Le Coeur Brisé D'Arelium. Alex Robins

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Le Coeur Brisé D'Arelium - Alex Robins

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ses coudes, juste à temps pour voir une horde de créatures descendre les murs de la guérite comme un raz-de-marée et s'écraser sur les gardes de réserve.

      Les hommes hurlèrent lorsque les longues griffes transpercèrent leur chair, et le mur de lances se démantela dans le chaos.

      Comme les brasiers n’avaient plus de bois pour les alimenter, les flammes s’éteignirent, rendant encore plus difficile de distinguer les amis des ennemis à travers le nuage de fumée et de cendres qui engloutissait la place. Des formes sombres apparaissaient et disparaissaient au milieu des bruits de lances s'entrechoquant contre des griffes, des cris de colère et des hurlements de douleur. Reed pouvait entendre Yusifel, tout près, hurler et jurer, ses jurons se transformant en appels à l'aide avant de laisser place au silence.

      Reed chancela vers l’avant, trébucha sur un corps et tomba, se heurtant durement sur le sol. Le corps appartenait à Kellen. Le dernier membre du groupe de Reed n'avait pas réussi à quitter le mur. Il était mort la tête tournée vers le ciel et son regard vitreux fixait Reed de manière accusatrice. Reed soupira et ferma les yeux du jeune homme, avant d'arracher la lance des mains raides et froides, et de se mettre debout. Saisissant fermement la nouvelle lance, il chercha à se diriger vers l'endroit où il avait entendu Yusifel pour la dernière fois.

      Il retrouva le capitaine quelques instants plus tard dans l'ombre de la guérite, tenant tête à deux des créatures, les repoussant à larges coups d'épée. Reed le rejoignit et ensemble ils les coincèrent contre le mur de la guérite et les taillèrent en pièces.

      Yusifel se tourna vers lui, respirant lourdement.

      — Reed ! Heureux que tu aies pu te joindre à nous ! Qu'est-ce qui t’a pris si longtemps ? Nous avions allumé les brasiers il y a une éternité de cela !

      Il essuya son épée sur sa cape, se racla la gorge et cracha un amas brun et visqueux.

      Reed le regarda avec incrédulité.

      — Oh, je suis désolé ! Je serai arrivé plus tôt mais j'ai dû parcourir la moitié de la longueur du mur avec une bande de jeunes recrues, en esquivant des dizaines de ces monstres gris, puis me tailler un chemin à travers la place, tout en essayant de rester en vie, pour vous empêcher de vous faire découper en morceaux.... Monsieur, ajouta-t-il après une pause.

      Yusifel fronça les sourcils et observa Reed longuement. Les cheveux et la barbe poivre et sel de Reed étaient incrustés de sang séché et de ragoût, son surcot maculé et entaillé. Sa cape pendait en lambeaux sur ses épaules. Un gros bleu de la taille d'un œuf de poule colorait sa tempe gauche tandis que ses yeux étaient rouges et larmoyants à cause de la fumée constante.

      — Combien d'hommes as-tu amené avec toi, mon garçon ? dit doucement Yusifel, les yeux scrutant le brouillard derrière Reed, comme s'il s'attendait à voir une patrouille complète de gardes arriver en courant.

      — Quatre étaient avec moi quand nous sommes partis, Monsieur, répondit Reed avec découragement. Je suis le seul qui reste maintenant.

      Le vent hurlait sur la place, balayant le lourd voile de fumée et révélant le massacre des derniers membres de la Vieille Garde. On pouvait voir des créatures à la peau grise à perte de vue, s'interpellant dans leur étrange langage guttural, rampant le long des murs et des tours comme des mouches grotesques, et se disputant bruyamment leur butin de guerre : les membres et les oreilles coupés des morts. D'autres encore grimpaient de la Fosse, leurs griffes en forme de faucille harponnant la vieille pierre pour faciliter leur ascension. Ils étaient trop nombreux, beaucoup trop nombreux. Et sans plus de fumée pour cacher leur présence, ce n’était qu'une question de temps avant que Reed et Yusifel ne soient découverts.

