La capitaine. Emile Chevalier

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La capitaine - Emile Chevalier

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style="font-size:15px;">      – Tu sais que M. Arthur a des connaissances médicales…

      – Très profondes.

      – Alors? dit Emmeline en regardant son frère.

      – Alors, je n’y suis pas.

      – Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre, s’écria la jeune fille avec un geste d’impatience, M. Arthur t’aime au point que j’en suis jalouse et que, s’il était femme, je le croirais amoureux de toi, car parfois, il te dévore des yeux… Enfin! il aura appris que tu étais mort subitement, et, soupçonnant la vérité, une léthargie, il aura voulu t’examiner avant…

      – Ah! j’y suis, j’y suis! exclama Bertrand avec la satisfaction d’un homme qui vient de trouver enfin le fil d’une idée longtemps cherché.

      – Et moi aussi, j’y suis! cria une voix joyeuse derrière eux.

      III. Le comte Arthur Lancelot

      Emmeline poussa un petit cri d’effroi et devint rouge comme un coquelicot.

      – Oh! vous nous avez fait peur; c’est mal à vous de surprendre ainsi vos amis, dit-elle en tendant la main au comte Arthur Lancelot, qui paraissait sur le seuil du kiosque.

      Il était de moyenne stature, mais il avait la taille d’une élégance féminine, qui se dessinait avec grâce sous son gilet de piqué blanc à boutons d’or ciselés.

      Ses cheveux noirs, soyeux, bouclés, frisaient naturellement autour de son col; quoiqu’il portât vingt-cinq à vingt-sept ans, son visage était complètement imberbe. La couleur brune de son teint ne nuisait pas à l’expression un peu sévère de sa physionomie: correctes et onduleuses, les lignes de cette physionomie devenaient dures et tourmentées lorsqu’une passion l’agitait. Alors ses grands yeux fauves s’animaient d’un insoutenable éclat. Il avait les mains fines, nerveuses, délicates, hâlées comme ses joues. Mais, un hasard découvrait-il son poignet, on était surpris de la blancheur lactée de sa peau, que nuançait un réseau d’azur.

      Il était vêtu d’un paletot de soie grise et d’un pantalon en étoffe semblable.

      Une cravate bleue, négligemment nouée, flottait sur sa poitrine.

      À la main droite il tenait un jonc, dans la gauche un chapeau de paille à larges ailes.

      En entrant, il jeta son chapeau et sa canne sur la banquette.

      – Suis-je donc indiscret? dit-il, en déposant un baiser respectueux sur la main de mademoiselle du Sault.

      – Mais vous savez bien que telle n’est pas notre pensée! répondit-elle.

      – Et comment va ce cher convalescent? demanda le comte en prenant la main de Bertrand et la serrant avec quelque émotion.

      – Oh! bien! bien! dit-il. Nous parlions de vous, mon cher ami.

      – Vous parliez de moi?

      Ces mots furent prononcés avec un léger tremblement dans la voix.

      – Oui, monsieur, repartit vivement Emmeline; nous disions que vous étiez un méchant…

      – Moi! un méchant! fit Arthur en souriant.

      – Oui, un grand méchant, riposta la jeune fille. Asseyez-vous entre nous deux… là… comme cela… Et je vais vous gronder; oh! mais vous gronder…

      – Vous êtes vraiment trop bonne, mademoiselle! dit distraitement Lancelot, dont toute l’attention semblait concentrée sur Bertrand.

      Emmeline ne put retenir un geste d’humeur, qui échappa à ses deux compagnons.

      – Ma sœur a raison, dit le fils de M. du Sault. Vous ne vous donnez pas assez à vos amis.

      – Mes affaires! … balbutia-t-il.

      – Oh! vos affaires! s’écria Emmeline. C’est le mot, l’excuse par excellence des hommes, les affaires! Quand ils l’ont prononcé, ils s’imaginent avoir tout dit, et que nous sommes dupes…

      – Mais, mademoiselle…

      – Il n’y a pas de mais qui tienne. Vous méritez une verte semonce et vous l’aurez. Quoi! vous partez pour cinq ou six jours, nous dites-vous, et vous en restez quinze absent! C’est une déloyauté…

      – Un crime de lèse-galanterie, n’est-ce pas, Emmeline? ajouta Bertrand en souriant.

      – Oui, un crime de lèse-galanterie; l’expression est juste, je la maintiens, dit la jeune fille.

      Le comte saisit la main de mademoiselle du Sault et la baisa.

      – Je m’incline devant la rigueur de votre arrêt, dit-il.

      Ce baiser n’était que pure forme de courtoisie. Emmeline crut que la tendresse l’avait inspiré; elle reprit sa bonne humeur.

      On aime tant à s’illusionner, quand l’on aime!

      – Pour votre punition, dit-elle gaiement, je vous enjoins, chevalier perfide et félon, de me demander pardon à genoux.

      Le comte se prêta de bonne grâce à ce caprice de la jeune fille, mais ses yeux ne quittaient guère Bertrand.

      – Allons, dit celui-ci, moi j’intercède en votre faveur; relevez-vous, mon cher ami, et laissez-moi vous témoigner ma reconnaissance pour…

      Emmeline lança un regard suppliant à son frère.

      – J’ai pourtant… commença Lancelot en se rasseyant.

      La jeune fille l’interrompit brusquement.

      – Rien! rien! je ne veux rien entendre avant que vous ne nous ayez dit d’où vous venez.

      Arthur essaya de répondre par un sourire.

      – Oh! s’écria-t-elle, je ne me paierai pas de cette monnaie-là. Il faut vous confesser, et ce que femme veut…

      – Notre ami ne le veut pas, acheva Bertrand en riant aux éclats.

      – C’est ce que nous verrons, dit Emmeline menaçant Lancelot du bout de son doigt.

      – Eh bien, mademoiselle, je vais vous satisfaire, répondit Arthur.

      – Je suis tout oreilles, monsieur.

      – Et moi je donne ma langue aux chiens, fit Bertrand d’un air malicieux.

      – J’arrive du cap Breton.

      – C’est tout? dit Emmeline, rien moins que satisfaite.

      – Tout, mademoiselle.

      – Bravo! clama Bertrand en frappant dans ses mains.

      Il y eut un moment de silence.

      – Je parie que ma sœur n’est pas contente, reprit le jeune du Sault.

      – Contente,

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