Les esclaves de Paris. Emile Gaboriau

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Les esclaves de Paris - Emile Gaboriau

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style="font-size:15px;">      – Il le faut bien!

      – Partons alors.

      Et, entrebâillant la porte de son cabinet, B. Mascarot cria:

      – Beaumar, une voiture!

      IV

      S'il est à Paris un quartier privilégié, c'est assurément celui qui se trouve compris entre la rue du Faubourg-Saint-Honoré d'un côté, et la Seine de l'autre, qui commence à la place de la Concorde et finit à l'avenue du bois de Boulogne.

      Dans ce coin béni de la grande ville, les millionnaires s'épanouissent naturellement, comme les rhododendrons à certaines altitudes.

      Aussi, que de somptueuses demeures, avec leurs vastes jardins, leurs massifs fleuris, leurs pelouses toujours vertes, leurs grands arbres peuplés de merles familiers, de rossignols et de fauvettes!

      Mais, entre tous ces riants hôtels que lorgne le passant, il n'en est pas de plus souhaitable que l'hôtel de Mussidan, la dernière œuvre de ce pauvre Sévair, mort à la peine, le jour où on reconnaissait enfin son mérite.

      Bâti au milieu de la rue de Matignon, entre une grande cour sablée et un jardin ombreux, l'hôtel de Mussidan a un aspect somptueux qui n'exclut pas l'élégance.

      Peu de sculptures autour des fenêtres et le long des corniches, pas de bariolages sur la façade. Un perron de marbre à double rampe, protégé par une légère marquise, conduit à la grande porte.

      Lorsque le matin, vers sept heures, on passe devant la grille, le mouvement des domestiques dans la cour trahit la grande et riche maison.

      C'est le carosse de cérémonie qu'on remise, ou le phaéton de monsieur le comte, ou le coupé plus simple que prend madame la comtesse lorsqu'elle court aux emplettes.

      Cette bête de race, dont on lustre si soigneusement la robe, c'est Mirette, la favorite que monte parfois avant le déjeuner Mlle Sabine.

      C'est à quelques pas de cette belle demeure, au coin de l'avenue de Matignon, que le placeur et son digne ami firent arrêter leur voiture. Ils descendirent, payèrent le cocher et remontèrent la rue.

      B. Mascarot avait arboré son plus grand air. Avec ses vêtements noirs, sa cravate éblouissante de blancheur et ses lunettes, on l'eût pris aisément pour quelque grave magistrat.

      Le docteur, lui, en route, s'était fait une raison, et s'il était très pâle encore, sa physionomie était redevenue souriante comme d'ordinaire.

      – Prenons nos dernières dispositions, disait le placeur, tu es reçu chez M. et Mme de Mussidan, tu es presque de leurs amis.

      – Oh!.. de leurs amis, non. Un simple guérisseur, n'ayant pas eu l'avantage d'avoir eu un aïeul aux croisades, n'existera jamais pour un Mussidan.

      – Enfin, la comtesse te connaît, elle ne s'épouvantera pas dès que tu ouvriras la bouche, elle ne criera pas à l'assassin. En te retranchant derrière un coquin quelconque, tu peux même, à ses yeux, sauver ta réputation. Moi je me charge de parler au comte.

      – Hum!.. fit le docteur, méfie-toi. Ce cher comte est affreusement violent. Il est homme, au premier mot malsonnant, à te jeter par la fenêtre.

      M. Mascarot eût un geste de défi.

      – J'ai de quoi le mater, dit-il.

      – N'importe!.. Tiens-toi sur tes gardes.

      Les deux amis passaient alors devant l'hôtel de Mussidan, et le docteur en expliqua brièvement la disposition intérieure; puis, ils poursuivirent leur route.

      – A moi le mari, disait B. Mascarot, à toi la femme. Du comte, j'obtiens qu'il retire sa parole à M. de Breulh-Faverlay, mais je ne prononce pas le nom du marquis de Croisenois. Toi, au contraire, tu poses carrément la candidature Croisenois et tu glisses sur le Breulh-Faverlay.

      – Sois sans inquiétude, mon thème est fait, je saurai me tenir.

      – C'est là, cher docteur, qu'est le beau de notre affaire. Le mari s'inquiétera surtout à l'idée de sa femme. La femme sera très occupée de la pensée de son mari. Quand, après nous avoir vus, ils se trouveront ensemble, le premier qui abordera la question ne sera pas peu surpris de voir l'autre abonder dans son sens.

      Ce résultat parut assez comique au docteur pour lui arracher un sourire.

      – Et comme nous allons agir sur chacun d'eux par des moyens différents, dit-il, jamais ils ne se douteront de rien!.. Décidément, ami Baptistin, tu es encore plus ingénieux qu'on ne croit.

      – Bien!.. bien!.. tu me feras des compliments après le succès.

      Ils venaient de s'engager dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré, et de l'autre côté de la rue on apercevait un café. M. Mascarot s'arrêta.

      – Tu vas, dit-il, docteur, entrer dans ce café, pendant que je ferai la course que tu sais. En repassant je te préviendrai. Si c'est: oui, je me présenterai le premier chez le comte, toi, un quart d'heure après moi, tu demanderas la comtesse.

      Quatre heures sonnaient, lorsque ces honorables associés se séparèrent en donnant une poignée de main.

      Le docteur Hortebize avait gagné le café indiqué.

      B. Mascarot continua à remonter le faubourg Saint-Honoré. Ayant dépassé la rue du Colysée, il s'arrêta devant la boutique d'un marchand de vin et entra.

      Le patron de cet établissement bien connu, il faudrait dire célèbre, dans le quartier, n'a pas jugé convenable de mettre son nom au-dessus de sa boutique. On l'appelle le père Canon.

      Le vin qu'il sert aux passants, à son comptoir d'étain, ne vaut pas le diable, il le confesse sans pudeur; mais il tient en réserve, pour sa nombreuse clientèle, composée uniquement de domestiques du voisinage, un certain Mâcon qui a causé plus d'un congé immédiat.

      En voyant entrer chez lui un personnage d'apparence sévère, le père Canon daigna se déranger. En France, le pays du rire, une mine grave est le meilleur des passeports.

      – Monsieur désire quelque chose? demanda le marchand de vin.

      – Je voudrais, répondit le placeur, parler à M. Florestan.

      – De chez le comte de Mussidan, sans doute?

      – Précisément, il m'a donné rendez-vous ici.

      – Et il s'y trouve, monsieur, dit le père Canon; seulement il est en bas dans la salle de musique; je cours le chercher.

      – Oh! inutile, ne vous dérangez pas, je descends.

      Et, sans attendre une réponse, B. Mascarot se dirigea vers l'escalier d'une cave, dont l'entrée s'apercevait au fond de la boutique.

      – Il me semble maintenant, murmura le père Canon, que j'ai déjà vu cet homme de loi qui connaît les êtres de ma maison.

      L'escalier n'était ni trop noir ni trop raide, et de plus il était orné d'une rampe.

      M. Mascarot descendit une vingtaine de marches et arriva à une porte

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