Le Coeur Brisé D'Arelium. Alex Robins
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Читать онлайн книгу Le Coeur Brisé D'Arelium - Alex Robins страница 8
La grande silhouette d'Aldarin apparut dans l'embrasure de la porte, fronçant les sourcils devant l'intérieur saccagé.
— Nous ne trouverons rien ici, dit-il, et se dirigea vers le seul autre bâtiment de la cour, une longue structure en bois abritant les écuries, les cuisines, le lavoir et la forge.
Reed appuya sa lance contre la porte et tendit machinalement la main pour détacher son masque avant de réaliser qu'il ne le portait plus.
Il se souvenait qu'on leur avait répété à maintes reprises pendant l'entraînement de toujours porter des masques en patrouille pour se protéger des fumées nocives de la Fosse. Il émit un petit rire. Rien de tout cela ne semblait avoir de l’importance maintenant. La Fosse était devenue bien plus dangereuse que cela.
— Pourquoi ris-tu, mon garçon ? dit Yusifel d'un ton las. Il avait enlevé son plastron de cuir huilé et sondait d'un doigt crasseux une longue entaille sous sa côte inférieure gauche.
Reed trouva une autre chaise cabossée et s'y laissa tomber.
— Je pense à l'absurdité de la situation, Monsieur, répondit-il.
— Oui, tu as raison, mon garçon. Yusifel tapota les poches de son pantalon et en sortit une pochette à tabac éraflée et des allumettes, miraculeusement encore intactes.
Il craqua une allumette sur le talon de sa botte et, peu après, une douce fumée odorante se répandit dans la caserne, masquant la puanteur aigre de l'urine et des excréments.
— Que s'est-il passé ? questionna Reed. Ils sont sortis de nulle part ! Pourquoi maintenant ?
— Je ne sais pas quoi te dire, répondit Yusifel.
— Il y a deux jours environ, ce grand chevalier est arrivé ici, son cheval couvert de sueur. Il est entré dans mes quartiers en demandant des nouvelles de la Fosse, s'il se passait quelque chose d'étrange... J’ai été un peu choqué, pour être honnête. Je me souviens que ma mère me parlait des défilés organisés à Arelium pour les Chevaliers des Douze quand elle était jeune fille, mais on ne les avait pas vus par ici depuis cinquante ans, et puis celui-là est apparu.
Il fit une pause et inhala une bouffée de fumée.
— Je lui ai dit qu’il n’y avait rien à signaler, et ça n'a pas eu l'air de lui plaire. Il a marmonné quelque chose à propos d'un mauvais pressentiment et « qu'elle ne s'était jamais trompée auparavant », aucune idée de qui il parlait. Il a fini par me dire qu'il allait rester quelques jours. Il a dormi dans les écuries, il a parlé avec les patrouilles qui descendaient du mur, il y est même monté lui-même une ou deux fois, mais il restait discret la plupart du temps. Puis la nuit dernière, le vieux Kohl m'a réveillé en criant « Les feux sont allumés, les feux sont allumés ! » On a fait sortir les gars, on les a équipés, on s'est dirigé vers le mur et on a fait ce qu'on a pu, mais c'était trop tard, beaucoup trop tard.
Son regard était devenu hagard.
— Je les ai tous perdus... tous. Ils étaient sous ma responsabilité et j'ai échoué.
Yusifel toussa sèchement et fixa silencieusement ses bottes. Un silence inconfortable envahit la pièce. Reed ne savait pas quoi dire. Il observa le capitaine assit en face de lui. L’imposant recruteur braillard qui l'avait convaincu de s'engager dans la Garde avait disparu, remplacé par un vieil homme, accablé et dépenaillé, courbé sur sa cigarette. Reed ouvrit la bouche pour parler, mais fut interrompu par une voix forte venant de l'extérieur.
