Le Coeur Brisé D'Arelium. Alex Robins

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Coeur Brisé D'Arelium - Alex Robins страница 10

Le Coeur Brisé D'Arelium - Alex Robins

Скачать книгу

que le donjon central et perforée de meurtrières et de bretèches. Le seul moyen de traverser le mur était de passer par l’unique barbacane. Le guet était équipé d’une lourde porte et d’une série de herses qui pouvaient être levées ou abaissées par la garnison stationnée au deuxième étage. Jelaïa pouvait voir un flux lent et régulier de marchands et de voyageurs couler comme un fleuve par la porte, un éclair de rouge ou une lueur de métal lui permettant de distinguer les hallebardiers de la garde du Baron.

      Un amoncellement de bicoques de fortune s’était développé à l’extérieur de la ville, un enchevêtrement de tentes, de caravanes, et de structures en bois délabrées. Des jetées s’étendaient sur la rivière tandis que de petites silhouettes lointaines grouillaient sur des barges, des bateaux plats et d’autres embarcations plus petites, chargeant ou déchargeant des marchandises telles des fourmis s’attaquant à un bol de sucre.

      La journée ensoleillée et sans nuage permettait de voir encore plus loin dans la vallée, là où les terres étaient consacrées à la culture du blé, du maïs, de l’orge, du houblon, des tournesols, des vignes et bien plus encore ; un patchwork vibrant d’agriculture. Des manoirs fortifiés disposant de grands jardins d’agrément et de dépendances, dominaient les petits villages et les fermes. Ils étaient les demeures des nobles d’Arelium, vassaux du Baron lui-même.

      Au-delà de la vallée s’étendaient les trois Baronnies voisines qui partageaient leurs frontières avec Arelium : Da’arra au sud – après les grandes plaines et les villages de la Fosse – Kessrin au nord-ouest où la rivière Stahl rencontrait la mer, et Morlak à l’est où les collines se transformaient en montagnes escarpées et traîtresses.

      Pour Jelaïa, les nombreuses heures passées à contempler la vallée avaient toujours suscité des émotions contradictoires. La fierté de ce que son père et ses ancêtres avaient accompli. La peur et le doute de ne pas être digne de cet héritage. La responsabilité pour le peuple d’Arelium. La frustration et la culpabilité du fait qu’elle ne connaissait rien – ou presque – de leur mode de vie.

      C’est à ce dernier défaut qu’elle tentait de remédier, en subtilisant tous les livres et documents qu’elle pouvait trouver dans les archives de la ville ou dans la vaste collection personnelle du Baron. Les plans du donjon et des bâtiments environnants, les bilans des entreprises locales, les rendements des cultures, les échantillons de sol, les factures de matières premières, les coûts de main-d’œuvre, les coûts de construction, l’entretien des routes et des bâtiments ; la liste était interminable.

      Et les livres, tellement de livres. Une pléthore de sujets, tous plus détaillés les uns que les autres : l’agriculture, l’exploitation minière, le commerce, la maçonnerie, la menuiserie, le tissage, la couture, la boulangerie – toutes les choses que son tuteur refusait de lui enseigner car il les jugeait non pertinentes pour une personne de noble rang. Elle lisait voracement, griffonnant des notes dans les marges, ajoutant des pensées et des commentaires de son cru, feuilletant page après page de son index humide.

      Cela suffirait-il ? Un jour, tôt ou tard, elle allait le découvrir.

      Trois coups fermes frappés à la porte la firent sursauter et elle manqua de trébucher sur l’ourlet de sa longue jupe verte. Elle réussit à se rattraper au coin de la table, renversant des parchemins sur le sol.

      — Jelaïa, j’espère que vous êtes habillée parce que, prête ou pas, j’entre, annonça une voix étouffée alors que la porte s’ouvrait.

