La San-Felice, Tome 08. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La San-Felice, Tome 08 - Dumas Alexandre страница 4

La San-Felice, Tome 08 - Dumas Alexandre

Скачать книгу

à la main et s'élança sur cette bande de cannibales.

      Le premier mouvement des lazzaroni fut de prendre la fuite; mais, voyant qu'ils étaient cent et que Salvato était seul, la honte les gagna, et ils revinrent menaçants sur le jeune officier. Trois ou quatre coups de sabre bien appliqués écartèrent les plus hardis, et Salvato se serait encore tiré de cette mauvaise affaire si les cris des blessés et surtout les vociférations du beccaïo n'eussent donné l'éveil à la troupe qui accompagnait fra Pacifico, et qui, en l'accompagnant, fouillait les maisons désignées.

      Une trentaine d'hommes se détachèrent et vinrent prêter main-forte à la bande du beccaïo.

      Alors, on vit ce spectacle singulier d'un seul homme se défendant contre soixante, par bonheur, mal armés, et faisant bondir son cheval au milieu d'eux comme si son cheval eût eu des ailes. Dix fois, une voie lui fut ouverte et il eût pu fuir, soit par la strada de l'Orticello, soit par la grotta della Marsa, soit par le vico dei Ruffi; mais il semblait ne pas vouloir quitter la partie, évidemment si mauvaise pour lui, tant qu'il n'aurait pas atteint et puni le misérable chef de cette bande d'assassins. Mais, plus libre que lui de ses mouvements, parce qu'il était au milieu de la foule, le beccaïo lui échappait sans cesse, glissant, pour ainsi dire, entre ses mains comme l'anguille entre les mains du pêcheur. Tout à coup, Salvato se souvint des pistolets qu'il avait dans ses fontes. Il passa son sabre dans sa main gauche, tira son pistolet de sa fonte et l'arma. Par malheur, pour viser sûrement, il fut obligé d'arrêter son cheval. Au moment où Salvato touchait du doigt la gâchette, son cheval s'affaissa tout à coup sous lui; un lazzarone, qui s'était glissé entre les jambes de l'animal, lui avait coupé le jarret.

      Le coup de pistolet partit en l'air.

      Cette fois, Salvato n'eut pas le temps de se relever ni de chercher son autre pistolet dans son autre fonte: dix lazzaroni se ruèrent sur lui, cinquante couteaux le menacèrent.

      Mais un homme se jeta au milieu de ceux qui allaient le poignarder, en criant:

      –Vivant! vivant!

      Le beccaïo, en voyant l'acharnement de Salvato à le poursuivre, l'avait reconnu et avait compris qu'il était reconnu lui-même. Or, il estimait assez le courage du jeune homme pour savoir avec quelle indifférence il recevrait la mort en combattant.

      Ce n'était donc pas cette mort-là qu'il lui réservait.

      –Et pourquoi vivant? répondirent vingt voix.

      –Parce que c'est un Français, parce que c'est l'aide de camp du général Championnet, parce que c'est celui, enfin, qui m'a donné ce coup de sabre!

      Et il montrait la terrible balafre qui lui sillonnait le visage.

      –Eh bien, qu'en veux-tu faire?

      –Je veux me venger, donc! cria le beccaïo; je veux le faire mourir à petit feu! je veux le hacher comme chair à pâté! je veux le rôtir! je veux le pendre!

      Mais, comme il crachait, pour ainsi dire, toutes ces menaces au visage de Salvato, celui-ci, sans daigner lui répondre, par un effort surhumain, rejeta loin de lui les cinq ou six hommes qui pesaient sur ses bras et sur ses épaules, et, se relevant de toute sa hauteur, fit tournoyer son sabre au-dessus de sa tête, et, d'un coup de taille qu'eût envié Roland, il lui eût fendu la tête jusqu'aux épaules si le beccaïo n'eût paré le coup avec le fusil à la baïonnette duquel était embrochée la tête du malheureux boucher.

