La clique dorée. Emile Gaboriau

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La clique dorée - Emile Gaboriau

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s'avança souriante jusqu'au comte de la Ville-Handry, et, lui tendant le front:

      – Me trouvez-vous bien ainsi, cher comte? demanda-t-elle.

      Lui, de la tête aux pieds tressaillit, et tout ce qu'il put faire, ce fut d'avancer ses lèvres, en bégayant du ton de l'extase:

      – Oh! oui, belle, trop belle.

      – Aussi, la toilette a été longue, objecta gravement Thomas Elgin, trop longue…

      Il devait bien savoir, au contraire, que miss Sarah venait d'accomplir un miracle de promptitude: il n'y avait pas un quart d'heure qu'elle était rentrée…

      – Vous êtes un vilain impertinent, Tom, dit-elle, en riant du rire frais et sonore de l'enfant, et il est bien heureux que M. de la Ville-Handry m'arrache à vos éternelles remontrances…

      – Sarah!.. prononça sévèrement mistress Brian.

      Mais déjà elle s'était retournée, la main tendue, vers Daniel.

      – Merci d'être venu, monsieur, reprit-elle, je suis certaine qu'à nous deux nous allons nous entendre très bien.

      Elle lui disait cela de l'accent le plus doux, mais s'il l'eût mieux connue, il eût compris au regard dont elle l'enveloppait, que ses dispositions étaient bien changées, et que, bienveillante d'abord, elle le haïssait à présent d'une haine furieuse.

      – Nous entendre, miss… répéta-t-il en s'inclinant; sur quoi?

      Elle ne répondit pas.

      Le domestique annonçait des hôtes accoutumés de ses soirées, et elle s'élançait à leur rencontre.

      Dix heures sonnaient, et de ce moment, les invités se succédèrent sans interruption. A onze heures, il y avait une centaine de personnes dans le salon, et dans les deux pièces contiguës, on avait installé des tables de whist.

      Certainement tous les gens qui se trouvaient là, vieux messieurs chargés de décorations étrangères et jeunes hommes à gilets en cœur, n'étaient pas sans reproches… mais tous appartenaient à la «haute vie» parisienne, à ce monde à part dont les dehors brillants dissimulent les hontes, et qui cache ses misères sous la pesante livrée du plaisir.

      Quelques-uns, par leur nom, par leur situation ou par leur fortune, dominaient de bien haut cette cohue dorée, et on les reconnaissait à leur assurance supérieure et à la faveur qui accueillait leurs moindres paroles.

      Et dans la foule, M. de la Ville-Handry se pavanait, triomphant des attentions de miss Sarah. Il affectait les empressements d'un maître de maison, comme s'il eût été chez lui, il surveillait le service des gens, puis d'un air de fatuité modeste, il allait de groupe en groupe, quêtant des compliments.

      Près de la cheminée, gracieusement posée sur un fauteuil, miss Sarah semblait une jeune reine au milieu de sa cour… Mais si entourée qu'elle fût, si enivrée d'adulations qu'elle dût être, elle ne perdait pas de vue Daniel, l'épiant à la dérobée, pour surprendre sur son visage le reflet de ses impressions.

      Une fois même, au grand scandale de ses adorateurs, elle quitta sa place pour aller lui demander pourquoi il restait ainsi seul en son coin, et s'il était souffrant. Puis, voyant qu'il ne connaissait personne, elle daigna lui désigner et lui nommer les plus notables de ses invités.

      Et elle mettait tant d'affectation à montrer ses brillantes relations, que Daniel se persuadait presque qu'elle avait pénétré ses intentions, et que c'était là une espèce de défi, comme si elle lui eût dit:

      – Voilà quels amis me défendraient si vous osiez m'attaquer.

      Cependant il ne se sentait aucunement découragé, se rendant bien compte des difficultés de sa tâche et n'en étant plus à compter les obstacles. Au bruit des conversations, il arrangeait dans sa tête un plan qui devait le mettre sur les traces du passé de cette dangereuse aventurière…

      Et ses méditations l'absorbaient si bien, qu'il ne s'apercevait pas que peu à peu le salon se vidait… C'était, ainsi, cependant, et il ne restait plus à la fin que quelques intimes et quatre joueurs autour de la table de whist.

      Alors, miss Sarah se leva, et s'approchant de Daniel:

      – Voulez-vous m'accorder dix minutes d'entretien, monsieur? demanda-t-elle.

      Il se dressait pour la suivre, lorsque mistress Brian intervint, adressant d'un ton de reproche quelques mots en anglais à sa nièce. Daniel savait assez d'anglais pour comprendre que mistress Brian disait:

      – Ce que vous faites là est tout à fait inconvenant, Sarah!..

      – Choquant! approuva sir Tom.

      Mais elle haussa légèrement les épaules, et toujours en anglais:

      – Mon cher comte aurait seul le droit de trouver ma conduite inconvenante, répondit-elle, et j'ai son autorisation.

      Puis, s'adressant à Daniel, en français cette fois, elle ajouta:

      – Venez avec moi, monsieur!..

      IX

      C'est chez elle, dans une petite pièce dépendant de son appartement de jeune fille, que miss Sarah conduisit Daniel.

      Rien de si frais, de si coquet que ce réduit moitié salon et moitié serre, tendu d'une grosse étoffe de soie bariolée de ramages fantastiques, et garni de treillages où s'enroulaient des lierres et des capucines du Japon. Tout autour étaient disposées des jardinières remplies de plantes rares en pleine floraison, et les siéges de bambou étaient recouverts d'une étoffe pareille à la tenture.

      Le salon de réception reflétait le caractère de mistress Brian, ici se trahissaient les goûts de miss Sarah.

      Elle s'assit sur un petit canapé, et après s'être recueillie un moment:

      – Ma tante avait raison, monsieur, commença-t-elle, il eût été plus convenable de vous faire dire par sir Thomas Elgin ce que je vous dirai… Mais j'ai la témérité des jeunes filles de mon pays, et quand il s'agit de moi, je ne m'en fie qu'à moi…

      Elle était ravissante de naïveté, disant cela de ce petit air capable et résolu que prennent les enfants quand ils vont hasarder quelque entreprise qu'ils jugent considérable ou périlleuse.

      – Mon cher comte, reprit-elle, est allé chez vous cette après-midi, monsieur, il me l'a dit; vous savez donc par lui qu'avant un mois je serai la comtesse de la Ville-Handry.

      Daniel eut un soubresaut. Avant un mois… que faire en si peu de temps!..

      – Or, monsieur, continua miss Brandon, je tiens à savoir de votre bouche si vous trouvez des… inconvénients à ce mariage, et quels ils sont.

      Elle s'exprimait simplement, sans paraître se douter qu'un article du code de la fausse pudeur française exige qu'au seul mot de mariage une demoiselle rougisse jusqu'au blanc des yeux.

      L'embarras de Daniel était extrême.

      – J'avoue, miss, répondit-il péniblement, que je ne comprends pas, que je ne m'explique pas l'honneur que vous me faites…

      – En

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