Prétextes: Réflexions sur quelques points de littérature et de morale. Андре Жид
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Et ne pensez-vous pas précisément, qu'il convient de faire de ce choix même, de cette instinctive puis volontaire préférence, l'affirmation même de l'art,—de l'art qui n'est point dans la nature, de l'art qui n'est point naturel, l'art que l'artiste seul impose à la nature, impose difficilement?
Mais ici précisons encore:
Car il ne suffit pas dès lors de dire, comme vous savez qu'on a fait: l'œuvre d'art, c'est un morceau de nature vu à travers un tempérament. Dans cette spécieuse formule, ni l'intelligence, ni la volonté de l'artiste n'entre en jeu. Cette formule ne saurait donc me satisfaire.
L'œuvre d'art est œuvre volontaire. L'œuvre d'art est œuvre de raison. Car elle doit trouver en soi sa suffisance, sa fin et sa raison parfaite; formant un tout, elle doit pouvoir s'isoler et reposer, comme hors de l'espace et du temps, dans une satisfaite et satisfaisante harmonie. Que si, peinture, elle s'arrête au cadre, ce n'est point parce que cadre il y a, mais, tout au contraire, il y a cadre parce qu'ici elle s'arrête. Et le cadre n'est là, soulignant cet arrêt, que pour faire cette isolation plus marquée.
Dans la nature, rien ne peut s'isoler ni s'arrêter; tout continue. L'homme y peut essayer, proposer la beauté; la nature aussitôt s'en rend maîtresse et en dispose. Et voici bien l'opposition que je disais: Ici, l'homme est soumis à la nature; dans l'œuvre d'art au contraire, il soumet la nature à lui.—«L'homme propose et Dieu dispose», nous a-t-on dit; ceci est vrai dans la nature;—mais je vais résumer l'opposition que j'indique en disant que, dans l'œuvre d'art, au contraire, Dieu propose et l'homme dispose; et tout prétendu producteur d'œuvres d'art qui n'est pas conscient de ceci est tout ce que l'on veut; pas un artiste.
Coupez la phrase en deux, ne prenez pour credo qu'un des deux membres de la formule, et vous aurez les deux grandes hérésies artistiques qui toujours à neuf s'entrecombattent pour ne vouloir comprendre que c'est de leur union même et de leur compromission seulement que l'art peut naître.
Dieu propose: c'est le naturalisme, l'objectivisme, appelez-le comme il vous plaît.
L'homme dispose: c'est l'à-priorisme, l'idéalisme...
Dieu propose et l'homme dispose: c'est l'œuvre d'art.
Pourquoi faut-il qu'à chaque nouvelle fausse «école» l'intransigeance absurde des partis vienne voir le salut dans l'adoration exclusive d'une des deux parties de la formule? Hier: l'homme dispose; aujourd'hui; Dieu propose... Et tantôt l'on semble ignorer que l'artiste a tous droits pour disposer; tantôt qu'il ne doit disposer que de ce que la nature lui propose.
Car, si je parlais tout à l'heure de l'artiste comme faisant opposition à la nature, et semblais voir en l'œuvre d'art tout d'abord une affirmation,—serait-ce pour prôner à présent l'individualisme, et ne nous serons-nous arrachés d'un excès que pour nous précipiter vers un autre? qu'est-ce qu'un artiste individualiste? Qu'est-ce qu'un artiste anti-individualiste? Qu'il laisse à d'autres les «convictions». Elles lui coûtent trop cher à lui et elles le déforment trop. L'artiste n'est ni d'un camp ni de l'autre; il est à tout point de conflit.
L'art est une chose tempérée. Et certes je ne veux non plus dire par là que l'œuvre d'art la plus accomplie serait celle qui se tiendrait à la plus égale distance de l'idéalisme et du réalisme; non certes! et l'artiste peut bien se rapprocher autant qu'il osera d'un des deux pôles, mais à condition qu'il ne quittera pas du talon le second; un sursaut de plus, il perd pied.
«On ne montre pas sa grandeur, disait Pascal, pour être à une extrémité, mais en touchant les deux à la fois et en remplissant l'entre-deux.»
Et les limites de l'art que nous renoncions vite à chercher tant que nous les demandions extérieures, ses limites, Messieurs, qui ne sont point obstacles ni défi, nous les découvrons tout intimes: ce sont limites d'extension.
Il est un point d'extrême tension, passé lequel l'œuvre brusquement cède et se décompose,—on n'a jamais été composée.—Les limites ne sont qu'en l'artiste; heureux celui qui les élargit en lui, les recule et qui, comme devrait vouloir chacun d'eux, soumet le plus possible à lui, le plus possible de nature.
Mesdames et Messieurs,
Si, malgré que vous sachiez déjà tout cela, je me suis permis de le redire, c'est que, vous qui pensez cela, vous restez en très petit nombre, c'est que le nombre des faux artistes et des hérétiques est grand.
Été 1901.
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