Borgia. Michel Zevaco
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– En attendant, après la déconvenue qu’elle est venue cher-cher ici, nous voici avec une ennemie de plus… Cette comtesse Alma… sur laquelle, au fond, je comptais un peu pour aplanir les difficultés et préparer ton mariage, maintenant, loin de nous être une alliée, elle va se tourner contre nous…
– Si elle arrive à Monteforte… Quant à sa fille, elle ne la ver-ra peut-être pas tout de suite.
– Que veux-tu dire ?
– Qu’on a vu Béatrix aux environs de Rome.
– Aux environs de Rome ?… s’écria le pape avec un frémis-sement. Ah ! ces Sforce sont de terribles jouteurs… Va, César, mon fils… Je vais prier. Fasse le ciel que la mère et la fille ne se rejoignent plus !…
– Je m’en charge ! grommela César.
Il allait s’élancer. Le pape le retint d’un geste.
– À propos, dit-il, la comtesse a oublié ici un petit bijou… Tiens… ce crucifix d’or… Je crois que tu pourrais la rejoindre et lui rendre cet emblème sacré auquel, si je ne me trompe, elle doit tenir fort…
César regarda son père attentivement.
– Au surplus, reprit le pape, si ce n’est là son crucifix, c’en est un qui lui ressemble exactement. Il n’y a qu’une toute petite différence… Tiens, regarde, César… Le Christ n’a pas d’épines, sur le crucifix de la comtesse… tandis que, sur celui-ci, la tête est couronnée de piquants… Vois… Et voici une épine qui est bien pointue, per bacco… elle doit bien piquer…
César arracha le crucifix d’or des mains du pape et s’élança au-dehors.
La comtesse Alma, s’éloignant rapidement, avait rejoint la chaise de poste qui l’attendait sous le bouquet de chênes, non loin de la porte Florentine. La voiture s’ébranla.
Elle n’avait pas fait cinq cents pas qu’un cavalier accourut à fond de train, la rejoignit et fit signe au postillon de s’arrêter. Ce-lui-ci obéit.
Le cavalier se pencha à la portière et salua gravement. La comtesse releva la tête et reconnut cet homme.
– César Borgia ! murmura-t-elle en pâlissant.
– Moi-même, madame… Bien que nos deux maisons soient ennemies, j’ai tenu à vous présenter l’hommage de mon respect… Lorsque mon vénéré père a voulu envoyer un serviteur pour vous remettre un objet oublié par vous, je n’ai pas voulu que ce servi-teur fût un autre que moi !…
– Un objet oublié ? interrogea la comtesse.
– Ce crucifix… Mon père m’a affirmé que vous regretteriez sans doute sa perte… J’ai voulu vous éviter ce léger chagrin.
La comtesse eut un sourire de tristesse.
– Je vous remercie, monsieur, fit-elle en rougissant.
Elle tendit la main pour recevoir le crucifix d’or que César lui présentait. Au même instant, elle poussa un léger cri.
Une aspérité du crucifix venait de lui érafler la paume de la main, mais d’une éraflure si mince qu’elle était à peine visible.
– Maladroit ! s’écria César. Vous ai-je fait mal, madame ?… Je ne me le pardonnerais pas.
– Ce n’est rien…
– Adieu donc, madame… Voilà ma mission accomplie… Laissez-moi ajouter un seul mot : c’est que, quoi qu’il arrive, quelles que soient les nécessités de la politique et de la guerre, je conserverai toujours pour vous et les vôtres une ardente sympa-thie…
Sur ces mots, César tourna bride et disparut dans la direc-tion de Rome. Avant de s’enfoncer dans la ville, il s’arrêta, se re-tourna, et contempla un instant la voiture qui disparaissait au loin.
– Cette chaise de poste arrivera dans trois jours à Monte-forte, murmura-t-il, mais elle n’y ramènera qu’un cadavre !…
Ce n’est pas à Monteforte qu’allait la chaise de poste. Elle s’arrêta à cette même Auberge de la Fourche où nous avons vu le chevalier de Ragastens lier connaissance avec César Borgia, et donner au signor Astorre une consultation sur les modes pari-siennes.
La voiture fut remisée. La comtesse Alma s’enferma dans une chambre d’où elle ne sortit qu’à la nuit. Alors, elle monta à cheval et, seule, continua son chemin.
Bientôt elle quitta la route de Florence et, après deux heures de marche au pas à travers champs, parvint enfin à une sorte de gorge resserrée entre des rochers. Au fond de cette gorge se dres-sait une sorte de villa d’assez modeste apparence.
Au moment où la comtesse parut en vue de cette maison, une ombre blanche surgissant d’entre les rochers couverts de myrtes et de lentisques se dressa tout à coup sur le sentier.
– Béatrix ! s’exclama la comtesse dans un élan de joie.
– Ma mère ! Quelles inquiétudes !… Comme vous rentrez tard !… répondit Primevère en serrant la comtesse dans ses bras.
Les deux femmes se hâtèrent d’entrer dans la maison dont un serviteur armé ferma les portes.
– Eh bien, ma mère,… avez-vous réussi ? demanda Béatrix lorsqu’elles furent installées dans une pièce du rez-de-chaussée. Avez-vous pu voir les personnages que vous espériez rencon-trer ?…
– Ces personnages ne sont pas à Rome ! répondit la com-tesse d’une voix sourde.
– Ah ! ma mère… vous m’en voyez toute joyeuse… Lorsque vous m’avez appris hier votre détermination d’aller faire ces dé-marches qui pouvaient aboutir à une sorte de paix entre nous et les Borgia, je n’ai pu me défendre d’un serrement de cœur… Il n’y a pas de paix possible en Italie tant que ces monstres verront le jour…
– Rassure-toi, Béatrix, fit amèrement la comtesse, je crois que la guerre est inévitable…
– Courage, mère !… Je suis résolue à lutter jusqu’au bout… Mais, dites-moi, êtes-vous sûre que cette retraite ne sera pas dé-couverte, qu’on ne vous a pas suivie ?
– Sûre, mon enfant ! Je me suis d’ailleurs conformée à ton plan. La chaise de poste est restée à « l’Auberge de la Fourche ».
– Bien, ma mère ! D’ailleurs notre exil va prendre fin… De-main soir, à Rome, c’est la dernière réunion… Et après-demain, à l’aube, nous quittons cette retraite où nous sommes ensevelies depuis un mois, et nous reprenons le chemin de Monteforte…
– Ah ! Tu as une âme héroïque, Béatrix…
– Il le faut bien, puisque les hommes ont des cœurs de femmes.
La comtesse tressaillit.
– Tu fais allusion à ton père…
– Oui ! À mon