La capitaine. Emile Chevalier

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La capitaine - Emile Chevalier

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Mademoiselle désire savoir ce que je suis allé faire au cap Breton? insinua poliment le comte.

      – Oh! pas du tout! pas du tout, monsieur! répondit-elle en rougissant.

      – Elle en brûle d’envie, intervint Bertrand.

      – Taquin, va! fit sa sœur.

      – Je suis, dit Arthur, allé au cap Breton pour régler des comptes avec un capitaine de navire au long cours, et je repartirai…

      – Vous repartirez! répétèrent les enfants de M. du Sault d’une voix émue.

      – Oui, mes amis… demain.

      – Ce n’est pas possible, dit Bertrand; vous nous consacrerez au moins quelques jours… une semaine!

      – Je ne le puis, dit-il tristement.

      Emmeline se détourna pour cacher une larme qui perlait sous ses longs cils.

      – Mais vous reviendrez bientôt? dit Bertrand d’un ton interrogateur.

      – Bientôt… oui… je l’espère!

      – Comme vous dites cela! bégaya la jeune fille, prête à fondre en larmes.

      – Que voulez-vous, mes bons amis, répliqua le comte avec un accent sérieux et mélancolique, en opposition singulière avec son âge apparent et l’amabilité souriante qui lui était habituelle; que voulez-vous, l’avenir est incertain, toujours plus gros de nuages que brillant de sérénité. Qui de nous peut répondre de la minute, de la seconde qui va suivre!

      Et il leva rêveusement ses yeux au ciel.

      Cette réflexion avait assombri les fronts. Mais bientôt le comte, sortant de sa préoccupation, dit en offrant son bras à mademoiselle du Sault:

      – Eh! j’oubliais l’invitation dont je suis chargé pour vous!

      – Une invitation! quoi donc?

      – Un impromptu que nous offre Son Excellence.

      – Sir George Prévost?

      – Oui, à son cottage de Bellevue.

      – Quel bonheur! s’écria la jeune fille.

      – On dansera, ravissante Emmeline.

      Arthur Lancelot n’était plus soucieux en prononçant ces mots. Il avait recouvré son aisance, son affabilité, toutes les sémillantes qualités qui lui avaient valu le titre de prince du dandysme halifaxien.

      – Mais quand cette fête? s’enquit la jeune fille en effeuillant la clochette d’un liseron qu’elle avait cueillie sur l’appui de la fenêtre.

      – Quand? aujourd’hui même; dans deux heures. Vous n’avez que le temps de vous habiller, et je suis assuré, chère miss, que vous serez l’étoile du bal.

      – Une nébuleuse! minauda Emmeline.

      – Fi! s’écria Bertrand, tu en seras l’étoile polaire!

      Et il se prit à rire.

      – Pendant que vous ferez votre toilette, dit Arthur, j’aurai l’honneur de présenter mes respects à madame et à M. du Sault.

      – Et la vôtre? dit Bertrand en montrant du regard à Lancelot son costume négligé.

      – Oh! il y a pour les hommes liberté complète… en raison de la canicule. Le gouverneur accepte la tenue de fantaisie.

      – Béni soit-il! car il fait si chaud…

      – Allons, mon frère, laisse-là tes remarques et partons, dit Emmeline en s’appuyant avec complaisance au bras d’Arthur.

      – Mais où est le rendez-vous? dit Bertrand.

      – Au cottage même.

      – Alors vous monterez dans notre voiture.

      – J’ai mon cheval à la porte.

      – Vous le renverrez.

      – Et Samson, que dirait-il?

      – Oh! si Samson est là, fit Emmeline, nous sommes sûrs qu’il ne vous quittera pas. C’est un modèle que ce domestique!

      – Un peu gênant parfois, glissa Bertrand.

      À cette allusion, le comte ne répliqua point.

      – Eh bien, reprit la jeune fille, il y a un moyen de tout arranger. Notre jockey reconduira votre cheval, et le brave Samson suivra, s’il le veut, la voiture.

      – Vous avez réponse à tout; je me rends avec enthousiasme, dit Arthur en pressant doucement le bras d’Emmeline.

      Jamais il ne s’était permis cette familiarité. Le cœur de la jeune fille en palpita d’allégresse.

      Ils furent bientôt à la villa, d’où ils sortirent, une heure après, tous trois dans une calèche découverte, traînée par deux magnifiques poneys.

      Samson les escortait en selle, à cent pas de distance.

      Bellevue-Cottage est situé à deux milles d’Halifax, au plus. Une belle allée de sycomores y conduit.

      Le temps était beau, la route superbe. En vingt minutes, mademoiselle du Sault et ses cavaliers y arrivèrent, à travers une foule d’équipages remplis de femmes élégantes et de militaires tout chamarrés d’or et de broderies.

      Frileusement accroupie au pied d’une colline qui l’abrite contre les vents du nord, et entourée de jardins parfaitement entretenus, la maison de plaisance du Gouverneur général passait, à bon droit, pour le coin de terre le plus enviable de la Nouvelle-Écosse.

      On ne la pouvait comparer qu’à Monkland, ancienne résidence d’été des Gouverneurs du Canada, près de Montréal.

      Sir George Prévost avait la réputation d’être un homme fort aimable, et cette réputation était méritée: il excellait à faire les honneurs de sa petite cour.

      Le dîner, servi sous un quinconce d’érables, débuta joyeusement, et il se serait sans doute terminé de même sans l’arrivée d’un courrier qui remit une dépêche au Gouverneur.

      En la parcourant, un nuage de contrariété couvrit le visage de sir George Prévost.

      – Mes chers hôtes, dit-il, en transmettant la dépêche à son secrétaire intime, vous me voyez désolé. Mais il faut absolument que je vous quitte. Les pirates du golfe viennent encore de faire des leurs, et je suis forcé d’aller m’entendre sur-le-champ avec le vice-amiral pour lancer quelques vaisseaux à leur poursuite.

      Il se leva, adressa un salut gracieux à la compagnie, et se retira.

      – De quels pirates a donc parlé Son Excellence? demanda une jeune femme placée à côté de Bertrand, qui faisait face à sa sœur et au comte Arthur.

      – Des

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