Les amours d'une empoisonneuse. Emile Gaboriau

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Les amours d'une empoisonneuse - Emile Gaboriau

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du clergé.

      – Chevalier, dit la marquise de Soubiran, prêtez-moi donc cinquante pistoles pour tenir contre vous!

      – Les voici, marquise; mais prenez garde, elles vont me revenir…

      – Si elles vous reviennent, je les suivrai, fit résolument la jeune femme.

      – Doublons-nous l'enjeu? demanda Hanyvel.

      – Volontiers. Seulement, je vous préviens de ceci, messieurs; il est dix heures; dans une heure, je quitte la partie; j'ai rendez-vous quelque part.

      – Un rendez-vous! s'écria la Marietta Zambolini, de la Comédie-Italienne; gageons que c'est avec l'une de ces pies-grièches de l'hôtel de Bourgogne!

      – A moins que ce ne soit avec l'une de ces sauterelles du théâtre de la Foire, riposta mademoiselle Aurore de Boisrosé, tragédienne ordinaire du roi.

      La Zambolini envoya à la tête de la Boisrosé un verre que Sainte-Croix attrapa au vol.

      – Tout beau, mes amoureuses! commanda-t-il; vous faites tant de bruit que l'on n'entend pas perdre M. Hanyvel.

      – Il a donc encore perdu? s'exclama la blonde Aurore.

      – Pardieu! grommela le financier d'un air de mauvaise humeur, le chevalier a trop de chance pour ne pas avoir dans sa poche un morceau de la corde avec laquelle il sera un jour pendu.

      Mademoiselle Aurore se coula sur les genoux du chevalier.

      – Donne-moi ma part, fit-elle.

      – Nous étions donc de moitié?

      – Certainement, puisque tu as gagné.

      La marquise de Soubiran, qui subvenait à toutes les dépenses d'un lieutenant de mousquetaires, se pencha à l'oreille de la présidente d'Embermesnil, laquelle était en train de ruiner un surintendant des gabelles, et murmura:

      – Ces histrionnes me font pitié! Elles se donneraient pour un écu!

      – Vous nous faites bien plus de pitié, répliqua la Zambolini, qui avait entendu; vous vous donneriez pour rien!

      Le mot fit tumulte.

      Les grandes dames se levèrent pour protester de bec et d'ongles.

      Les comédiennes se préparèrent à les charger.

      Rubentel et quelques autres se jetèrent entre les deux troupes, tandis que Sainte-Croix lançait sur le parquet une ou deux poignées de pistoles.

      Grandes dames et comédiennes oublièrent leur querelle pour se ruer à la curée.

      – Tout ceci, fit l'abbé de Sourdry, ne nous dit pas qui tu attends ce soir dans ton logis de la rue des Bernardins, chevalier.

      – Serait-ce ma cousine de Flavigny? demanda Rubentel.

      – Ou ma belle-sœur de Chastelluy? continua l'abbé.

      – Ou la Champmeslée? fit un autre.

      – Ou la belle drapière de la rue des Gravilliers? ajouta un troisième.

      – Ou la duchesse de Chaulnes?

      – Ou la petite Florimonde des parades du Pont-Neuf?

      – Ou moi? dit madame de Soubiran.

      – Ou nous? dirent la Zambolini et la Boisrosé.

      – Vous vous trompez tous étrangement, répondit Sainte-Croix. Je dois recevoir aujourd'hui deux personnes: l'une est tout simplement mon directeur; l'autre, un professeur de chimie.

      – Tu crois, donc en Dieu, chevalier? s'écria l'abbé.

      – Comme je ne suis pas d'église, je puis répondre: oui

      – Et au diable? demanda Aurore.

      – Tu m'y as fait croire pendant une heure, friponne.

      Cependant la partie continuait. Les hommes buvaient, les femmes riaient. Tout en continuant son jeu avec une adresse sans pareille, Sainte-Croix parlait:

      – Mon directeur, disait-il, un jésuite très éloquent et très érudit, a appelé mon attention sur certains points de la nouvelle doctrine.

      Je me suis livré à un examen sérieux et approfondi de ces points, et le résultat de mes appréciations a été consigné par moi dans un livre que je compte publier prochainement.

      Je suis pieux, messieurs, et je m'en fais gloire, ma piété n'ayant rien qui fronde ou qui gêne, et le Dieu qui a mes ferveurs étant un être trop raisonnable pour contrecarrer, en quoi que ce soit, les passions qu'il a mises en nous.

      Je crois, en outre, qu'il est plusieurs façons de servir l'État, et, après l'avoir aidé de mon épée, j'essaie de l'appuyer de mes lumières.

      C'est pourquoi, quand je ne joue pas, je pense; quand je ne me bats pas, je cherche, quand je n'aime pas, je trouve.

      Pour le moment la science est ma seule maîtresse…

      – Et quelle sorte de science, chevalier?

      – La toxicologie.

      – Qu'est-ce que c'est que cela? interrogèrent les femmes.

      – C'est la science des poisons, répondit tranquillement Sainte-Croix.

      Les joueurs n'avaient point lâché prise. L'or roulait toujours sur le tapis.

      La fortune s'acharnait contre le financier; le capitaine gagnait sans cesse.

      Tout à coup il s'arrêta, et regardant successivement sa montre et les cartes:

      – Vous avez encore perdu, Hanyvel, et voici qu'il me faut me retirer…

      – Double! insista le receveur.

      – Double! répéta Sainte-Croix, bien que ce fût intervertir les rôles.

      Le chevalier gagna.

      – Double! disait Hanyvel d'un ton de mauvaise humeur.

      – Quitte ou double, si vous voulez, répondit son adversaire. Je vous assure qu'il faut que je m'en aille.

      – Voilà un beau joueur! murmuraient les hommes.

      Les femmes ne disaient rien, mais le chevalier et ses écus étaient mitraillés de regards.

      Madame de Soubiran jeta la clef de son boudoir dans les enjeux.

      – Si je la gagne, fit Sainte-Croix, je la rendrai à Guébriac.

      Mais, cette fois, la chance tourna.

      Le chevalier perdit.

      – Bonsoir, messieurs, dit-il froidement.

      Et poussant vers Hanyvel les montagnes d'or qui,

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