La vie infernale. Emile Gaboriau

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La vie infernale - Emile Gaboriau

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style="font-size:15px;">      – Pas possible!.. s’écria-t-il. C’est donc pour lui qu’on a vidé les paillasses dans la rue?

      – C’est pour lui.

      – A-t-il de la chance, cet homme-là!.. Ce n’est pas pour moi qu’on ferait des frais pareils! C’est égal, j’ai comme une idée que le patron ne va pas casser ses bretelles de rire quand je vais lui dire ça. Enfin, merci tout de même, m’sieu, et au revoir…

      Il s’éloignait, une idée soudaine le ramena.

      – Excusez, fit-il avec une prestigieuse volubilité, je suis si ahuri que j’oubliais mes affaires… Dites-donc, m’sieu, quand le comte sera mort, c’est vous, n’est-ce pas qui commanderez le service… Eh bien! là, un conseil, n’allez pas aux pompes funèbres, venez chez nous, tenez, voilà l’adresse – il tendait une carte – nous traiterons pour vous avec les pompes, et nous nous chargerons de toutes les démarches. Ce sera plus beau et meilleur marché, par le moyen de certaines combinaisons de tarif… Tout, jusqu’au dernier pompon, est garanti sur facture, on peut vérifier pendant la cérémonie, on ne paye qu’après livraison… Hein! c’est dit.

      Mais le valet haussait les épaules.

      – Bast! fit-il négligemment, à quoi bon!

      – Comment!.. Vous ne savez donc pas que sur un service de première il y aurait peut-être deux cents francs de commission que nous partagerions?..

      – Diable!.. c’est à regarder. Passez-moi votre carte et comptez sur moi. Mes civilités à M. Fortunat, n’est-ce pas…

      Et il rentra.

      Resté seul, Victor Chupin tira de sa poche et consulta une grosse montre d’argent.

      – Huit heures moins cinq, grommela-t-il, et le patron m’attend à huit heures… je n’ai qu’à jouer des jambes.

      II

      C’est place de la Bourse, nº 27, au troisième au-dessus de l’entresol, que demeurait M. Isidore Fortunat.

      Il avait là un appartement honorable: salon, salle à manger, chambre à coucher, une vaste pièce où deux employés écrivaient à la journée; enfin, un beau cabinet de travail, sanctuaire de sa pensée et de ses méditations.

      Le tout ne lui coûtait que 6,000 francs par an; une bagatelle, au prix où sont les loyers.

      Et encore, par dessus le marché, son bail lui donnait droit à un trou de dix pieds carrés sous les combles.

      Il y logeait sa domestique, Mme Dodelin, une personne de quarante-six ans, qui avait eu des malheurs, et qui faisait sa cuisine, car il mangeait chez lui, bien que célibataire.

      Fixé dans le quartier depuis cinq ans, M. Fortunat y était très-connu.

      Payant exactement son terme, ses contributions et son fournisseurs, il y était considéré.

      A Paris, la considération ne fait pas crédit; mais elle ne demande jamais aux pièces de cent sous leur certificat d’origine: elles sonnent, il suffit.

      D’ailleurs, on savait très-bien d’où M. Isidore Fortunat tirait les siennes. Ses revenus avaient une enseigne.

      Il s’occupait d’affaires litigieuses et de recouvrements.

      C’était écrit à sa porte, en toutes lettres, sur un élégant écusson de cuivre.

      Même il devait être, estimait-on, très-bien dans ses affaires. Il occupait six employés tant au dehors qu’à l’intérieur. Les clients affluaient si bien chez lui que le concierge, par certains jours, s’en plaignait, disant que c’était pis qu’une procession et que, même, les escaliers de l’immeuble en étaient dégradés.

      Demander plus ou seulement autre chose à un voisin, avant de lui accorder toute son estime, serait véritablement de l’inquisition.

      Il faut ajouter, pour être juste, que l’extérieur, la conduite et les manières de M. Fortunat étaient de nature à lui concilier les plus difficiles sympathies.

      C’était un homme de trente-huit ans, méthodique et doux, instruit, causeur agréable, fort bien de sa personne, et toujours mis avec une sorte de recherche du meilleur goût. On l’accusait d’être, en affaires, poli, dur et froid comme une dalle de la Morgue, mais chacun entend les affaires à sa guise.

      Ce qui est sûr, c’est qu’il n’allait jamais au café. S’il sortait après son dîner, c’était pour passer la soirée chez quelque riche négociant du voisinage. Il détestait l’odeur du tabac et inclinait vers la dévotion, ne manquant jamais la messe de huit heures le dimanche.

      Sa gouvernante le soupçonnait de velléités matrimoniales. Peut-être avait-elle raison.

      Quoi qu’il en soit, M. Isidore Fortunat finissait de dîner, seul comme de coutume, et il savourait à petites gorgées une tasse d’excellent thé, quand le timbre de l’antichambre lui annonça un visiteur.

      Mme Dodelin se hâta d’aller ouvrir, et Victor Chupin parut, tout essoufflé de la course qu’il venait de fournir.

      Il n’avait pas mis vingt-cinq minutes à franchir la distance qui sépare la rue de Courcelles de la place de la Bourse.

      – Vous êtes en retard, Victor, lui dit doucement M. Fortunat.

      – C’est vrai, m’sieu, mais ce n’est pas ma faute, allez! Tout est sens dessus dessous, là-bas, et j’ai été obligé de faire le pied de grue…

      – Comment cela? Pourquoi?

      – Ah! voilà!.. Le comte de Chalusse a eu un coup de sang ce soir, et à l’heure qu’il est il doit être mort…

      Brusquement, tout d’une pièce, M. Fortunat se dressa. Il était devenu livide, ses lèvres tremblaient.

      – Un coup de sang, fit-il d’une voix étouffée, je suis volé!..

      Et, redoutant la curiosité de Mme Dodelin, il saisit la lampe et se précipita vers son cabinet de travail, en criant à Chupin:

      – Suivez-moi!

      Chupin suivit sans souffler mot, en garçon intelligent qui sait se monter au niveau des situations les plus graves. On ne le recevait pas habituellement dans ce cabinet de travail, dont un magnifique tapis recouvrait le parquet. Aussi, après avoir soigneusement refermé la porte, resta-t-il debout tout contre, respectueusement, son chapeau à la main.

      Mais M. Fortunat ne semblait pas s’apercevoir de sa présence.

      Ayant posé la lampe sur la cheminée, il tournait furieusement autour de son cabinet, comme une bête fauve qui, enfermée, cherche une issue pour fuir.

      – Si le comte est mort, disait-il, le marquis de Valorsay est perdu!.. Adieu les millions!

      Le coup était si cruel, si inattendu surtout, qu’il ne pouvait pas, qu’il ne voulait pas en admettre la réalité.

      Il marcha droit sur Chupin, et le secouant par le collet, comme si le pauvre garçon eût pu faire que ce qui était ne fût pas:

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