La vie infernale. Emile Gaboriau

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La vie infernale - Emile Gaboriau

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le docteur s’abandonnait à l’entraînement du récit.

      – Un tel! Qui, un tel? interrogea-t-il sans se rendre compte de l’inconvenance de la question.

      Mais la jeune fille fut révoltée.

      Elle écrasa l’indiscret d’un regard hautain, et du ton le plus sec:

      – J’ai oublié ce nom, dit-elle.

      Piqué au vif, le docteur reprit brusquement la pose de son modèle. Mais son imperturbable sang-froid était altéré.

      – Croyez, mademoiselle, balbutia-t-il, que l’intérêt seul… un intérêt respectueux…

      Elle n’eut pas seulement l’air d’entendre ses excuses.

      – Par exemple, interrompit-elle, je sais et je puis vous dire, monsieur, que M. de Chalusse se proposait de s’adresser à la police, si la personne en question ne réussissait pas. A partir de ce moment, il m’a paru tout à fait satisfait. A trois heures, il a sonné son valet de chambre et lui a commandé de faire avancer le dîner de deux heures. Nous nous sommes, en effet, mis à table à quatre heures et demie. A cinq heures, M. de Chalusse s’est levé, il m’a embrassée gaiement, et il est sorti à pied, en me disant qu’il avait bon espoir et qu’il ne serait pas de retour avant minuit…

      La fermeté dont la pauvre enfant avait fait preuve jusque-là se démentit, ses yeux se remplirent de larmes, et c’est d’une voix étouffée qu’elle ajouta en montrant M. de Chalusse:

      – Et à six heures et demie, on l’a rapporté, tel qu’il est là, étendu…

      Un grand silence se fit, si profond qu’on entendit le râle du moribond, toujours immobile sur son lit.

      Restait cependant à savoir les circonstances de l’accident, et c’est à M. Casimir que le médecin s’adressa.

      – Que vous a dit le cocher qui a ramené votre maître? demanda-t-il.

      – Oh! presque rien, monsieur, pas dix paroles.

      – Il faudrait retrouver cet homme et me l’amener.

      Deux domestiques s’élancèrent à sa recherche.

      Il ne pouvait être loin, sa voiture stationnait toujours devant l’hôtel.

      En effet, il stationnait lui-même chez le marchand de vin. Des curieux enragés lui payaient à boire, et en échange il leur racontait l’événement. Il était complétement remis de son trouble et même la gaieté lui venait.

      – Allons, arrivez, on vous demande, lui dirent les domestiques.

      Il vida son verre et les suivit de mauvaise grâce, jurant et pestant entre ses dents, sans qu’on sût pourquoi.

      Le docteur avait du moins eu l’attention de sortir sur le palier pour l’interroger; mais ses réponses n’apprirent rien de neuf.

      Le bourgeois, ainsi qu’il disait, l’avait pris au coin de la rue Lamartine et du faubourg Montmartre et lui avait recommandé de le mener rondement. Il avait fouetté ses chevaux et le malheur avait eu lieu en route. Il n’avait rien entendu. Le bourgeois ne lui avait pas paru indisposé quand il était monté dans la voiture.

      Encore, ce peu qu’il dit, on ne le lui arracha pas sans difficulté. Il avait commencé par soutenir impudemment que le bourgeois l’avait pris à midi, espérant ainsi escamoter le prix de cinq heures, ce qui, joint au bon pourboire qu’on ne pouvait manquer de lui donner, devait constituer un bénéfice honnête. La vie est chère, on fait ce qu’on peut.

      Cet homme parti, toujours grognant, encore qu’on lui eût mis deux louis dans la main, le docteur revint se planter debout devant son malade, les bras croisés, sombre, le front plissé par l’effort de sa méditation.

      Il ne jouait pas la comédie, cette fois.

      En dépit, ou plutôt en raison des minutieuses explications qui lui avaient été données, il trouvait à toute cette affaire quelque chose de suspect et de trouble.

      Toutes sortes de soupçons vagues et indéfinissables se heurtaient dans sa pensée. Était-il en présence d’un crime? Certainement, évidemment non.

      Mais quoi alors? Pourquoi cette atmosphère de mystère et de réticences qu’il sentait autour de lui.

      N’était-il pas sur la trace de quelque lamentable secret de famille, d’un de ces scandales horribles, longtemps cachés, qui tout à coup éclatent?

      Cette idée de se trouver mêlé à quelque ténébreuse affaire lui souriait infiniment, cela ferait du tapage, on le nommerait, on parlerait de lui dans les journaux et la clientèle viendrait les mains pleines d’or.

      Mais comment savoir, pour arrêter d’avance un plan de conduite, pour s’insinuer, pour s’imposer au besoin?

      Il réfléchit et une idée lui vint, qu’il jugea bonne.

      Il marcha à Mlle Marguerite, qui pleurait, affaissée sur un fauteuil, et la toucha du doigt; elle se dressa.

      – Encore une question, mademoiselle… fit-il en donnant à sa voix toute la solennité dont elle était capable. Savez-vous quelle est la liqueur dont M. de Chalusse s’est versé quelques gouttes ce matin?

      – Hélas! non, monsieur.

      – Le savoir serait cependant bien important, pour la sûreté de mon diagnostic… Qu’est donc devenu le flacon?

      – Je pense que M. de Chalusse l’aura remis dans son secrétaire.

      Le docteur désigna un meuble à gauche de la cheminée.

      – Là? fit-il.

      – Oui, monsieur.

      Il hésita, mais triomphant de son hésitation, il dit:

      – Ne pourrait-on l’y prendre?

      Mlle Marguerite rougit.

      – Je n’ai pas la clef, balbutia-t-elle avec un embarras visible.

      M. Casimir s’approcha.

      – Elle doit être dans la poche de M. le comte, et si mademoiselle permet…

      Mais elle, reculant, les bras étendus comme pour défendre le meuble:

      – Non, s’écria-t-elle, non, on ne touchera pas au secrétaire, je ne le veux pas…

      – Cependant, mademoiselle, insista le docteur, monsieur votre père…

      – Eh! monsieur, M. le comte de Chalusse n’est pas mon père!

      Jamais homme ne fut décontenancé autant que le docteur Jodon par la soudaine violence de Mlle Marguerite.

      – Ah!.. fit-il, sur trois tons différents, ah!.. ah!..

      En moins d’une seconde, mille idées, mille suppositions bizarres et contradictoires traversèrent son esprit.

      Qui donc était

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