amis et son épouse et la mienne. Nous serons quatre; prévenez Mme Potier que je lui mène deux dames.»

      Leur belle chaise de poste arrive à deux heures devant la maison. Monsieur et madame les reçoivent et les mènent de suite au salon où se trouvait une collation superbe. Ces dames furent satisfaites du bon accueil de madame; M. Potier avait invité les amis du représentant. Le dîner fut superbe; madame invita à faire un tour de jardin qui fit plaisir à ces dames, et les messieurs visitèrent les beaux chevaux; les couvertures firent merveille: «Ils sont très beaux, vos chevaux; nos gardes vont être bien montés, les tailles sont superbes. Je vous fais mon compliment, je vais écrire de suite au président du Directoire; ils seront reçus au Luxembourg; vous pouvez les faire partir dans les vingt-quatre heures. Deux jours de repos suffiront pour les présenter; nos messieurs seront satisfaits de les voir, laissez-leur les couvertures; ils sont bien couverts comme cela, on vous payera vos couvertures à part. Combien vous coûtent-elles?—Quatre cents francs.—Bien, tout cela vous sera remboursé. Faites-les sortir que nous les voyions dehors. Ils surpassent les chevaux de nos grenadiers; ça montera nos sous-officiers; ce sont de belles bêtes. Faites-les partir demain; il vous faut trois jours et deux jours de repos, je serai à Paris pour les présenter à ces messieurs.»

      Nous arrivâmes au Luxembourg le quatrième jour; tout était prêt pour nous recevoir. Les beaux sous-officiers et grenadiers nous entourent, prennent nos chevaux, et les placent, on peut dire, dans un palais. Je n'avais jamais vu de si belles écuries. M. Potier nous fit ôter les couvertures pour les panser, et les grenadiers s'en chargèrent: «Vous pouvez les laisser à nos soins, dit un officier, cela nous regarde, vous leur mettrez les couvertures après le pansement.»

      Le lendemain, M. Potier reçut l'ordre de présenter ses chevaux à une heure dans l'allée des beaux marronniers du jardin. À deux heures arrivent une vingtaine de messieurs qui admirent nos chevaux et les font trotter. Un officier vient près de moi, et me dit: «Jeune homme, on dit que vous savez monter à cheval.—Un peu, monsieur.—Eh bien! voyons cela. Montez le premier venu.—Ça suffit.»

      Il me mène près d'un maréchal des logis, et lui dit: «Donnez votre cheval à ce jeune garçon pour qu'il le monte.—Merci», lui dis-je.

      Comme j'étais content! Me voilà parti au pas; mon

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