      Un homme de grande taille, à la coiffure impeccable, les cheveux épais et gominés, le visage cerclé d’une légère barbe de trois jours, entra d’un pas vif dans la pièce avec un sourire malicieux. Il portait un manteau de cuir noir à col haut sur une tunique marron ceinturée. Un médaillon en argent était suspendu à une fine chaîne autour de son cou, et une longue dague effilée était rangée dans un fourreau orné de bijoux attaché à sa cuisse droite.

      — Je pensais bien vous trouver ici, enfermée avec vos livres alors qu’il fait un soleil radieux au-dehors, dit-il d’un ton taquin. Votre peau a besoin d’un peu de soleil de temps à autre, vous savez. Si vous continuez à blanchir, on vous perdra dans la neige à l’hiver prochain.

      Jelaïa lui lança une boîte de parchemins à la tête, le manquant d’un bon mètre.

      — J’aimerais bien sortir, mon cher intendant Praxis, mais mon père ne me laisse pas me promener sans compagnie et mon chaperon préféré ne m’a pas rendu visite depuis des jours !

      — Ah. Oui. Désolé, répondit Praxis en tripotant son médaillon.

      Le disque d’argent était gravé du signe de sa fonction : deux coupelles suspendues à équidistance d’un axe, formant une balance.

      — Votre père me garde très occupé. La récolte a été exceptionnelle cette année et nous sommes plutôt débordés, pour être honnête. Le pire, c’est le blé : Je le stocke presque aussi vite que les chariots le déchargent, mais nous sommes toujours à court de lieu d’entreposage. J’aurais dû mieux argumenter l’année dernière lorsque le Baron a refusé ma proposition d’un plus grand silo.

      — Pourquoi ne pas simplement moudre le grain ? demanda Jelaïa. La farine prend moins de place que les épis.

      Parce qu’il est plus difficile de… Praxis se coupa lui-même. Par la Fosse, j’ai encore failli me faire berner ! Je ne vais pas me laisser entraîner dans une autre discussion sur la façon de gérer les terres de votre père, Jelaïa. Si je suis encore intendant le jour où vous deviendrez Baronne, je serai heureux de passer des semaines à débattre de la politique agricole, mais pour l’instant, vous devez me laisser faire mon travail. Et en parlant de faire mon travail, je suis venu vous chercher pour vous conduire au Baron ; il souhaite s’entretenir avec vous.

      — Très bien, dit Jelaïa d’un ton irascible. Mais la prochaine fois que j’irai me promener dans les jardins, je demanderai à quelqu’un d’autre de m’accompagner.

      — Ha ! Alors ça, ça m’étonnerait, dit Praxis avec un sourire narquois.

      Ils descendirent l’étroit escalier en colimaçon qui menait de la chambre de Jelaïa à la grande salle du premier étage où le Baron tenait conseil, accordait audience à ses vassaux et recevait les invités importants.

      De longues bannières arborant l’héraldique des nobles qui avaient prêté serment de fidélité au Baron couvraient les murs. À l’extrémité du hall, une élégante table en chêne poli s’étendait sur toute la largeur de la pièce, sa surface recouverte d’une carte en parchemin détaillant les terres de la Baronnie. De petites figures sculptées parsemaient la carte : des fermes, des maisons de campagne, des caravanes de marchandises, des bateaux et des groupes de soldats. Derrière la table se trouvaient trois simples chaises en bois, sous une bannière représentant le loup blanc d’Arelium.

      Jelaïa eut à peine le temps de reprendre son souffle que son père entra dans la pièce, suivi d’un groupe de nobles, de gardes, et de serviteurs.

      Le Baron Listus del Arelium était un vétéran au visage sévère, aux yeux froids couleur d’acier et à la barbe grise courte et bien taillée. Il avait une soixantaine d’années, mais la plupart des gens lui auraient donné dix ans de moins. Son âge n’était trahi que par les rides autour de ses yeux et de sa bouche, et par ses cheveux clairsemés. Vêtu d’un doublet rouge orné de dentelle blanche et de hautes bottes en peau de daim, il marchait du pas assuré d’un ancien soldat.

      Quand

Скачать книгу