      Si Salvato avait la force de Roland, son sabre, par malheur, n'avait point la trempe de Durandal: la lame, en rencontrant le canon du fusil, se brisa comme du verre. Mais, comme elle ne rencontra le canon du fusil qu'après avoir rencontré la main du beccaïo, trois de ses doigts tombèrent à terre.

      Le beccaïo poussa un rugissement de douleur et surtout de colère.

      –Heureusement, dit-il, que c'est à la main gauche: il me reste la main droite pour te pendre!

      Salvato fut garrotté avec les cordes que l'on avait prises chez le boucher et emporté dans un palais, au fond de la cave duquel on venait de trouver des cordes et dont on jetait les meubles et les habitants par la fenêtre.

      Quatre heures sonnaient à l'horloge de la Vicaria.

      À la même heure, le curé Antonio Toscano tenait la parole qu'il avait donnée au jeune général.

      Comme toutes les heures de cette journée, célèbre dans les annales de Naples, furent marquées par quelques traits de dévouement, d'héroïsme ou de cruauté, je suis forcé d'abandonner Salvato, si précaire que soit sa situation, pour dire à quel point en était le combat.

      Après la mort du général Writz, le commandant en second Grimaldi avait pris la direction de la bataille. C'était un homme d'une force herculéenne et d'un courage éprouvé. Deux ou trois fois, les sanfédistes, lancés au delà du pont par ces élans des montagnards auxquels rien ne résiste, vinrent attaquer corps à corps les républicains. C'était alors que l'on voyait le géant Grimaldi, se faisant une massue d'un fusil ramassé à terre, frapper avec la régularité d'un batteur en grange et abattre à chaque coup un homme, avec son terrible fléau.

      En ce moment, on vit ce vieillard presque aveugle qui avait demandé un fusil en promettant de s'approcher si près de l'ennemi qu'il serait bien malheureux s'il ne le voyait pas; – en ce moment, disons-nous, on vit Louis Serio, traînant ses deux neveux plutôt qu'il n'était conduit par eux, s'avancer jusqu'au bord du Sebeto, où ils l'abandonnèrent. Mais, là, il n'était plus qu'à vingt pas des sanfédistes. Pendant une demi-heure, on le vit charger et décharger son fusil avec le calme et le sang-froid d'un vieux soldat, ou plutôt avec le stoïque désespoir d'un citoyen qui ne veut pas survivre à la liberté de son pays. Il tomba enfin, et, au milieu des nombreux cadavres qui encombraient les abords du fleuve, son corps resta perdu ou plutôt oublié.

      Le cardinal comprit que jamais on ne forcerait le passage du pont tant que la double canonnade du fort de Vigliana et de la flottille de Caracciolo prendrait ses hommes en flanc.

      Il fallait d'abord s'emparer du fort; puis, le fort pris, on foudroierait la flottille avec les canons du fort.

      Nous avons dit que le fort était défendu par cent cinquante ou deux cents Calabrais, commandés par le curé Antonio Toscano.

      Le cardinal mit tout ce qu'il avait de Calabrais sous les ordres du colonel Rapini, Calabrais lui-même, et leur ordonna de prendre le fort, coûte que coûte.

      Il choisissait des Calabrais pour combattre les Calabrais, parce qu'il savait qu'entre compatriotes la lutte serait mortelle: les luttes fratricides sont les plus terribles et les plus acharnées.

      Dans les duels entre étrangers, parfois les deux adversaires survivent; nul n'a survécu d'Étéocle et de Polynice.

      En voyant le drapeau aux trois couleurs flottant au-dessus de la porte et en lisant la légende gravée au-dessous du drapeau: Nous venger, vaincre ou mourir! les Calabrais, ivres de fureur, se ruèrent sur le petit fort, des haches et des échelles à la main.

      Quelques-uns parvinrent à entamer la porte à coups de hache; d'autres arrivèrent jusqu'au pied des murailles, où ils tentèrent d'appuyer leurs échelles; mais on eût dit que, comme l'arche sainte, le fort de Vigliana frappait de mort quiconque le touchait.

      Trois fois les assaillants revinrent à la charge et trois fois furent repoussés en laissant les approches du fort jonchées de cadavres.

      Le colonel Rapini, blessé de deux

Скачать книгу