      — C'est la fin, alors, souffla Reed.

      Il avait toujours pensé qu'un jour, il quitterait le mur et retournerait à Jaelem pour commencer une nouvelle vie, peut-être en tant que chaumier ou pêcheur comme son père. Il passerait ses journées sur le lac, avec pour seule compagnie sa canne à pêche et ses hameçons, à regarder la façon dont la lumière du soleil se reflétait sur la surface de l'eau. Peut-être même qu’il se rendrait enfin sur la tombe de sa mère. Il lui devait bien ça. Mais les choses ne se passent jamais comme on le souhaite, n'est-ce pas ? Au lieu de cela, il allait mourir ici sur le mur, sans que l'on se souvienne de lui, son corps pillé et démembré par ces créatures expulsées de la Fosse.

      — Reed, mon garçon ? Tu te rappelles, il y a bien des années, de ton premier jour dans la cour d'entraînement, au garde-à-vous sous la pluie ? dit Yusifel distraitement. Quelle est la première chose que je t’ai apprise, la première loi de la Vieille Garde ?

      Il ne regardait pas Reed, ni même la foule de créatures devant lui. Son regard était tourné vers la herse et une forme imposante qui s'approchait rapidement de l'autre côté.

      — Je jure sur ma vie de défendre le mur, répondit automatiquement Reed.

      — En effet, et la seconde ?

      — Je confie ma vie à la volonté des Douze, dit Reed d'une voix hésitante. Car il pouvait clairement voir la silhouette maintenant. Une larme de soulagement coula sur sa joue. Hode avait raison. De l'autre côté de la herse se tenait un Chevalier des Douze.

      *

      Le chevalier mesurait au moins un mètre quatre-vingt-dix et était vêtu d'une magnifique armure de plaques polies qui brillaient malgré le peu de lumière. Il portait une barbute : un heaume d’acier sans visière, avec une ouverture en forme de T pour les yeux et la bouche. Deux cornes fixées de chaque côté du casque s'incurvaient vers l'extérieur puis revenaient vers le centre, comme d'énormes pinces de crabe. Il portait en bandoulière une gigantesque hache de combat à double lame d'au moins un mètre cinquante de long, faite de bois dur noirci et surmontée de deux lames en forme de croissant aussi larges que la tête d'un homme.

      L'arme et l'armure du chevalier étaient impressionnantes, mais l'homme qui les portait l'était encore plus. Une puissance et une confiance émanaient de sa personne, chacun de ses mouvements était précis et calculé. Des yeux bleu océan perçants, remplis d'une intelligence et d'un savoir féroces, brûlaient dans les profondeurs de son casque à cornes.

      Puis le chevalier prit la parole d'une voix calme, ferme, et légèrement accentuée, en contradiction avec sa carrure imposante.

      — Je vous salue, Messieurs les Gardes, dit-il poliment aux deux hommes, leur adressant un bref signe de tête. Je dois m'excuser pour mon retard. J'ai rencontré des problèmes en chemin qui ont dû être réglés avant que je ne puisse vous venir en aide. Il regardait la herse d'un air pensif.

      — Sire Aldarin ! s’écria Yusifel avec extase. Je commençais à perdre espoir ! La vieille chaîne du portail a sauté de son engrenage, j'en ai peur, mais si vous pouviez néanmoins trouver un moyen de nous rejoindre, nous vous en serions très reconnaissants !

      Aldarin avait posé ses deux mains gantées sur la herse.

      — Vous feriez bien de reculer de quelques pas, dit-il. Je pense que cela ne sera pas un bien grand obstacle.

      Il s'arcbouta contre la porte et poussa de ses épaules. Pendant quelques secondes, rien ne se passa. Puis, avec un grincement plaintif de métal torturé et de chaînes rouillées, la herse se souleva graduellement, à trente, soixante, puis quatre-vingt-dix centimètres du sol. Aldarin poussa un grognement d'effort, se glissa sous le portail et lâcha prise. La herse retomba en place avec un bruit assourdissant

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