— Compagnons de garde ! La voix profonde d'Aldarin résonnait dans la cour. Je suis dans une situation fort désespérée ! Les Greylings ont souillé les cuisines et je crains que mon cheval ne soit mort. Je ne peux pas atteindre Arelium sans transport ni provisions. J'implore votre aide.
Reed jeta un coup d'œil à Yusifel, mais le vieil homme se contenta de hausser les épaules et de faire un signe de tête en direction de la porte. Reed se leva avec un soupir et sortit dans la cour, qui n'était rien de plus qu'un carré de terre rectangulaire vide, à l'exception d'un petit puits grillagé et de quelques bottes de foin pour l’entraînement. Aldarin sortait des écuries, une lueur d'acier dans les yeux.
— Que proposez-vous, gardien ? demanda-t-il.
Reed se gratta la barbe pensivement.
— Ma ville natale de Jaelem est à deux jours de cheval d'ici, répondit-il. Je ne pense pas que vous trouverez quelque chose de plus proche. Ils auront des chevaux et des provisions. Tout est plat dans cette direction, rien que des plaines et quelques arbres. Si nous partons maintenant, nous pourrions parcourir une bonne distance avant que la nuit ne revienne.
Il fit une pause, essayant de formuler correctement sa pensée suivante.
— Le fait est, Sire, que je ne suis pas sûr que ce soit bienséant de laisser la Vieille Garde ici. Il y a des kilomètres de mur là-haut et des douzaines d'hommes, gardes comme moi, qui n'ont toujours pas été retrouvés. Certains d'entre eux sont peut-être encore en vie et ont peut-être besoin de notre aide. Ce sont mes amis. Nous ne pouvons pas partir et les laisser à leur sort.
Aldarin le fixait intensément du fond de son casque corné.
— Quel est votre nom, garde ?
— Merad Reed, Sire Chevalier.
— Reed. Savez-vous pourquoi la Vieille Garde existe ?
— Lorsque je me suis enrôlé, les gens n'ont cessé de me dire que nous étions la lumière contre les ténèbres, le bouclier contre l'inconnu, déclara Reed, en s'efforçant d’atténuer le sarcasme de sa voix.
— Exactement, dit Aldarin. Votre rôle est tout aussi crucial que celui d'un soldat d'Arelium, d'un Chevalier des Douze ou d'un père de famille. Vous êtes ici pour surveiller, pour garder et, surtout, pour protéger ceux qui ne peuvent pas se protéger eux-mêmes. Saviez-vous que le premier capitaine de la Vieille Garde a été assermenté par l'un des Douze lui-même ? Que la bannière déchirée de vos baraquements fut offerte en cadeau pour honorer votre loyauté et votre dévouement ? Combien de villages entourent la Fosse ? Combien de vies ont été sauvées ce soir grâce aux actions de la Garde ?
— Mais nous ne les avons pas arrêtés ! s’exclama Reed, les mains crispées d'exaspération. Nous nous sommes battus et nous avons été massacrés.
— Non, vous ne les avez pas arrêtés, dit Aldarin. Mais vous les avez ralentis. Vous avez endigué la marée. Vous nous avez donné le temps de nous préparer, donné aux autres le temps de fuir. Mais cela ne signifiera quelque chose que si nous pouvons avertir le Baron, si nous pouvons lui dire ce que nous avons vu ici. Il peut faire appel à d'autres comme moi. Ensemble, si nous agissons vite, et si les Douze le veulent, nous pouvons les repousser.
— Je comprends que vous souhaitez rester, poursuivit-il avec douceur, et, si vous me le demandez, j’abandonnerai ma quête et je vous assisterai ici, au mur. Vous devez décider ce qui est le plus important : aider les quelques personnes encore présentes sur le mur ou aider les innombrables autres, les habitants de la Baronnie d’Arelium.
— Et pourquoi pas les deux ? intervint Yusifel. Il était appuyé contre le mur de la caserne et avait écouté en silence.