La San-Felice, Tome 08. Dumas Alexandre
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Alors, entre tous ces hommes, experts en torture, il fut débattu de quel genre de mort mourrait Salvato.
Brûlé à petit feu, écorché vif, coupé en morceaux, Salvato pouvait supporter tout cela sans jeter une plainte, sans pousser un cri.
C'était du meurtre, et, aux yeux de ces hommes, le meurtre ne déshonorait pas, n'humiliait pas, n'abaissait pas celui qui en était la victime.
Le beccaïo voulait autre chose. D'ailleurs, il déclarait qu'ayant été défiguré et mutilé par Salvato, Salvato lui appartenait. C'était son bien, sa propriété, sa chose. Il avait donc le droit de le faire mourir comme il voudrait.
Or, il voulait que Salvato mourût pendu.
La pendaison est une mort ridicule, où le sang n'est point répandu, – le sang ennoblit la mort; – les yeux sortent de leurs orbites, la langue enfle et jaillit hors de la bouche, le patient se balance avec des gestes grotesques. C'était ainsi, pour qu'il mourût dix fois, que Salvato devait mourir.
Salvato entendait toute cette discussion, et il était forcé de se dire que le beccaïo, eût-il été Satan lui-même, et, en sa qualité de roi des réprouvés, eût-il pu lire en son âme, il n'eût pas mieux deviné ce qui s'y passait.
Il fut donc convenu que Salvato mourrait pendu.
Au-dessus de la table où était couché Salvato se trouvait un anneau ayant servi à suspendre un lustre.
Seulement, le lustre avait été brisé.
Mais on n'avait pas besoin du lustre pour ce que voulait faire le beccaïo: on n'avait besoin que de l'anneau.
Il prit une corde dans sa main droite, et, si mutilée que fût sa main gauche, il parvint à y faire un noeud coulant.
Puis il monta sur la table, et, de la table, comme il eût fait d'un escabeau, sur le corps de Salvato, qui demeura aussi insensible à la pression du pied immonde que s'il eût été déjà changé en cadavre.
Il passa la corde dans l'anneau.
Tout à coup il s'arrêta; il était évident qu'une idée nouvelle venait de lui traverser l'esprit.
Il laissa le noeud coulant pendre à l'anneau et jeta à terre l'autre extrémité de la corde.
–Oh! dit-il, camarades, je vous demande un quart d'heure, rien qu'un quart d'heure! Pendant un quart d'heure, promettez-moi de me le garder vivant, et je vous promets, moi, pour ce jacobin, une mort dont vous serez tous contents.
Chacun demanda au beccaïo ce qu'il voulait dire et de quelle mort il entendait parler; mais le beccaïo, refusant obstinément de répondre aux questions qui lui furent faites, s'élança hors du palais et prit sa course vers la via dei Sospiri-dell'Abisso.
LXV
CE QU'ALLAIT FAIRE LE BECCAÏO
VIA DEI SOSPIRI-DELL'ABISSO
La via dei Sospiri-dell'Abisso, c'est-à-dire la rue des Soupirs-de-l'Abîme, donnait d'un côté sur le quai della strada Nuova, de l'autre sur le Vieux-Marché, où se faisaient d'habitude les exécutions.
On l'appelait ainsi, parce qu'en entrant dans cette rue, les condamnés, pour la première fois, apercevaient l'échafaud et qu'il était bien rare que cette vue ne leur tirât point un amer soupir du fond des entrailles.
Dans une maison à porte si basse qu'il semblait qu'aucune créature humaine n'y pût entrer la tête levée, et dans laquelle on n'entrait, en effet, qu'en descendant deux marches et en se courbant, comme pour entrer dans une caverne, deux hommes causaient à une table sur laquelle étaient posés un fiasco de vin du Vésuve et deux verres.
L'un de ces hommes nous est complétement étranger; l'autre est notre vieille connaissance Basso Tomeo, le pêcheur de Mergellina, le père d'Assunta et des trois gaillards que nous avons vus tirer le filet le jour de la pêche miraculeuse, qui fut le dernier jour des deux frères della Torre.
On se rappelle à la suite de quelles craintes qui le poursuivaient à Mergellina il était venu demeurer à la Marinella, c'est-à-dire à l'autre bout de la ville.
En tirant ses filets, ou plutôt les filets de son père, Giovanni, son dernier fils, avait remarqué, à la fenêtre de la maison faisant le coin du quai de la strada Nuova et de la rue des Soupirs-de-l'Abîme, fenêtre à fleur de terre à cause des deux marches à l'aide desquelles on descendait dans l'appartement que, dans le jargon de nos constructeurs modernes, on appellerait un sous-sol, – Giovanni avait, disons-nous, remarqué une belle jeune fille dont il était devenu amoureux.
Il est vrai que son nom semblait la prédestiner à épouser un pêcheur: elle s'appelait Marina.
Giovanni, qui arrivait de l'autre côté de la ville, ne savait pas ce que personne n'ignorait du pont de la Madeleine à la strada del Piliere: c'était à qui appartenait cette maison à porte basse et de qui était fille cette belle fleur de grève qui s'épanouissait ainsi au bord de la mer.
Il s'informa, et apprit que la maison et la fille appartenaient à maître Donato, le bourreau de Naples.
Quoique les peuples méridionaux, et particulièrement le peuple napolitain, n'aient point pour l'exécuteur des hautes oeuvres cette répulsion qu'il inspire, en général, aux hommes du Nord, nous ne saurions cacher à nos lecteurs que la nouvelle ne fut point agréable à Giovanni.
Son premier sentiment fut de renoncer à la belle Marina. Comme nos deux jeunes gens n'avaient encore échangé que des regards et des sourires, la rupture n'exigeait pas de grandes formalités. Giovanni n'avait qu'à ne plus passer devant la maison, ou, quand il y passerait, à tourner les yeux d'un autre côté.
Il fut huit jours sans y passer; mais, le neuvième, il n'y put tenir: il y passa. Seulement, en y passant, il tourna la tête vers la mer.
Par malheur, ce mouvement avait été fait trop tard, et, lorsqu'il avait détourné la tête, la fenêtre où stationnait d'habitude la belle Marina s'était trouvée comprise dans le cercle parcouru par son rayon visuel.
Il avait entrevu la jeune fille; il lui avait même semblé qu'un nuage de tristesse voilait son visage.
Mais la tristesse, qui enlaidit les vilains visages, fait un effet contraire sur les beaux.
La tristesse avait encore embelli Marina.
Giovanni s'arrêta court. Il lui sembla qu'il avait oublié quelque chose à la maison. Il eût bien de la peine à dire quoi; mais cette chose, quelle qu'elle fût, lui sembla si nécessaire, qu'il se retourna, mû par une force supérieure, et qu'en se retournant, les mesures qu'il avait déjà si mal prises, étant plus mal prises encore, il se trouva face à face avec celle qu'il s'était promis à lui-même de ne plus regarder.
Cette fois, les regards des deux jeunes gens se croisèrent et se dirent, avec ce langage si rapide et si expressif des yeux, tout ce qu'auraient pu se dire leurs paroles.
Notre intention n'est point de suivre, quelque intérêt que nous serions sûr de lui donner, cet amour dans ses développements. Il suffira à nos lecteurs de savoir que, comme Marina était aussi sage que belle et que l'amour de Giovanni allait toujours croissant,